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Liaison, 17 août 2006
Quand une étiquette vous colle à la peau
Psychologue invité : MICHEL ROY
Vive les étiquettes! Tout le monde est pour l'instruction et l'étiquette…
Mais qu'en est-il des étiquettes et des instructions? Apparemment, on ne
peut plus vivre sans consulter les étiquettes des biens qu'on achète et sans
référer aux instructions d'usage. Encore faut-il que ces indications soient
claires. Quelquefois pour la clarté il faudra repasser. Et parlant de
repassage, avez-vous remarqué sur votre dernier vêtement fabriqué en Dinde (made
in Turkey) l'instruction suivante : enlever avant de repasser? Eh, oui,
avec cette manie de tout expliquer, nous sombrons quelquefois dans le
ridicule.
Des étiquettes pour des personnes?
Ces étiquettes, instructions, mises en garde sont quand même plus souvent
qu'autrement utiles. Mais il me semble qu'on assiste de plus en plus à un
dangereux glissement de cette «information» utile lorsque l'on commence à
l'appliquer de manière intempestive aux humains. En ce domaine, plus qu'en
tout autre, on voudrait bien savoir clairement à qui on a affaire et obtenir
quelques instructions qui nous faciliteraient assurément «l'usage» de nos
congénères. Je suis stupéfié de voir avec quel degré de raffinement les
jeunes ont cartographié leurs semblables. Il n'y a plus de «jeunes» mais une
constellation d'individus étiquetés en «yos», «imos», «gothiques»,
«grunges», etc., chaque catégorie ayant son code de conduite particulier, sa
musique, son accoutrement, ce qui facilite évidemment «l'étiquetage» et
permet l'utilisation d'instructions simples et claires pour la contacter.
Cet étiquetage banal envahit de plus en plus le monde sérieux des
adultes. Combien de conférences, de livres, d'articles de revues et de
journaux nous découpent les personnes en catégories (la génération X, les
baby-boomers, les yuppies…) à qui l'on attribue sans nuances une série de
caractéristiques tout en nous promettant de «mieux comprendre nos jeunes et
les 10 clés pour les motiver», «la génération X, ce qu'elle pense, ce
qu'elle veut et comment mieux saisir ses attentes», «comment agir avec les
vieux», «comment réveiller les morts» et quoi encore. Ces étiquettes sont
souvent, bien sûr, accompagnées d'instructions censées nous faciliter la vie
pour transiger avec qui en est affublé.
Besoin de comprendre… et de contrôler?
On peut comprendre le besoin de se donner quelques repères utiles qui
agiront comme raccourcis lors de nos rapports avec les autres. L'étiquette
que nous accolons à quelqu'un peut servir d'accélérateur pour faciliter
notre contact avec l'autre. Nous pouvons ainsi, parfois, saisir plus
rapidement des messages, mieux interpréter des comportements et même, au
besoin, adapter nos communications à notre interlocuteur. Ces étiquettes
sont alors au service de notre relation à l'autre. Mais cette habitude
anodine peut avoir un effet pervers. Le danger survient lorsque l'étiquette,
au lieu de servir le rapport avec une autre personne, devient un écran, un
obstacle au contact avec cette personne. Au lieu de nous ouvrir des portes,
elle nous enferme alors dans une perception étroite et rigide de l'autre. Ce
qui devrait servir d'agent facilitateur devient un outil utilisé pour
dépersonnaliser et chosifier des personnes, discriminer et isoler quelqu'un
et quelquefois, ghettoïser certains groupes. L'étiquette et le mode d'emploi
prennent le dessus sur la réalité de la personne qui est en face de nous et
remplissent alors une autre fonction, celle d'ostraciser des personnes ou de
réduire à quelques généralités la richesse de quelqu'un.
De nouveaux étudiants, de nouvelles étudiantes arriveront bientôt en nos
murs. Nous en verrons de toutes sortes et de toutes les couleurs : des «nerds»,
des «yos», des «punks», des «p.m.d.», des «métrosexuels»… Que voilà une
belle occasion d'élargir notre champ de connaissances et de vérifier
l'utilité de nos étiquettes et surtout de mettre en valeur notre flexibilité
et notre ouverture. Saurons-nous dépasser l'étiquette et partir à la
découverte de tout ce beau monde?
En collaboration avec le
Service de psychologie et d'orientation.
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Michel Roy |