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Liaison, 23 novembre 2006
Jean-François Doré
Chargé de cours à la Faculté des sciences
Richard
Séguin,
Lettres ouvertes
Il y a de ces artistes
qui, avec le temps, savent se révéler pour livrer le meilleur d'eux-mêmes.
Richard Séguin est assurément de cette trempe. Pour son 15e disque, il
nous offre chacune des 15 pièces comme des lettres envoyées à ses proches.
Invité aux Correspondances d'Eastman à écrire à Jack Kérouac, il a eu tout
naturellement l'inspiration de concevoir un album «épistolaire». En
conséquence, ses compositions sont très personnelles, introverties, le
tout réalisé de main de maître.
Même si l'album part en
lion avec «La route ouverte», l'objectif ici n'est pas de produire un
disque à succès. Néanmoins, après quelques écoutes, les mélodies restent à
l'oreille. On sent le travail d'orfèvre derrière chacune des pièces. Le
résident de Saint-Venant-de-Paquette avoue prendre plaisir à retravailler
le matériel dans son studio personnel. On peut noter la présence d'invités
de prestige comme Luce Dufault (chœur), Jordan Officer (guitare) et
Francis Covan (contrebasse, violons). Cependant, il y a un petit bémol au
sujet des textes, j'aurais pensé que sa plume aurait été plus travaillée
au niveau des rimes et du vocabulaire après plus de 35 ans de carrière.
Résolument folk, tantôt
contestataire («Nos héritiers» condamne la privatisation du mont Orford),
tantôt sensible,
Lettres ouvertes est
à la hauteur de ce qu'on connaît de Séguin. Authentique, c'est
certainement le qualificatif premier de Richard Séguin, et cet album le
confirme.
Tristan
Malavoy,
Carnets d'apesanteur
Chef de pupitre au
journal
Voir, poète
comptant trois recueils à son actif et participant assidu aux
Correspondances d'Eastman, Tristan est un artiste polyvalent avec comme
thème de prédilection l'art lyrique. Effectivement, le côté poétique est
extrêmement présent sur ce premier album : Tristan jette les mots plus
pour leurs effets sonores que pour le message véhiculé. À un point tel
qu'il parle plus qu'il ne chante de sa voix frêle et peu affirmée; ce qui,
personnellement, m'agace un peu. Musicalement, le style est
électroacoustique, qu'on pourrait comparer à Daniel Bélanger, Dumas ou
Ariane Moffatt, mais en moins bien réalisé. Toutefois, les pièces «La
musique» et «Nos virées galactiques» sont de superbes exemples de réussite
de l'équilibre entre la guitare acoustique, l'arrière-fond électro et
l'ambiance vaporeuse. Les magnifiques illustrations de Sara Fortier
rappelant le
Petit Prince de
Saint-Exupéry sont adéquates pour compléter le concept de
Carnets d'apesanteur.
Le disque n'est pas très
long (12 plages en 35 minutes) au point où on peut se demander si c'est
par manque de budget. Quoiqu'on sente le talent, on pourrait évoquer la
comparaison de ce premier essai avec un fruit pas assez mûr… Donc, on
attend le prochain.
Henri
Salvador,
Révérence
Il a l'âge de mon
grand-père, a livré plus de 30 albums studio, fait des blagues à
Tout le monde en parle :
Henri Salvador semble toujours en pleine possession de ses moyens. Né à
Cayenne en Guyane, mais élevé à Paris, le petit Salvador gardera toujours
l'influence des îles du Sud dans ses créations. Tout léger, son disque
Révérence est
donc une continuité des précédents; on pourrait se croire dans un bistrot
d'hôtel à touristes aux Caraïbes.
Dans son style, Henri
Salvador reprend «Alleluia! Yes, I love her so», de Ray Charles, traduit
en «Alléluia! Je l'ai dans la peau», et «Eu sei que vou te amar», de G.
Moustaki, devenu
Tu sais je vais t'aimer.
Il fait également une version de
Dans mon île, un
titre enregistré en 1957 et popularisé par Marlène Dietrich. Sa voix
feutrée et ses airs doux tendant cependant à être un peu monocordes, on a
l'impression d'entendre toujours la répétition de la même pièce.
Exception faite de deux
ou trois pièces résolument swing, comme
L'amour se trouve au coin d'la rue ou
La vie c'est la vie en
pièce d'ouverture, l'album manque de diversité. Je ne suis pas expert de
l'œuvre de M. Salvador, mais je vous recommanderais plutôt son disque
Chambre avec vue (2001)
qui lui a valu un succès fou. Henri Salvador est âgé de 89 ans; il faut
croire que le secret de sa jeunesse éternelle réside dans la passion qu'il
met à faire ce qui lui plait.
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