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Liaison, 11 janvier 2007
L'intensiviste pessimiste positiviste
JOSÉE BEAUDOIN
J'ai découvert le mot «intensiviste» en préparant ma rencontre avec
Olivier Lesur. Même si le terme n'a pas encore ses lettres de noblesse dans
Le Robert,
je l'utiliserai quand même tout au long de cet article. La disciple de
Google que je suis a trouvé sa légitimité dans 941 entrées. De plus, une
source fiable, soit
Le grand dictionnaire terminologique, décrit l'intensiviste comme
une personne affectée aux soins intensifs dans un hôpital. Après avoir
rencontré le Dr Lesur, je proposerais plutôt la définition suivante :
professionnel aux nerfs d'acier et au dévouement surhumain qui rechoisit
chaque jour l'intensité.
Outre son rôle d'intensiviste, Olivier Lesur endosse ceux de pneumologue,
de coordonnateur des soins intensifs médicaux au CHUS, de chercheur et de
professeur de médecine. Globalement, il se définit lui-même comme un
pessimiste positiviste. «Pessimiste parce que la vie quotidienne n'est
facile pour personne. Les soucis du quotidien, c'est une réalité. Mais je
suis positiviste dans le sens où cela ne m'inhibe pas. Cela provoque chez
moi, au contraire, une motivation et une envie de réaction. Le jour où je
n'aurai plus de soucis, cela me fera mourir d'ennui», dit-il en souriant.
La découverte du nouveau monde
Originaire de la France, Olivier Lesur était déjà pneumologue et
intensiviste lorsqu'il est arrivé à Sherbrooke, en 1988. Il passait
l'essentiel de ses journées auprès de patients qui se trouvaient dans des
conditions critiques et, plus il en voyait mourir, plus s'intensifiait son
impression d'être limité dans ses interventions. Le baume sur son sentiment
d'impuissance, c'est dans la recherche qu'il l'a trouvé. «Mon patron d'alors
m'a envoyé au Québec en me disant :
Va te faire former
là-bas pendant deux ans. Il y a un endroit, à Sherbrooke, où ils sont super
bons dans le poumon. Moi, j'étais un MD, point. La recherche, je
ne savais pas ce que c'était. Les laboratoires, les microscopes… J'ai
réappris complètement un deuxième monde et j'ai adoré cela.» Deux ans plus
tard, Olivier Lesur retraversait l'Atlantique, gonflé à bloc, avec
l'ambition de développer une recherche nouvelle. Toutefois, les gens de
Sherbrooke savent reconnaître le talent puis se montrer persuasifs et
invitants. Olivier Lesur est donc revenu en 1992 et il y est depuis,
partageant son temps entre la recherche, la pratique clinique,
l'administration et l'enseignement.
Confondre le sepsis
Dans ses recherches, Olivier Lesur s'intéresse plus particulièrement au
sepsis, soit les conséquences désastreuses de la dissémination d'une
bactérie dans tout l'organisme. Pour une image claire, pensez aux ravages de
C. difficile.
«L'épisode de la bactérie
C. difficile,
on l'a vécu de 2003 à 2005 de façon très cruelle, dit le professeur. On a
appris beaucoup.» En cette matière, il fait maintenant office d'expert. Sa
passion de la recherche s'exprime autant sous le microscope qu'au chevet des
patients. Ses travaux trouvent écho dans ses conférences à l'étranger et
dans ses multiples publications. «Je n'ai jamais eu l'ambition d'être un
Prix Nobel, mais je veux faire ma part dans la recherche médicale», dit-il.
Cette part, elle fut saluée de belle façon en octobre alors qu'il recevait
le Prix d'excellence à la recherche médicale 2006 de La Fondation du CHUS.
Inspirer la démarche
additionnelle
Olivier Lesur est de ceux qui en font toujours plus, alors il inspire au
dépassement. Signe évident de l'effet miroir, il est rempli d'admiration
pour les résidents qui ont une démarche singulière et qui ne voient pas dans
leur diplôme de médecin ou leur pratique quotidienne un aboutissement. «Il
faut que certains aient envie d'être des enseignants et des chercheurs, en
plus d'être des médecins. Il y a de moins en moins de jeunes au Québec qui
veulent faire cette démarche de recherche additionnelle.» La fierté du
professeur est notable lorsqu'il précise que deux des quatre résidents ayant
travaillé avec lui au cours des deux dernières années ont choisi cette
démarche additionnelle. Même étincelle lorsqu'il parle de ces étudiants, au
moins un ou deux par cohorte depuis 10 ans, qui viennent le voir pour
réclamer son expertise en lui disant :
Moi, Monsieur, ça
m'intéresse, les soins intensifs.
Une force d'entraînement
Olivier Lesur ne sera pas de ceux qui prendront la résolution de faire de
l'exercice et de se remettre en forme en ce début de janvier puisqu'il fait
déjà une quarantaine de kilomètres de course à pied chaque semaine. Sportif
depuis toujours, il a même hésité entre la carrière de joueur de tennis et
celle de médecin. Pour cet homme actif au quotidien, la course fait pour lui
figure d'incontournable et de soupape. «Les rares fois où je me suis blessé,
c'était terrible. Je n'arrivais pas à évacuer mon surplus de stress»,
raconte-t-il. Chaque année, le professeur Lesur participe à cinq ou six
courses d'envergure et il n'y va pas seul! Au marathon de Québec l'année
dernière, six de ses résidents couraient avec lui, pour ne pas dire derrière
lui!
Meilleurs vœux d'intensité!
Et qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour l'année 2007, Docteur Lesur?
«Toujours plus d'étudiants, plus de moyens et plus de temps pour réaliser
tout ce que j'ai en tête!» répond-il sans hésitation. Heureusement que j'ai
vérifié avant de formuler mes vœux. Je m'apprêtais naïvement à lui souhaiter
un peu de répit.
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