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Collique va me manquer
Étudiantes à la maîtrise en environnement, Maryève Charland-Lallier et
Caroline Morin Savoie complètent un stage de quatre mois à Collique, une
municipalité en banlieue de Lima, capitale du Pérou. Le projet principal
auquel elles prennent part vise l'implantation de latrines afin d'améliorer
la salubrité dans une zone où l'accès au réseau d'aqueduc ne va pas de soi.
Voici un aperçu de leur séjour en terre d'accueil.
CAROLINE MORIN SAVOIE
Déjà trois mois passés à Collique. Pourtant, quand je regarde vers
l'horizon, je m'émerveille encore devant ces montagnes brunes qui entourent
cette petite ville comme une forteresse naturelle. Sous le ciel voilé en
permanence par un mélange douillet de nuages et de smog provenant de la
ville de Lima, on a l'impression d'être seul au monde, isolé dans cette
vallée inaccessible. Cette pensée, que certains doivent trouver rassurante,
me laisse plutôt un arrière-goût de claustrophobie.
N'empêche qu'il faut bien admettre qu'après tout ce temps, une petite
routine s'est installée dans nos activités de coopérants internationaux.
Tous les matins avant de travailler, voire tous les matins tout court, je
déjeune avec des petits pains français à 0,10 sols chacun, accompagnés d'un
nectar aux pêches bien fumant. Il faut se méfier de la grippe qui guette les
insouciants osant déguster leurs boissons froides en pleine saison
hivernale! Je descends ensuite l'avenida de la Revolución, avenue principale
de Collique. Sur mon chemin, je salue le vendeur de bière de l'autre côté de
la rue qui s'amuse à compter mes allées et venues. Chacun trouve ses
divertissements pour traverser les journées qui commencent beaucoup trop tôt
et se terminent beaucoup trop tard. Je m'arrête ensuite au dépanneur du
coin, celui où une vieille dame sympathique se fait un plaisir de me vendre
un quelque chose qui satisfera ma dent sucrée, tout en échangeant quelques
banalités.
Je me rends au travail en répondant d'un sourire ou en évitant (cela
dépend des jours) les hommes qui, au passage d'une blanche, se mettent à
siffler en guise de salutation. C'est là que commence notre boulot. Bien
qu'au départ, le rythme péruvien nous ait occasionné quelques longs soupirs,
aujourd'hui nous le maîtrisons plutôt bien. Mi-craintifs, mi-amusés, nous
imaginons difficilement notre retour au rythme incessant de productivité qui
règne dans notre pays industrialisé. Nous travaillons donc en attendant
l'heure du dîner, le moment où chacun retourne à sa maison pour savourer un
nouveau repas que notre maman péruvienne a pris soin de préparer. Au menu :
riz blanc, patate et poulet. Chaque jour reviennent ces trois ingrédients de
base qui nous sont servis dans une immense assiette à laquelle mon estomac
commence à peine à s'habituer. Une sauce s'ajoute au repas, élément magique
qui permet à nos papilles gustatives de découvrir mille et une saveurs,
toutes meilleures les unes que les autres. C'est donc le ventre plein et le
cœur léger que nous retournons travailler pour un après-midi qui, de toute
évidence, demeure nuageux et très humide.
Les lundis, nous nous rendons à Los Olivos pour la planification
hebdomadaire de notre travail. Une quarantaine de minutes de combi
sont nécessaires au déplacement. Un chauffeur expérimenté (car il se doit de
l'être) réussit à se faufiler dans le brouhaha saisissant du transport en
commun sans trop de difficulté. Bien sûr, il devra se glisser entre les deux
voitures qui occupent les seules voies disponibles pour devancer le combi
concurrent qui se trouve juste derrière. Il devra klaxonner à plusieurs
reprises pour annoncer son passage à une intersection sans signalisation et
essaiera de tourner à gauche alors qu'il se trouve à l'extrémité droite de
trois voitures qui elles, désirent continuer leur trajet en ligne droite.
Son compagnon de travail, quant à lui, s'occupera d'annoncer haut et fort
(et beaucoup trop vite) leur destination par la fenêtre et de manipuler la
porte coulissante pour inciter le plus de gens possible à utiliser leur
service. Peu importe le nombre d'occupants à bord, l'important est que le
passager à l'avant n'oublie surtout pas sa ceinture de sécurité! N'étant
plus impressionnés par les helpers insistants qui veulent nous faire
monter à bord de leur combi, on se permet maintenant de faire la fine
bouche et de refuser un combi dans lequel aucun siège n'est
disponible. Nous attendons le prochain qui arrive déjà derrière.
Ce jour-là, pour casser la routine, nous mangeons à la Mega Plaza, centre
commercial de Los Olivos. Parmi les restaurants sur place se trouvent un PFK
et un Pizza Hut qui nous rappellent notre fast food québécois. Nous
engloutissons notre pizza suprême à 12,90 sols, montant que plusieurs
Péruviens de Collique, à 40 minutes de là, gagnent en une demi-journée…
Et le travail ne fait que commencer
Le projet de latrines est pratiquement terminé. Vingt-cinq familles
«chanceuses» auront désormais un endroit autre que les montagnes pour faire
leurs besoins. Bien sûr, la petite famille de trois enfants devra encore se
contenter de ses quatre barils d'eau par semaine pour préparer les repas,
faire la vaisselle, faire le lavage, se laver, et tout simplement
s'hydrater. Ces barils qui, dans leur première vie, ont servi au transport
de produits chimiques, sont remplis chaque semaine grâce à la connexion du
voisin au bas de la montagne. Pour quelques sols, celui-ci accepte de
partager ses trois heures d'accès par jour.
La petite famille continuera à jeter ses déchets directement sur le sol.
Quand ceux-ci seront en quantité suffisante, on les fera disparaître en
craquant une allumette. La montagne se remplira de fumée noire et d'odeurs
peu agréables, mais c'est le seul moyen qu'on connaît pour garder un minimum
d'hygiène dans ce petit coin délaissé par les services municipaux.
La petite famille continuera également de sourire. Elle nous saluera de
la main quand elle nous apercevra au pied de la montagne, cherchant notre
souffle pour monter jusqu'à sa maison. On entendra le rire joyeux des
enfants en se rapprochant et on aura droit à un éternel accueil chaleureux
une fois rendus au sommet. On rira des grimaces du petit dernier et on
s'émerveillera devant le jardin de fleurs qui enjolive la maison en carton
de la voisine.
Collique va me manquer…
Yéni a la chance de posséder une latrine. |
Le jour tombe sur Collique. |
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