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Liaison, 7 décembre 2006
Tournée des facultés
Rencontre avec la doyenne de la Faculté d'éducation
«Relever les défis de l'heure en éducation» – Céline
Garant
Liaison
amorce dans ce numéro sa tournée des facultés 2007. Le journal publiera
une série d'articles où les doyennes et doyens brosseront un portrait des
enjeux actuels de chacune des neuf facultés. Ils seront aussi invités à
commenter des dossiers sociaux liés à leurs disciplines respectives. Pour
débuter la série, nous ouvrons le bal avec la Faculté d'éducation.
Propos recueillis par ROBIN RENAUD
Le monde de l'éducation est confronté à plusieurs défis de taille.
Comment assurer la réussite de tous et contrer le décrochage scolaire?
Comment soutenir l'implantation d'une réforme qui ne fait pas tous les
jours consensus? Comment améliorer la qualité du français à l'école?
Comment contrer la violence à l'école? Voilà des enjeux dont se préoccupe
la Faculté d'éducation. Pour la doyenne Céline Garant, ces défis ne
peuvent être relevés qu'en s'appuyant sur les résultats de la recherche en
éducation, recherche menée en partenariat avec les acteurs des milieux de
formation et d'intervention.
Au cours des dernières années, ces questions ont mobilisé toutes les
facultés d'éducation au Québec, dont celle de l'UdeS. En Estrie par
exemple, la Table interordre a convié tous les partenaires des milieux
sociaux, économiques et scolaires à se doter d'un plan d'action pour
contrer le décrochage scolaire. «Ce fléau touche notre région de plein
fouet. La Faculté d'éducation s'est engagée pleinement dans la lutte au
décrochage en fournissant de l'expertise, tant par ses ressources
professorales que par les résultats de recherche», illustre la doyenne.
La recherche au service de la collectivité
L'un des traits marquants de la Faculté d'éducation est la jeunesse de
son corps professoral. En effet, la moitié de sa centaine de professeures
et professeurs est en poste depuis cinq ans ou moins. «L'arrivée d'autant
de jeunes professeurs a dynamisé la formation et la recherche», dit Céline
Garant, qui souligne que la Faculté compte trois centres d'excellence de
recherche, trois chaires de recherche et cinq équipes reconnues. Les
chercheuses et chercheurs ont vu le financement de leurs activités
augmenter de 250 % depuis 2001! Et la liste des thèmes de recherche a
également de quoi impressionner, poursuit-elle : «Des recherches sont
menées, entre autres, sur les pratiques enseignantes, le décrochage
scolaire, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, les innovations
en enseignement supérieur, l'enseignement des sciences et des
mathématiques, les inadaptations scolaires et sociales de l'enfance et de
l'adolescence, les transitions, la coopération et le partenariat, le
développement de carrière, etc. Tout pour répondre aux défis actuels.»
Une place enviable sur l'échiquier québécois
Les programmes de formation initiale offerts par la Faculté d'éducation
ont toujours exercé un fort pouvoir d'attraction. La doyenne attribue
cette popularité à la dimension humaine présente dans la formation, à la
grande qualité de ses programmes et à l'expertise du corps professoral.
Dans des créneaux plus spécifiques de 2e et 3e cycles, la Faculté est
notamment réputée pour la formation en gestion de l'éducation et de la
formation dédiée aux directions d'établissements, attirant un fort
pourcentage des effectifs étudiants à l'échelle provinciale.
Aussi, les maîtrises en psychoéducation et en orientation
professionnelle attirent de nombreux étudiants, tant à Sherbrooke qu'à
Longueuil. «Il semble même que la maîtrise offerte à Longueuil en
psychoéducation, grâce à la qualité des ressources et de la formation,
draine de nombreux effectifs, habituellement inscrits à l'Université de
Montréal!» signale la doyenne.
En outre, la présence d'une centaine d'étudiantes et d'étudiants au
doctorat est un autre signe de l'excellence de la Faculté.
Deux autres initiatives positionnent favorablement la Faculté
d'éducation. Grâce au réseau Performa et à un partenariat exceptionnel
avec une cinquantaine de collèges et cégeps, la Faculté offre dorénavant
un diplôme de 2e cycle et une maîtrise en enseignement collégial. Ces
initiatives contribuent largement au développement professionnel et
organisationnel des personnes et des collèges. Enfin, l'Université du
troisième âge, qui fête ses 30 ans cette année, attire plus de 7000
étudiantes et étudiants aînés à la formation continue.
Agir sur le terrain
Les étudiantes et étudiants de la Faculté d'éducation sont aussi amenés
à prendre part à des projets qui les font intervenir directement auprès
des élèves, de leurs parents et de la communauté. D'abord, tous les
programmes comportent une forte composante de pratique supervisée. De
plus, trois départements proposent un service de «clinique» à la
population sherbrookoise. Grâce à ces cliniques, les étudiantes et
étudiants supervisés par leurs professeurs offrent des services d'aide aux
élèves et à leur famille. C'est le cas notamment de la clinique
Pierre-H.-Ruel, qui accueille des élèves présentant des difficultés
d'apprentissage.
