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Un fil d'Ariane pour les personnes
atteintes de la maladie d'Alzheimer
GABRIELLE GRANGER
Lorsqu'on est atteint de la maladie d'Alzheimer, retrouver dans notre
mémoire un souvenir peut devenir laborieux, comme trouver son chemin dans un
labyrinthe.
Certaines méthodes existent pour faciliter les nouveaux apprentissages et
la récupération de certains souvenirs, mais jusqu'à aujourd'hui, peu
d'études les avaient évaluées scientifiquement. Ergothérapeute de formation
et étudiante au doctorat en sciences cliniques, Nathalie Bier s'est penchée
sur l'évaluation de ces méthodes, qui constituent un véritable fil d'Ariane
pour les personnes ayant des troubles de mémoire.
«Une fois la mémoire atteinte, guérir les ravages causés par la maladie
est impossible, mais on peut travailler avec les facultés encore présentes,
explique l'étudiante. Il est possible de les exploiter en faisant des
exercices avec le patient pour qu'il puisse intégrer de nouveaux
apprentissages.» Vivement intéressée par ces possibilités, Nathalie Bier
entreprend, en 2002, une thèse sur les troubles de la mémoire. Son projet
avait pour but d'évaluer les méthodes utilisant les facultés préservées des
personnes atteintes d'Alzheimer et d'établir des lignes directrices
concernant leur utilisation pour les intervenants. En somme, grâce à la
recherche de Nathalie Bier, les personnes atteintes pourraient profiter de
méthodes vérifiées qui faciliteraient la réalisation de leurs activités
quotidiennes et améliorer leur qualité de vie.
Ces méthodes, peu étudiées, avaient déjà été évaluées, mais dans un
contexte moins rigoureux. Le but de la recherche menée par Nathalie Bier
était de tester l'efficacité de ces méthodes dans un contexte plus
scientifique et les comparer entre elles. Pour la réalisation de ses
expériences, Nathalie Bier a pu profiter de la collaboration de patients
atteints d'Alzheimer à l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.
3 méthodes d'apprentissage pour les patients
Trois méthodes existent pour faciliter la vie des personnes vivant avec
les difficultés engendrées par l'Alzheimer. Ces méthodes sont appliquées
afin de favoriser l'apprentissage d'activités que la personne n'est plus en
mesure de faire; par exemple, une activité de loisir ou apprendre à se
servir d'un calendrier pour se souvenir de ses rendez-vous et des choses à
faire dans la journée. D'abord, la méthode sans erreur vise à limiter les
erreurs dans la limite du possible. «Puisque les personnes atteintes
présentent des troubles de mémoire importants, elles ne peuvent se rappeler
qu'elles ont commis une erreur et elles auront tendance à la répéter
continuellement», explique Nathalie Bier. Lors de l'étude, l'intervenant
présentait au participant une photographie d'une personne associée à son nom
de famille. Le participant devait alors répéter immédiatement la réponse.
Cette procédure était ensuite reproduite à plusieurs reprises, afin
d'empêcher le participant de deviner les noms de personne. En somme,
l'intervenant s'assurait que seule la bonne réponse était répétée et que ce
n'était qu'elle qui s'inscrivait dans la mémoire du participant.
Ensuite, pour ce qui est de la méthode d'estompage, l'intervenant donne
des indices à la personne pour l'aider à trouver l'information. «Au départ,
on donne plusieurs indices et ensuite on en diminue le nombre jusqu'à ce que
la personne puisse trouver elle-même la réponse», révèle l'étudiante. Dans
les expériences menées par Nathalie Bier, on présentait encore une
photographie d'une personne ainsi que son nom de famille. L'intervenant
lisait les informations avec le participant. Ensuite, au fil de l'exercice,
des lettres étaient enlevées jusqu'à ce que le participant puisse produire
la réponse lui-même.
«Enfin, pour ce qui est de la méthode de récupération espacée, elle
consiste à demander à la personne atteinte de retrouver l'information dans
sa mémoire après des délais de plus en plus longs», complète la chercheuse.
On demande ainsi au participant de retrouver cette information après
10 secondes, 20 secondes, 30 secondes, 1 minute, et ce, jusqu'à une période
de 5 minutes.
Au cours de ses recherches, Nathalie Bier a eu la confirmation que les
méthodes étaient toutes équivalentes. Aussi, il n'existe pas de preuve
scientifique prouvant qu'une méthode est meilleure dans un contexte que dans
un autre, mais d'une manière intuitive, les intervenants ont des indices
pour favoriser une méthode plutôt qu'une autre, selon leur expérience
clinique. «Par exemple, la méthode d'estompage est bonne pour tout ce qui
implique un apprentissage moteur, explique la chercheuse. Par exemple, elle
pourrait être plus appropriée dans le cas où la personne atteinte
d'Alzheimer doit apprendre comment faire fonctionner un appareil
électroménager ou apprendre un trajet.»
Un bon complément aux médicaments
Beaucoup de recherches sont menées pour l'élaboration de nouveaux
médicaments pour traiter l'Alzheimer. En ajoutant ces méthodes
d'apprentissage à la médication, on vise sur tous les fronts et la qualité
de vie des patients ne peut que s'améliorer. «Il n'existe pas qu'une façon
d'approcher la maladie, explique Nathalie Bier. La médication peut bien
fonctionner pour améliorer l'état d'éveil et diminuer les troubles de
comportement. Tandis que l'apprentissage a pour avantage d'aider la personne
atteinte à mieux fonctionner dans quelques aspects bien précis de son
quotidien.»
Des méthodes à faire connaître
Comme la personne atteinte d'Alzheimer doit être encadrée lors des
exercices, ces méthodes s'adressent principalement à leurs proches ainsi
qu'aux professionnels des centres de jour. D'ailleurs, la prochaine grande
étape pour Nathalie Bier consiste à publiciser ces méthodes auprès des
intervenants, par le biais de conférences, par exemple. La jeune chercheuse
souhaiterait aussi qu'éventuellement, la Société Alzheimer et les autres
organismes de soutien aux proches puissent enseigner ces méthodes pour que
le plus grand nombre possible de personnes atteintes d'Alzheimer puisse en
profiter. «Ces méthodes sont faciles à utiliser, conclut Nathalie Bier. Tout
le monde peut les appliquer auprès de leurs proches atteints et leur faire
bénéficier d'une plus grande autonomie et d'une meilleure qualité de vie.»
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