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TomOptUS : un tomographe ami des animaux
Créer une nouvelle fenêtre pour voir l'intérieur du corps, telle est la
mission que s'est donnée le chercheur Yves Bérubé-Lauzière, professeur au
Département de génie électrique et de génie informatique, en lançant
TomOptUS, un projet de tomographe optique tout à fait unique et
révolutionnaire. Depuis l'automne 2005, lui et son équipe travaillent à
concevoir un tomographe (souvent appelé scanner) utilisant la technologie du
laser qui pourrait avoir des usages inusités et épargner la vie de nombreux
animaux de laboratoire. Une fois développé, ce nouveau type d'imagerie non
invasive permettra aux scientifiques d'observer des processus biologiques
jusqu'alors impossibles à voir avec la technologie actuelle.
Le laser pour des images 3D
Contrairement aux tomographes classiques, celui développé par l'équipe du
professeur Yves Bérubé-Lauzière utilise un laser. Ainsi, pour détecter les
organes et les structures internes de l'animal étudié, l'appareil projette
un rayon laser sur son corps. Le tomographe mesurera d'abord la forme
extérieure de l'animal par métrologie 3D à l'aide de caméras, ces données
étant nécessaires pour obtenir des images 3D de l'intérieur de l'animal. La
puissante lumière du laser se diffuse à l'intérieur du corps et des
détecteurs du tomographe disposés autour de l'animal enregistrent la lumière
qui en ressort. Enfin, à l'aide d'algorithmes basés sur un ensemble de
formules mathématiques décrivant la propagation de la lumière dans les
tissus biologiques, le tomographe reconstitue une image 3D de l'intérieur de
l'animal.
L'une des caractéristiques particulières du tomographe optique développé
par l'équipe de TomOptUS est qu'il ne requiert aucun contact avec l'animal.
Le rayon laser est projeté directement, sans fibre optique collée sur le
sujet étudié, et il en va de même pour les canaux de détection.
La technologie laser fonctionne d'une manière bien distincte par rapport
aux autres types de tomographes utilisant les rayons X et la résonance
magnétique. Du côté des tomographes traditionnels, les ondes se propagent en
ligne droite dans le corps. Elles donnent des informations sur la structure
des tissus.
En revanche, la lumière du laser est déviée plusieurs fois dans sa course
dans le corps du sujet, par un processus appelé diffusion, avant d'en
ressortir. À l'aide de marqueurs fluorescents appelés fluorophores, les
images produites peuvent illustrer des processus biologiques qui se
déroulent dans le corps de l'animal examiné, comme la formation de tissus
cancéreux, la mort cellulaire programmée et l'action d'un médicament.
Préserver les animaux de laboratoire
L'une des utilités envisagées pour cette technologie, lorsqu'elle sera
complètement développée, est de réduire le sacrifice des petits animaux de
laboratoire. Grâce au tomographe, les scientifiques pourront suivre un
processus sur un même animal, que ce soit les effets d'un médicament ou d'un
traitement. Durant les expériences menées aujourd'hui en laboratoire,
plusieurs animaux sont sacrifiés pour vérifier les effets de différents
traitements et expérimentations. «Aujourd'hui, lorsqu'on mène une expérience
en laboratoire, on peut prendre, par exemple, 100 souris au départ et en
sacrifier 10 à chaque étape d'un traitement pour en observer les effets à
l'aide de techniques histologiques utilisant le microscope», explique Yves
Bérubé-Lauzière. Grâce à la nouvelle technologie, nul besoin d'enlever la
vie à autant d'animaux, car les scientifiques pourront observer l'intérieur
de l'animal sans utiliser le scalpel.
Cette technologie ne pourra être utilisée couramment chez l'humain, car
la plupart des tissus sont trop épais. La lumière ne peut pénétrer assez
profondément, c'est pourquoi les petits animaux sont pour l'instant les
meilleurs candidats pour ce tomographe. «On pourra peut-être utiliser ce
tomographe pour des parties du corps humain où les tissus sont moins épais,
comme les doigts et les articulations de la main», précise le professeur.
Comme les photons, c'est-à-dire les particules de lumière, sont déviés
plusieurs fois dans le corps de l'animal, les images produites par un
tomographe optique seront plus floues que celles des tomographes
traditionnels. Mais l'information qu'il peut fournir aux scientifiques est
salutaire. Aussi, dans l'avenir, la technologie développée par Yves
Bérubé-Lauzière pourrait être couplée aux tomographes traditionnels pour
produire des scanners encore plus performants et polyvalents. «Peu de
groupes de recherche travaillent à un projet semblable, affirme le
professeur. Au Canada, nous sommes les seuls en milieu universitaire à faire
des recherches dans cette veine.»
De plus, le projet TomOptUS s'intègre bien aux recherches en imagerie sur
petits animaux qui se déroulent déjà à l'Université de Sherbrooke, et il
contribue à la position de leader de l'institution dans ce domaine. L'UdeS a
une renommée internationale en la matière grâce, entre autres, aux travaux
pionniers menés par les professeurs Roger Lecompte (Médecine nucléaire et
radiobiologie) et Réjean Fontaine (Génie électrique et génie informatique).
«Ceci fait de l'UdeS un environnement hautement stimulant pour mener mes
recherches, et les travaux des professeurs Lecomte et Fontaine sont une
grande source de motivation pour moi», explique Yves Bérubé-Lauzière.
De la conception à la réalisation
Pour concevoir un tel appareil, une équipe multidisciplinaire est
nécessaire. «Notre projet touche les mathématiques, l'électronique,
l'informatique, la mécanique, la physique et la biologie», explique le
chercheur. En ce moment, l'équipe est à la phase de conception et elle mène
des expériences de validation de concept pour déterminer, notamment, comment
placer les détecteurs au bon endroit dans le tomographe pour des résultats
optimaux. «Nous devons aussi développer les algorithmes de reconstruction et
procéder à la réalisation de l'appareil en tant que tel», ajoute le
professeur. Le projet en est encore à ses balbutiements et le travail à
venir ne manquera pas pour l'équipe d'Yves Bérubé-Lauzière, mais les
bénéfices qu'apportera cette technologie ont un grand potentiel. Le
développement du tomographe est le fruit d'un travail d'équipe et les
étudiants y jouent un rôle important : «TomOptUS est en pleine expansion.
L'équipe compte déjà sept étudiants activement engagés qui manifestent un
grand intérêt pour le projet, et d'autres membres se joindront sûrement à
l'équipe», conclut le chercheur avec enthousiasme.
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