Depuis trois ans, l'École en chantier est un autre projet terrain qui
vise à développer des compétences interprofessionnelles et
interdisciplinaires chez nos futurs professionnels de l'éducation. Ce
projet est subventionné par le ministère de l'Éducation, les commissions
scolaires de l'Estrie et l'Université. Cette année, deux thématiques
sociales fort importantes seront abordées : l'apprentissage de la lecture
et l'intégration d'une approche orientante. «Ces chantiers regroupent des
étudiants et des professeurs de divers départements de même que des
enseignants du milieu scolaire ou des intervenants en milieu de travail.
Ce projet s'inscrit dans les efforts déployés par la Table interordre
régionale contre le décrochage scolaire. Nos étudiants sont des jeunes
adultes dynamiques et responsables, bref des ressources humaines de
qualité, qui peuvent apporter beaucoup au milieu scolaire», estime Céline
Garant.
Les projets ne manquent pas
Au cours de la prochaine année, plusieurs projets seront mis de l'avant
pour continuer de développer la Faculté, enchaîne la doyenne. «Le
baccalauréat en enseignement primaire et préscolaire offrira dorénavant la
possibilité de réaliser des stages internationaux. Grâce à notre
collaboration avec l'Institut universitaire de formation des maîtres et
l'Université de Montpellier, nous pourrons accueillir des stagiaires
français et permettre à des étudiantes et étudiants québécois de réaliser
un stage en France», dit-elle.
Céline Garant mise aussi sur la création d'un nouveau programme de
doctorat professionnel en éducation. «Nous offrons déjà un doctorat en
recherche, mais nous souhaitons offrir un doctorat professionnel comme il
en existe en psychologie et en administration. Nous avons ciblé une
clientèle très intéressée et nous avons l'appui de l'Association des
directeurs et gestionnaires en éducation. C'est un projet en construction
qui me tient beaucoup à cœur», confie la doyenne.
Enfin, le Département de pédagogie se penche présentement sur le
développement d'une maîtrise en enseignement au secondaire, qui pourrait
être offerte en grande partie à distance.
«Tous ces projets de développement, tant en formation qu'en recherche,
nécessiteront un bon soutien. La Faculté d'éducation compte beaucoup sur
les fonds recueillis lors de la campagne majeure de la Fondation pour
réaliser l'ensemble de ces projets», conclut Céline Garant.
Enjeux en éducation
En complément au texte ci-dessus, nous avons demandé à la doyenne
Céline Garant de commenter quelques enjeux sociaux touchant le domaine
de l'éducation.
Liaison : Faut-il continuer d'appliquer la réforme et le
renouveau pédagogique?
Céline Garant : Oui! Cette réforme a été mise en place à la
suite d'un large consensus social découlant des états généraux (1996)
qui en reconnaissaient la nécessité pour assurer la réussite de tous
les élèves. Je crois qu'il est trop tôt pour reculer devant les
embûches rencontrées. Laissons-lui encore le temps de faire ses
preuves. Cela dit, les facultés d'éducation ont un rôle à jouer pour
poursuivre l'analyse des données recueillies, pour appuyer, à partir
de la recherche, des choix déjà faits et à faire. J'ai signé récemment
une déclaration intitulée Au nom de ses finalités, poursuivre et
réussir la réforme engagée. (voir le site Web
www.reussirlareforme.qc.ca)
Liaison : Les étudiantes et étudiants qui entrent à l'Université
savent-ils moins bien écrire le français?
Céline Garant : Il y a une nette amélioration ces dernières
années. Les étudiantes et étudiants qu'on accueille réussissent mieux
aux tests de français qu'ils ne le faisaient il y a cinq ou six ans.
De nombreux départements ont mis en place des mesures pour soutenir la
maîtrise essentielle de la langue d'enseignement. À l'oral, par
exemple, un département a décrété la salle de classe «zone protégée»
pour l'utilisation d'un bon français standard.
Liaison : Les élèves ont-ils trop ou pas assez de devoirs?
Céline Garant : Il y a un débat à faire à ce sujet. Je fais
partie de la Commission de l'enseignement primaire du Conseil
supérieur de l'éducation. En octobre, lors du passage du Conseil, le
thème des devoirs et leçons a été retenu pour cette commission. C'est
une question sociale importante. Pour plusieurs parents, les devoirs
représentent une corvée, un poids après une longue journée de travail;
d'autres en veulent davantage afin de suivre l'évolution scolaire de
leurs enfants. Le Ministère a mis en place un programme d'aide aux
devoirs. Il serait intéressant d'en évaluer les résultats.
Liaison : La violence est très présente à l'école. Est-il plus
difficile d'enseigner de nos jours?
Céline Garant : Chaque époque a ses difficultés propres,
mais les années 2000 sont sans doute marquées sur le plan social et
familial par des contextes plus difficiles : la violence gratuite à la
télé ou dans les vidéos est trop souvent banalisée. Plusieurs enfants
sont laissés à eux-mêmes. Ils reçoivent tantôt trop d'attention
(enfant roi), tantôt pas assez. Enseigner dans ce contexte est
difficile. Le Groupe de recherche sur les inadaptations sociales de
l'enfance a plusieurs projets de recherche autour de cette thématique.
Le principal défi demeure la valorisation et la reconnaissance
sociale du métier d'enseignant. Tous et toutes, monsieur et madame
tout le monde, ont passé tellement d'heures sur les bancs d'école
qu'ils ont l'impression d'être des experts en éducation. On leur
demanderait d'enseigner qu'ils se croiraient capables de le faire.
Mais enseigner, ça s'apprend. Ça exige des connaissances et des
compétences de haut niveau. |
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