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La piqûre humanitaire de Vincent Echavé
Professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé,
Vincent Echavé œuvre depuis plus de 15 ans au sein de Médecins dans
frontières. Une vocation qu'il espère transmettre à ses étudiantes et
étudiants.
Lorsqu'il entend des plaintes sur le système de santé québécois, Vincent
Echavé préfère ne pas entrer dans le débat. Impliqué avec Médecins sans
frontières depuis plus de 15 ans, ce chirurgien a été témoin de situations
inimaginables lors de la quinzaine de missions auxquelles il a participé au
Darfour, au Congo, au Bengladesh et ailleurs. «Évidemment, le système de
santé du Québec et ceux qu'on retrouve dans ces pays ne se comparent pas,
précise-t-il. Autre pays, autre contexte.»
Neutralité et dénonciation
Organisme humanitaire indépendant fondé en France en 1971, Médecins sans
frontières (MSF) s'est doté d'une section canadienne en 1991. Son mandat
principal est d'offrir une assistance médicale d'urgence, que ce soit dans
un contexte de guerre, de catastrophe naturelle, d'épidémie ou de
déplacement de population, par exemple.
Présentement actif dans plus de 70 pays, MSF a comme mot d'ordre de
soigner tout le monde, sans discrimination de race, de religion ou
d'opinion. «Personnellement, il est certain que nous avons des opinions,
mais nous devons les laisser de côté, explique Vincent Echavé. On ne peut
pas se permettre de diviser les gens, même s'il arrive que nous ayons à
soigner des bourreaux, des gens responsables de la mort d'autres personnes.»
Malgré cette neutralité lors de conflits, les volontaires de MSF se
donnent le mandat de témoigner des situations désastreuses auxquelles ils
sont confrontés quand ils sont en mission. C'est d'ailleurs un aspect auquel
l'organisme accorde beaucoup d'importance, comme le mentionne le
professeur : «Médecins sans frontières ne propose pas de solutions
politiques, mais a le devoir de soulager la souffrance et de dénoncer les
violations graves des droits des humains.» Ainsi, l'impartialité permet aux
personnes impliquées de travailler dans tous les pays et de soigner tout le
monde, mais aussi de dénoncer. Cette capacité de témoignage crée parfois
certaines tensions avec les autorités politiques.
En Irak, par exemple, la présence de MSF a été complètement rejetée.
Vincent Echavé y voit un lien direct avec le mandat de dénonciation de
l'organisme : «De tels pays cherchent à garder le contrôle absolu de ce qui
se passe sur leur territoire et surtout, ils ne veulent pas de témoins.» Ce
contrôle se traduit également par l'émergence d'interventions humanitaires
militaires, un phénomène qui préoccupe de plus en plus MSF. «Dans les
Balkans ou au Kosovo, par exemple, les militaires camouflent parfois leurs
actions sous des missions humanitaires, explique le professeur. Les
populations en viennent alors à confondre les militaires et les volontaires
des organismes humanitaires.»
Au-delà du danger
Le danger que représente bien souvent les missions de MSF n'entache
aucunement la motivation de Vincent Echavé : «Je crois qu'en tant que
médecin, nous avons l'obligation de donner de notre savoir, de notre temps
et de notre expertise dans ces pays. Quand on est sur le terrain, on sait
pourquoi on y est. Devant toute cette détresse, nous avons deux choix :
pleurer ou aider.»
Le chirurgien qui pratique également au CHUS est l'un des rares qui
continuent de partir en mission année après année. «Beaucoup de médecins ne
font qu'une seule mission, souligne le professeur Echavé. C'est une
expérience difficile, souvent dangereuse. Les conditions sont précaires. Ce
qui me pousse à continuer, c'est l'injustice dont je suis témoin durant mes
voyages, l'inégalité entre le Nord et le Sud.»
Une implication qui persiste
Bien au fait des préoccupations de l'organisme, Vincent Echavé supporte
activement la campagne pour l'accès aux médicaments essentiels que mène
actuellement MSF. «Je trouve immoral qu'ici, une personne atteinte du sida
puisse vivre pendant une dizaine d'années alors qu'en Afrique, les personnes
atteintes n'ont pas ce droit. Les médicaments ne sont ni un luxe ni un
produit de consommation. Malheureusement, de nos jours, il est beaucoup plus
rentable pour une compagnie pharmaceutique de développer un médicament
contre la calvitie ou la dysfonction érectile plutôt que des remèdes moins
coûteux pour la tuberculose ou la malaria.»
L'implication de Vincent Echavé auprès de MSF n'est pas près de se
terminer. Après une mission en Côte-d'Ivoire l'hiver dernier, le professeur
se rendra cet automne à Port-au-Prince, à Haïti. «Mon rêve serait de partir
deux ou trois fois par année, lorsque je serai à la retraite, indique-t-il.
Mais mon plus grand souhait, c'est surtout de transmettre la vocation
humanitaire aux étudiantes et étudiants en médecine. Notre profession nous
permet de soulager la souffrance, si présente dans le monde. Ce n'est pas
donné à tout le monde.»
Le professeur Vincent Echavé donne des conférences, publie des articles
et accorde des entrevues de façon régulière pour partager son expérience
avec Médecins sans frontières. Un film documentaire sur sa vie sera présenté
au réseau TV5 cet automne.
A.-S. R.
La coordination entre les différentes actions humanitaires se fait à
petite échelle, sur le terrain. Ici, Vincent Echavé collabore avec des
Casques bleus dans la prise en charge de patients au Congo.
Photos offertes par Vincent Echavé |
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