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Liaison, 12 octobre 2006
Contremaître en sa matière
JOSÉE BEAUDOIN
Écrire un article sur Louise Gosselin, ce n'est pas du boulot,
c'est du bonbon. En plus de s'être prêtée à l'entrevue avec beaucoup de
générosité, elle m'a remis une feuille sur laquelle elle avait noté quelques
informations et réflexions susceptibles de m'aider. Pour peu, je lui
demandais de m'envoyer son document par courriel pour ne pas avoir à retaper
les meilleurs extraits. Je me suis gardé une petite gêne. Fallait quand même
que j'aie le sentiment de travailler un peu.
Sauter dans le train
Nous avons toutes deux convenu de contrevenir aux règles de la
féminisation pour la désigner; on préfère le titre de contremaître à celui
de contremaîtresse. Ce poste, elle ne l'a pas eu pour ses beaux yeux, même
si tout le monde s'entend pour dire qu'ils sont superbement rares. Forte de
ses huit années d'expérience à l'Université comme technicienne en
aménagement des bâtiments et terrains, Louise Gosselin a fait valoir son
leadership, ses forces et ses compétences, puis elle est sortie gagnante du
processus d'embauche. Même si elle doutait avant de postuler, elle a sauté
dans le train, comme elle le dit si bien. Le 24 juillet, elle entrait au
Service des immeubles comme contremaître en bâtiments, habitée par le désir
de relever un grand défi personnel et chaussée de ses bottes à cap d'acier.
Son rayon d'action, c'est tout ce qui a trait à l'entretien des bâtiments
du campus. À sa ceinture : émetteur radio, téléavertisseur et gros trousseau
de clés. Dans sa tête, plus aucun doute. «Je vois que je suis une fille de
terrain, dit-elle. J'ai vraiment trouvé ma place.» Au quotidien, Louise
Gosselin gère les demandes de travail qui entrent et les assigne aux trois
peintres et aux cinq menuisiers qui sont sous sa responsabilité, qu'il
s'agisse d'aller installer un cadre, de réparer une porte, de restaurer des
joints de brique, de refaire des toitures, etc. «Les étudiants n'ont pas
conscience de tout ce qui se fait ici, dit-elle. Dans l'ombre, on s'occupe
de leur bien-être.»
L'ingéniosité passe la rampe
Le succès qu'a connu la collation des grades du 9 septembre
résulte du meilleur de chacun. L'escouade de Louise Gosselin était partie
prenante de l'organisation : des rampes à fabriquer, des marches à ajuster,
des solutions à trouver (et vite!), une cinquantaine de drapeaux à
installer, à désinstaller, puis à réinstaller pour passer du plan A au plan
B. «Avec l'expérience de la collation des grades, je peux vous dire que
chaque personne de mon équipe, voire de notre secteur au complet, pourrait
aussi être considérée comme leader à l'Université, affirme-t-elle. Le
travail qui a été accompli durant la semaine de préparation de cet événement
m'a permis de voir à quel point les gens sont travaillants, débrouillards et
ingénieux. Mon équipe m'a épatée et je me sens privilégiée de travailler
avec elle.»
À voir le rouge qui lui
monte aux joues lorsque ses collègues lui lancent des fleurs et des
boutades, on devine que la timidité qu'elle s'est promis de vaincre n'est
pas complètement dissipée. Dans l'atelier, le jour où j'y suis allée,
personne ne s'est fait prier pour vanter ses mérites. «C'est une bonne
patronne, très rassembleuse, et elle a tout un esprit d'équipe, dit Clément
Boislard, l'un des menuisiers. Elle a une belle vision et elle nous donne
beaucoup de marge de manœuvre. Elle nous fait confiance.» De son côté, Luc
Thompson, contremaître des terrains, saluait sa jovialité, sa nature
souriante et pondérée. «Et c'est une excellente musicienne», ajoute-t-il.
Merci Monsieur Thompson, vous introduisez la suite.
Louise Gosselin joue de la flûte traversière depuis 31 ans.
C'est d'ailleurs la musique qui, à prime abord, lui a fait découvrir le
campus de l'Université car elle a participé au Festival des harmonies et
orchestres symphoniques du Québec alors qu'elle était adolescente.
Aujourd'hui membre de l'Harmonie d'Asbestos, elle enseigne son art avec la
même écoute et le même doigté qu'elle déploie pour diriger ses employés. La
musique, c'est son exutoire. La route, c'est son espace transitoire. Comme
elle habite à Tingwick, elle a presque deux heures de voiture à faire
quotidiennement. «Le soir, en partant, je pense au travail durant 30 minutes
environ, mais rendue à Saint-Claude, je change le disque dur et je passe en
mode famille», dit-elle. À destination, elle retrouve ses deux ados de 13 et
15 ans et ce chum
qu'elle qualifie de hors pair.
Sans objectivité aucune…
Je n'ai pas fait vœu d'objectivité lorsqu'on m'a demandé
d'écrire cette série de portraits sur les leaders de la communauté
universitaire. Heureusement, car ça m'empêcherait d'avouer que ma rencontre
avec Louise Gosselin fut l'une de mes préférées.
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