Au revoir à l'île des contrastes
PATRICK DESAUTELS
Bien de l'eau a coulé sous les ponts de la rivière Sasomangana depuis mon
dernier récit. Tout en continuant de travailler sur la problématique
d'érosion hydrique dans le bassin-versant de cette rivière, j'ai pu faire la
découverte d'endroits magnifiques aux quatre coins de ce pays où je me sens
maintenant comme chez moi.
Manakara et l'océan Indien
Accessible par voie ferrée et une route cahoteuse d'un peu moins de
200 km traversant, tour à tour, les hauts plateaux malgaches parsemés de
rizières, la forêt vierge du parc national de Ranomafana et la végétation
plus sporadique des côtes orientales, la petite localité de Manakara m'a
charmé dès le premier coup d'œil. Loin d'être riche, sa population est d'une
simplicité remarquablement agréable.
Et bien sûr, il y a la mer où, au loin, mes amis malgaches et moi
essayions de distinguer l'Australie derrière les nuages. Seules les pirogues
de quelques pêcheurs revenant de leur journée de travail étaient cependant
visibles à l'horizon. Qu'à cela ne tienne : nous n'aurons peut-être pas pu
poser nos yeux sur les rives australiennes, mais notre patience aura tout de
même été récompensée par un excellent repas de langoustes bien fraîches.
Une excursion à quelques kilomètres au sud de cette ville nous a conduits
à une plage de sable fin s'avançant dans la mer, protégeant ainsi des vagues
un petit village de quelques maisonnées. Les enfants nous ont
chaleureusement salués et c'est à l'aide de leurs pirogues que nous avons pu
rejoindre une large bande sablonneuse qui était toute désignée pour
accueillir une partie de soccer de plage. Aucun mot ne me vient en tête pour
décrire la joie qui nous habitait lors de ce match amical. Les moments vécus
sur les côtes de ce petit village ont été tout simplement magiques.
Toliara, ville de tous les vices
La région sud-ouest, au bord du canal du Mozambique, est relativement
désertique et seuls quelques baobabs téméraires arrivent à percer le couvert
de végétation arbustive qui borde la route nationale 7. Cette route traverse
le parc national de l'Isalo qui offre un décor rappelant ceux du Grand
Canyon américain, et la petite localité d'Ilakaka ayant vu le jour il y a
quelques années à la suite d'un phénomène que je me permets d'appeler «la
ruée vers le saphir». Elle prend fin à Toliara, importante capitale
régionale dont la principale artère commerciale se transforme en véritable
marché de prostituées une fois la nuit tombée. Dure réalité qui est pourtant
monnaie courante dans plusieurs régions. Heureusement, la région offre
également plusieurs plages paradisiaques et une forêt de mangroves baignée
par le chaud soleil du tropique du Capricorne.
Bien qu'il s'agisse d'une ville où le climat est toujours agréable, il y
a des endroits qu'il vaut mieux éviter. Le bureau du haut-commissariat de
Toliara est un de ces endroits. Pour ne pas vous attirer d'ennuis, rien de
plus simple. Vous n'avez qu'à vous dire que pour les policiers malgaches, le
passeport des étrangers est un document plus important que les
coupons-réponses des concours de Vazimolo : les photocopies et les
fac-similés sont loin d'être acceptés…
Toamasina, là où l'eau est salée
La légende raconte qu'il y a longtemps, sur les rives de Toamasina qui
abrite maintenant le plus grand port commercial de Madagascar, le roi d'une
importante tribu s'y était désaltéré pour ensuite déclarer : «Cette mer est
salée (Toa masina).» C'est cette perspicacité royale qui a donné son
nom à cette ville. Il est toutefois impossible de profiter de la salinité
légendaire de cette mer pour des fins de baignade en raison des forts
courants qu'on y trouve et des requins demeurant à l'affût à quelques
centaines de mètres au large des côtes. Nous sommes donc remontés vers le
nord, où les plages de Foulpointe, protégées des requins par une barrière
naturelle, accueillent bon nombre de touristes d'année en année. Coraux,
poissons tropicaux, oursins et serpents de mer : tel fut l'environnement
dans lequel j'ai pu faire un peu de plongée en apnée. Crevettes à l'ail et
au gingembre, salade de papayes et jus de coco : tel fut le lunch auquel
nous avons eu droit. Vivre toutes ces belles aventures avec de véritables
amis ça n'a pas de prix. Pour le reste, il y a MasterCard.
Toute bonne chose a une fin, et me revoilà
C'est une formidable chance que j'ai eu de pouvoir vivre trois mois à
Madagascar non pas comme un vulgaire vazaha, étranger et touriste,
mais un peu comme un zanatan, étranger soit, mais imprégné des rites
et coutumes malgaches. Le seul point négatif d'une expérience comme celle-là
est qu'inévitablement, en vivant si près de la réalité des gens, on finit
par se lier d'amitié avec certaines personnes qu'il faudra tôt ou tard se
résoudre à quitter pour rentrer au pays, le nôtre cette fois-ci… Il y a par
contre de ces gens qu'on ne peut oublier et de ces contrées qu'on aspire à
fouler de nouveau.
Hommage à Ferdinand Bonn
Tous ces souvenirs, je ne les aurais pas en tête sans l'aide de Ferdinand
Bonn, professeur au Département de géomatique appliquée. C'est lui qui m'a
aimablement ouvert son carnet de contacts lors de ma recherche de stage à
l'étranger et qui m'a encouragé quand toutes les portes semblaient se
refermer devant moi. À mon retour, le destin a fait en sorte que je ne sois
pas en mesure de le remercier de son vivant et à travers ces quelques
lignes, je tiens à souligner les conseils qu'il m'a prodigués et la grande
humanité qu'il a su inculquer à plusieurs étudiants et collègues à travers
le monde. Merci Ferdinand.
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