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Un archipel de contrastes
MARIE-FRANCE BERNIER ET CATHERINE GIRARD-MARTEL
Étudiantes de 3e année en médecine
Qui n'a jamais rêvé de se prélasser sur la plage d'une île déserte après
avoir nagé à travers les poissons tropicaux, dans une eau claire et
turquoise, tout en ayant la possibilité d'aider une communauté dans le
besoin? C'est par surprise que nous avons réalisé ce rêve commun à beaucoup
d'entre nous, l'été dernier, aux Philippines. Nous sommes donc parties en
direction de cet archipel de plus de 7000 îles en Asie du Sud-Est, avec
notre sac à dos et une seule attente, celle de faire un stage médical. Nous
avons pu vivre une expérience humanitaire hors du commun et en apprendre
énormément sur nous-mêmes, mais nous avons également été éblouies par le
monde de contrastes qui s'offrait alors à nous…
Inconnues mais déjà populaires
Dès le premier pas en sol philippin à la sortie de l'avion, sous une
chaleur écrasante, notre premier coup d'œil est mémorable. L'océan se
déploie tout près de nous avec, à l'horizon, montagnes et volcans de l'île
voisine. Assis sous l'ombre des palmiers, des dizaines de Philippins nous
regardent. Impossible de marcher incognito, toute personne qui nous
rencontre est intéressée à connaître notre nom, d'où nous venons et où nous
allons. Avec tous ces gens au teint hâlé qui nous entouraient, être blanche
n'avait jamais été aussi déstabilisant.
La richesse des pauvres
Comme dans la plupart des pays en développement, la classe moyenne est
quasi inexistante : il n'y a que les riches et les pauvres. Cependant, après
avoir côtoyé les habitants locaux moins nantis, nous avons réalisé que la
pauvreté dépend plutôt de la différence qui existe entre ce que l'on a et ce
que l'on désire. En effet, les enfants plus démunis qui voient des Blancs
pour la première fois et qui n'ont jamais regardé la télévision ou un livre
ne connaissent pas la vie que mènent les Occidentaux et vivent heureux de
leur condition. En regardant ces jeunes habitant dans les bidonvilles
s'amuser, le sourire aux lèvres, avec le peu qu'ils peuvent trouver, il y a
lieu de se questionner si pauvreté rime vraiment avec tristesse. Dans un
pays où l'activité nationale est le karaoké, les paysans chantent en
marchant dans la rue et font la fête sans retenue, malgré l'air vicié par la
pollution et les déchets qui encombrent les ruelles. C'est donc à travers un
regard surpris et ému que nous avons constaté que ces gens trouvent leur
propre richesse à travers les liens qu'ils entretiennent entre eux.
Guérir par des médicaments ou par des plantes?
Au cours de notre stage en clinique médicale, nous avons tout d'abord
participé à l'admission des patients, alors que la communication n'était
possible qu'en anglais et en waray-waray, le dialecte de l'île où nous
étions. De ce fait, il est donc facile d'imaginer que le défi n'était pas
tant au niveau médical que linguistique. Pour ajouter à ces contacts
privilégiés avec la communauté, nous avons eu la chance d'enseigner des
principes de santé communautaire, de faire des accouchements dans la jungle,
d'apprendre quelques bases sur la médecine traditionnelle philippine par les
plantes ainsi que d'organiser une collecte de sang et des cliniques de
vaccination. Par contre, il a été dommage de constater que les gens meurent
tôt des complications des mêmes maladies que nous retrouvons ici
(hypertension, diabète, cholestérol) et qui pourraient être évitées par une
simple pilule quotidienne.
Peu de temps, beaucoup d'aventures
Après un mois passé à Tacloban dans le cadre de notre stage, où nous
vivions au rythme de notre famille d'accueil, nous avons eu envie de
découvrir encore plus de ce que les Philippines avaient à nous offrir.
L'aventure a d'abord commencé par les magnifiques plages de sable blanc à
Boracay, l'endroit le plus touristique du pays. C'est alors que nous en
avons profité pour faire une journée complète d'apnée à travers les récifs
de coraux, transportées d'un fond marin spectaculaire à l'autre par un guide
local et sa pirogue. Et que dire des tarsiers, les plus petits singes au
monde, qui tiennent dans le creux d'une main et qui vous regardent avec
leurs grands yeux disproportionnés.
Par ailleurs, les Philippines étant localisées sur la Ceinture de feu,
nous ne pouvions passer à côté de l'ascension d'un volcan. L'impressionnant
Mayon était en éruption au mois de juillet, lors de notre passage, ce qui
rendait sa montée impossible. Nous avons alors opté pour un autre des
centaines de volcans qui parsèment le paysage, celui-là également actif,
mais moins dangereux. Avec quelques craintes et une bonne dose de courage,
nous avons par la suite traversé à la nage une grotte bourrée de
chauves-souris (et de guano!), de crabes et qui sait de quelles autres
bestioles, le tout avec un guide local et sa lampe à huile, comme dans un
film d'Indiana Jones.
Les terrasses de riz de Banaue furent incontestablement notre coup de
cœur, forgées tels des escaliers à même les immenses montagnes. Il y a deux
mille ans, le peuple Ifugao a débuté cet immense chantier servant à la
culture du riz, qui s'est perpétué de génération en génération jusqu'à
aujourd'hui. Avec la rareté de l'électricité et le charme du peuple des
montagnes, cette «8e merveille du monde», située à la hauteur des nuages,
nous a donné l'impression d'être dans un autre univers.
Des risques qui en valent la peine
Malgré toutes les craintes que peut susciter un voyage dans un pays en
développement, nous considérons qu'avec prudence et discernement, il est
possible de faire un tel périple de façon sécuritaire et agréable.
Néanmoins, au delà de toutes ces aventures, reste gravée en nous une
impression qui ne se raconte pas. En côtoyant ces gens, nous avons connu
leur joie de vivre, en vivant au rythme de la nature, nous avons goûté à la
simplicité et, par-dessus tout, en vivant une expérience de la sorte, nous
avons appris sur nous-mêmes. C'est donc avec quelques regrets, mais la tête
pleine d'émotions et de souvenirs, que nous avons quitté cette terre de
beautés cachées, envahies d'un désir encore plus grand qu'auparavant de
s'ouvrir à de nouveaux horizons…
Des enfants indigènes.
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Notre guide et sa pirogue. |
Quartier de Tacloban.
Photos : Marie-France Bernier
et Catherine Girard-Martel |
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