Adieu retraite dorée!
Une étude économique du professeur Louis Ascah démontre
que les régimes
de retraite publics et privés actuels sont insuffisants pour maintenir le
niveau
de vie de la majorité des Québécois au moment de la retraite.
ROBIN RENAUD
Partir à la retraite à 55 ans pour y couler des jours paisibles sur un
voilier dans les Antilles offre une vision idyllique. Le concept
publicitaire est sans doute efficace, mais la réalité de la plupart des
ménages sera tout autre, conclut le professeur Louis Ascah, du Département
d'économique.
Le chercheur a mené une étude analysant les trois sources
principales des revenus de retraite : les régimes publics, les régimes à
l'emploi et l'épargne privée. Ses principales conclusions sont les
suivantes. Tout d'abord, les régimes de retraite publics sont insuffisants
pour maintenir le niveau de vie des personnes de la classe moyenne. Ensuite,
les régimes à l'emploi sont généralement insuffisants et couvrent seulement
une fraction de la main-d'œuvre. De plus, dans les régimes à l'emploi, la
rente initiale de retraite est souvent insuffisante, l'indexation de la
rente est généralement nulle ou partielle et la rente acquise en cas de
départ avant la retraite a souvent une petite valeur. Enfin, l'épargne
personnelle est seulement le lot d'une minorité plus fortunée. L'étude en
vient donc à la conclusion générale que la retraite dorée est un mythe pour
un trop grand nombre de retraités.
Depuis un mois, cette étude a intéressé de nombreux médias qui y ont
consacré plus d'une vingtaine de reportages. Plusieurs associations,
ministères et partis politiques ont aussi demandé copie de l'étude. Nous
avons rencontré le professeur Louis Ascah, spécialiste reconnu des régimes
de retraite et de l'économie du travail.
Liaison :
Qui a créé le mythe de la retraite dorée et à qui ce mythe profite-t-il?
Louis Ascah :
Essentiellement, ce sont les
compagnies qui vendent des fonds mutuels de placement qui ont créé et
entretenu le mythe d'une retraite sans souci qui laisse une grande place aux
loisirs. Il faut dire que les gouvernements ont, eux aussi, bien profité de
ce mythe, en encourageant les
baby boomers à recourir à
l'épargne privée. Ainsi, les gouvernements ont évité de s'attaquer eux-mêmes
aux problèmes du maintien du niveau de vie à la retraite, avec pour résultat
que les régimes employeurs se révèlent insuffisants, tandis que l'épargne
privée est en baisse. Finalement, seule une minorité de ménages plus
fortunés réussit à épargner suffisamment pour la retraite.
Liaison :
L'endettement croissant des ménages et une certaine précarisation
du marché du travail risquent d'accentuer l'insuffisance des revenus de
retraite. Comment se présente la situation au Québec face à d'autres
sociétés industrialisées?
L. Ascah :
Au Québec comme aux États-Unis, on voit de plus en plus
d'employeurs chercher à se désengager des régimes de retraite à prestations
définies. Ce n'est pas étranger à la baisse de la couverture syndicale chez
nos voisins du sud. De moins en moins d'industries offrent des possibilités
de carrière pour la vie, et la précarisation de l'emploi fait aussi diminuer
la couverture des régimes de retraite d'employeurs.
Liaison :
Les statistiques démontrent que les Québécois épargnent moins que les autres
Canadiens. Pourquoi?
L. Ascah :
Les travailleurs québécois ont un revenu inférieur à la moyenne
nationale. Il leur est donc plus difficile d'épargner. Il faudrait aussi
vérifier si les origines latines des Québécois et leurs habitudes de
consommation distinctes ont une influence sur leur façon de planifier la
retraite. Je n'ai cependant pas d'indication claire à ce sujet.
Liaison :
Le fait de repousser l'âge de la retraite ou de favoriser le travail à
mi-temps pour les personnes âgées permettrait-il d'envisager une retraite
plus confortable?
L. Ascah :
On va sûrement assister à ce phénomène. Le fait demeure : les
régimes publics modestes, la diminution des régimes employeurs et le faible
taux d'épargne personnelle ne permettront pas au plus grand nombre de
maintenir son niveau de vie. Certains devront peut-être travailler parce
qu'ils n'auront pas le choix. D'autres voudront peut-être le faire pour
éviter d'avoir un niveau de vie plus modeste.
Liaison :
Votre étude suscite une réflexion collective. D'après vous, est-il réaliste
de bonifier les régimes publics et privés de retraite?
L. Ascah :
Il est évident que les gouvernements qui ont une situation
budgétaire très tendue n'ont pas les ressources pour hausser le financement
des régimes de retraite. Les contribuables qui s'estiment déjà très
sollicités ne voudront pas non plus payer davantage. Et les entreprises,
face à une concurrence de plus en plus féroce, n'ont pas tendance à payer
plus cher pour les avantages sociaux. Reste l'épargne personnelle, mais là
aussi, la tendance actuelle montre qu'elle ne permet pas à la majorité de
maintenir son niveau de vie. Les gens ont néanmoins intérêt à se renseigner
sur les possibilités de placements qui s'offrent à eux. Des ouvrages et des
sites Internet comme celui de la Régie des rentes du Québec offrent des
outils et des renseignements très pertinents.
Pour en savoir plus
Site de la Régie des rentes du Québec :
www.rrq.gouv.qc.ca.
Louis Ascah a aussi écrit des livres sur le sujet dont Les secrets de la
préparation financière à la retraite et Comprendre les marchés financiers :
engraisser votre portefeuille sans vous faire plumer.
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