Des enfants adoptent de saines habitudes
STÉPHANIE RAYMOND
Les médias en ont abondamment parlé en novembre : des enfants de 4e année
ont été sensibilisés à l'importance d'adopter de saines habitudes de vie en
voyant, notamment, les effets d'une alimentation saine ou pauvre sur des
souris. Plus d'un mois après la fin de l'expérience, les enfants ont-ils
continué d'avoir de meilleures habitudes alimentaires? «Vingt enfants sur 27
ont changé une de leurs habitudes, et ce en famille; selon moi, c'est une
réussite», affirme le professeur Sylvain Turcotte, spécialiste de
l'éducation à la santé et collaborateur au sein du projet. Son secret :
travailler sur toutes les dimensions de la personne : sociale, affective et
cognitive.
Le projet a été réalisé dans une classe d'enfants de neuf et dix ans de
l'école La Maisonnée à Sherbrooke, avec la collaboration de l'éducatrice
physique Lucie Boutin et de l'enseignante Nathalie Boutin. «J'ai aussi
impliqué mes étudiants du cours
Éducation à la santé en
milieu scolaire. Nous avons identifié des pistes d'intervention
susceptibles de provoquer une prise de conscience chez les élèves et de les
amener à modifier une de leurs habitudes alimentaires», explique le
professeur Turcotte.
Des réponses d'adultes
«J'ai été agréablement surpris par les réponses des enfants à un
questionnaire distribué le 18 janvier et portant sur les retombées du
projet, affirme Sylvain Turcotte. Il y en a qui ont affirmé, par exemple,
manger moins de dessert ou plus de fruits et légumes, ou boire plus d'eau,
ou encore qui ont intégré la pratique d'une activité physique.»
Mais ce qui frappe le plus est le fait que plusieurs enfants aient donné
des réponses d'adultes, alors qu'ils ont rempli le questionnaire
individuellement à l'école. Par exemple : «Nous avons tenu notre
résolution», «Il faut encore faire des efforts» ou «Ce n'est pas facile de
changer une habitude». Pourquoi des réponses d'adultes? «Parce que ces
réponses impliquent une prise de conscience réelle, dit le professeur
Turcotte. Habituellement à cet âge, la santé va de soi dans la tête des
enfants, ils se sentent comme des superhéros et ne voient pas les impacts de
leur comportement sur leur santé.»
Le secret : travailler sur l'environnement de l'enfant
«Un projet de bonne et de mauvaise nutrition de souris dans une classe
avait déjà été réalisé à Montréal et présenté à
l'émission
Enjeux en septembre 2006,
rappelle le professeur Turcotte. Mais ce projet avait certaines limites, et
nous avons tenté de l'élargir.»
D'abord, au lieu de donner simplement des chips et de la boisson gazeuse
aux souris, Sylvain Turcotte et ses collaboratrices ont repéré une variété
d'aliments peu nutritifs dans les boîtes à lunch des enfants. «C'est avec
cela que nous avons nourri les souris destinées à une mauvaise alimentation.
Cela touchait les élèves plus directement.»
De plus, pour amener l'adoption réelle de meilleures habitudes de vie
chez les enfants, il fallait agir à tous les niveaux. Côté cognitif, les
enseignants ont donné aux enfants de l'information sur le
Guide alimentaire
canadien ainsi que sur la sédentarité et sur l'embonpoint. Et,
surtout, ils leur ont appris à lire les étiquettes des aliments et à
questionner leurs habitudes alimentaires.
Côté dimension sociale et affective, les parents ont été impliqués dans
le projet. «Ce sont eux qui décident en grande partie du contenu des boîtes
à lunch et qui ont un pouvoir sur les habitudes de leurs enfants», explique
Sylvain Turcotte. Les familles ont donc été mises au défi d'apporter un
changement dans leurs habitudes alimentaires.
«Les réponses des enfants au questionnaire confirment l'importance
d'intégrer la communauté, dans ce cas l'école, et la famille quand il s'agit
de sensibilisation à la santé, affirme le professeur Turcotte.
L'environnement a en effet joué un rôle prépondérant dans la possibilité
pour les élèves de changer une habitude alimentaire.» Finalement, lors de la
remise du bulletin, les enfants ont dû expliquer le projet aux parents.
«Certains parents nous ont d'ailleurs informés que leurs enfants ne
pouvaient maintenant s'empêcher de lire toutes les étiquettes des aliments!»
Le projet et ses résultats seront présentés par l'éducatrice physique
Lucie Boutin à tous les enseignants en éducation physique du primaire de la
Commission scolaire de la région de Sherbrooke le 12 février.
Par ailleurs, Sylvain Turcotte prévoit faire de ce projet pédagogique un
véritable projet de recherche dans un avenir rapproché, en y apportant
certaines modifications et en l'échelonnant sur un cycle scolaire de deux
ans.
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