Vacciner à moindre coût et sans douleur
Une seringue sans aiguille développée à l'UdeS
sera bientôt soumise à des essais cliniques au CHUS
MARTY MEUNIER
La vaccination conventionnelle a des qualités indéniables, mais
elle présente aussi certaines limites. Par exemple, dans plusieurs pays en
voie de développement, des millions de personnes n'ont pas accès à certains
vaccins en raison de leurs coûts élevés. Aussi, certaines personnes
redoutent l'usage de seringues en raison de la douleur qu'elles provoquent
et des craintes de contamination. Le professeur à la Faculté de génie Martin
Brouillette pourrait bientôt solutionner ces problèmes en développant une
seringue sans aiguille.
En plus d'offrir des injections sans douleur, ce type
d'appareil permettrait éventuellement de vacciner de 100 à 1000 fois plus de
patients avec une même quantité de solution liquide. Le chercheur et son
équipe se donnent au moins deux ans pour mettre à l'épreuve ce type
d'injecteurs.
Atteindre la cible
Martin Brouillette étudie les écoulements à haute vitesse et
les moyens de les reproduire en laboratoire. Il s'est particulièrement
intéressé à l'accélération de médicaments sous forme liquide ou solide à
travers la peau. Cet ingénieur en aéronautique s'est inspiré du Gene Gun
(fusil à gènes) pour en arriver à imaginer l'atomi-sation d'un liquide ou
d'un solide en gouttelettes microscopiques. Cette technologie biolistique
date d'une trentaine d'années et avait été utilisée pour injecter des
cellules d'ADN à des plantes afin de les transformer génétiquement.
Cette recherche sur ce nouveau procédé d'injection a débuté
en 1999. Un premier brevet a été déposé en 2000 et un deuxième en 2002 avant
que ne soit fondée, en mai, une entreprise spécialisée dans le développement
de produits médicaux pour la livraison de médicaments et de vaccins sans
aiguille : Iaculor Injection. Iaculor tient son origine du latin et signifie
«viser la cible». Le professeur Brouillette ne s'est pas trompé puisque ces
seringues révolutionnaires permettent d'effectuer des injections ciblées en
contrôlant la taille des particules, la vitesse de l'impact et la profondeur
de l'injection.
Éliminer la douleur
La peau est composée de trois couches : le stratum corneum,
l'épiderme et le derme. Le procédé développé par ce chercheur est un
minicanon utilisant l'hélium pour injecter à très haute vitesse, 1 km/s, une
médication liquide ou solide dans l'épiderme. L'injection cutanée ciblée se
caractérise également par l'élimination de la douleur associée aux
aiguilles. En effet, les cellules nerveuses responsables de la douleur se
retrouvent dans le derme. Martin Brouillette affirme que la douleur générée
par les aiguilles conventionnelles est occasionnée par la profondeur de
l'injection qui atteint le derme. L'endroit idéal pour injecter un vaccin
est localisé sous l'épiderme où se retrouvent de fortes concentrations de
cellules dendritiques.
Vacciner plus de gens
Cette nouvelle technologie comporte également de nombreux
avantages tout aussi intéressants. Si le vaccin est injecté au bon endroit,
il nécessitera un dosage moindre, ce qui avantagera les nouvelles
générations de vaccins à base d'ADN, qui sont très coûteux. Par ailleurs,
lorsque la dose prescrite pour une seringue conventionnelle sera réduite de
100 à 1000 fois, les coûts diminueront en conséquence. En cas d'épidémie
comme la grippe aviaire ou d'attentats terroristes utilisant des armes
bactériologiques, la réduction du coût associé au dosage et à la main-d'uvre
administrant la médication permettra de vacciner un plus grand nombre de
personnes. De plus, étant donné qu'aucune aiguille n'est utilisée par ce
nouveau procédé, les risques de blessure en milieu médical sont presque nuls
et les rebuts médicaux dangereux éliminés.
Essais cliniques
Ces nouveaux injecteurs ne seront pas mis sur le marché avant
au moins deux ans. En octobre 2006, Martin Brouillette effectuera les
premiers essais cliniques sur des humains au Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke. Par la suite, des tests d'efficacité seront
réalisés sur des animaux avant d'entreprendre la dernière étape, la
conception de prototypes. Iaculor Injection a sous-traité la recherche dans
le Laboratoire d'ondes de choc (LOCUS) de l'Université de Sherbrooke, qui
demeure propriétaire de cette nouvelle technologie.
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