Liaison, 8 février 2007
La violence à l’école :
un phénomène préoccupant
Propos
recueillis par ISABELLE
HUARD
Un important
colloque qui portera sur la violence à l’école se tiendra le 22 février à
l’Université de Sherbrooke. La professeure Claire Beaumont, codirectrice de
l’Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l’école, a bien
voulu répondre à quelques questions sur ce sujet d’actualité.
Liaison :
Qu’entend-on réellement lorsqu’on parle de violence à l’école?
Claire Beaumont :
Il peut s’agir de violence physique, de violence verbale par intimidation ou
harcèlement, de taxage, de violence sexuelle (homophobie ou harcèlement) et
plus récemment, de cyberintimidation. Elle peut toucher plusieurs victimes –
tant les élèves que le personnel scolaire. Cette violence peut être
provoquée par différents agresseurs : élèves, parents d’élèves, règles
abusives des établissements, attitudes des enseignants. Les victimes
subissent des effets négatifs sur leur développement personnel et social et
peuvent même abandonner l’école. Les effets de cette violence sont aussi
rapportés par le personnel enseignant. Certains quittent la profession ou
dénoncent le manque de support par les milieux et les directions. Sans
intervention, les agresseurs se confortent dans leurs agirs violents qu’ils
perpétueront dans leur vie adulte. En dépit des rares événements tragiques
rapportés par les médias, de l’avis de plusieurs chercheurs, ce serait
plutôt ce qu’on appelle les microviolences quotidiennes qui mineraient les
climats scolaires et affecteraient les victimes à long terme.
Liaison :
Au Québec, la situation est-elle problématique dans tous les milieux
scolaires?
C. Beaumont :
On a peu de données fiables permettant de dresser un portrait réel de la
situation au Québec. Plusieurs écoles se disent démunies et le problème est
parfois si grand qu’on ne sait pas par où commencer. Les effets négatifs sur
le climat scolaire diffèrent d’un établissement à l’autre, que ce soit au
primaire, au secondaire ou au collégial. Les milieux socioéconomiquement
faibles sont davantage ciblés ainsi que les centres urbains avec la présence
des gangs de rue et de multiples situations confrontant ethnies et coutumes.
Liaison :
À quoi peut-on attribuer les causes de la violence en milieu scolaire?
C. Beaumont :
Avant d’être un problème scolaire, la violence demeure un problème social.
Les enfants apprennent beaucoup par imitation et ils se modèlent sur les
attitudes des adultes qui les entourent. La façon dont les adultes règlent
leurs conflits, la sensibilisation à la tolérance, l’acceptation des
différences, le respect des autres, les messages télévisuels, les jeux
vidéo, l’absence de limites et d’encadrement familial sont tous ces facteurs
qui caractérisent le climat dans lequel les enfants grandissent et
apprennent à se comporter. Ils ne se comporteront pas différemment à
l’école.
Liaison :
La formation initiale prépare-t-elle adéquatement les futurs enseignants et
enseignantes à orienter leurs interventions pour y faire face?
C. Beaumont : Une enquête menée actuellement dans 10 pays en
collaboration avec l’Observatoire européen de la violence à l’école nous
indique que très peu de temps est consacré à la formation initiale des
futurs enseignants et enseignantes scolaires à la gestion des comportements
difficiles et à la prévention de la violence à l’école. Au Québec, on évalue
entre trois et six crédits (sur une formation de 120 crédits) le temps
consacré à cette formation au primaire et au secondaire. Bien que ce soit
insuffisant, l’UdeS remporte toutefois la palme avec ses six crédits
obligatoires consacrés aux caractéristiques et à l’intervention auprès des
élèves en difficulté dans son baccalauréat en enseignement au préscolaire et
au primaire.
Liaison :
Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a annoncé un plan
d’action pour contrer la violence dans les écoles. Comment la recherche et
les milieux de pratique peuvent-ils apporter leur contribution?
C. Beaumont :
Ce plan d’action est effectivement très attendu par les milieux scolaires.
Les intervenants scolaires craignent de se voir imposer un nouveau plan
alors qu’ils sont encore à digérer l’implantation de la réforme. Ils
espèrent que des sommes d’argent seront réparties et réservées exclusivement
pour appuyer les mesures pour faire diminuer la violence et recréer des
milieux propices à l’enseignement. La recherche dans le domaine de la
violence à l’école s’est développée depuis les 20 dernières années et une
panoplie de programmes d’intervention évalués et jugés efficaces existe pour
intervenir plus spécifiquement en milieu scolaire. Il a été reconnu que les
écoles où il y avait le moins de violence étaient celles où on retrouvait
une politique claire face au phénomène; un leadership de la direction; des
interventions préventives concernant l’entraînement aux habiletés sociales;
des interventions ciblées adressées aux agresseurs et aux victimes;
l’implication des élèves (pairs aidants, médiateurs); la collaboration entre
les intervenants, la famille et la communauté; et une stabilité du personnel
scolaire.
Liaison :
Le colloque que vous organisez amènera-t-il des pistes pour faire avancer la
réflexion sur le phénomène?
C.
Beaumont : Le thème
La violence à l’école : recontextualiser le phénomène pour mieux y répondre
illustre bien le sens donné à cette journée. Chercheuses et chercheurs,
intervenantes et intervenants scolaires, directions d’école, commissions
scolaires, étudiantes et étudiants y sont invités. De l’international au
régional, la violence à l’école y sera abordée sous les angles de la
recherche et de l’intervention. Organisé par l’Observatoire canadien pour la
prévention de la violence à l’école et ses partenaires, cet événement se
veut un forum permettant la rencontre entre la recherche et le milieu de
pratique.
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