C. difficile et choléra : même combat!
Le professeur Vincent Burrus, de l'Université de
Sherbrooke, mène des recherches
sur un segment d'ADN qui pourrait être à la source des épidémies
ROXANNE MERCIER
La bactérie
Clostridium difficile (C.
difficile) a contaminé au Québec 7000 personnes en 2004, dont au
moins 600 en sont mortes. Encore récemment, dans la région de
Saint-Hyacinthe, puis dans le secteur de Drummondville, les épidémies
continuent de faire des ravages dans les hôpitaux québécois. Pour lutter
contre le fléau, les hôpitaux isolent rapidement les patients atteints et
renforcent les mesures d'hygiène. Toutefois, la liste des victimes pourrait
encore s'allonger avec la recrudescence de la résistance aux antibiotiques.
Autant dire que la funeste partie de cachette entre les autorités sanitaires
et la bactérie ne fait que commencer!
Un coupable sur la glace : ICE
Pour stopper l'hécatombe, un biologiste de la Faculté des sciences de
l'Université de Sherbrooke étudie un segment d'ADN qui dans la nature passe
d'une bactérie à une autre, ce qui contribue à transformer des bactéries
inoffensives en des souches potentiellement mortelles. D'après le professeur
Vincent Burrus, la présence de ce segment, appelé ICE pour «éléments
intégratifs et conjugatifs», pourrait être la source du problème.
Vincent Burrus est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la
biologie moléculaire, l'évolution et l'impact des éléments mobiles
bactériens.
«Les épidémies de
C. difficile pourraient être liées à la présence d'ICE et à cette
facilité qu'ils ont à se déplacer d'une bactérie à une autre», précise le
chercheur. Comme la majorité de ces segments d'ADN possèdent des gènes de
résistance aux antibiotiques, ils agissent alors comme des vecteurs de
dispersion de la résistance, ce qui diminue l'efficacité des traitements
antibiotiques.
Antibiotiques : pour le meilleur et pour le pire
C. difficile
cause la diarrhée et d'autres maladies intestinales plus graves comme la
colite. Elle fait partie des infections nosocomiales, c'est-à-dire acquises
au cours d'un séjour hospitalier, qui sont très difficiles à traiter. Même
si les antibiotiques sont bien souvent les meilleurs et parfois les seuls
outils thérapeutiques disponibles pour de nombreuses maladies infectieuses,
ils contribuent par la même occasion à la virulence de
C. difficile.
En effet, ces traitements diminuent la quantité de bonnes bactéries dans
l'intestin et le colon des patients, et permettent dans certains cas à
C. difficile
de se multiplier et de produire des toxines à l'origine d'une infection.
Tant que les mécanismes fondamentaux de transfert de résistance ne seront
pas mieux compris, les milieux hospitaliers seront donc exposés à des
flambées fréquentes de la bactérie.
«Une meilleure connaissance des ICE
permettra à long terme de prendre des mesures visant à prévenir la
dispersion des souches mortelles de
C. difficile dans le milieu
hospitalier et les communautés», estime Vincent Burrus.
Lutter contre le choléra
Dans d'autres régions du monde, les ICE pourraient également contribuer à
la propagation d'épidémies comme ils le font chez nous avec le
C. difficile.
«L'étude de la bactérie
Vibrio cholerae,
identifiée comme l'agent infectieux responsable du choléra, indique que les
ICE pourraient aussi avoir un rôle important en favorisant la dissémination
des résistances aux antibiotiques», affirme le chercheur.
Le choléra fait régulièrement des victimes dans certaines régions aux
prises avec des catastrophes naturelles, des guerres et des famines, et
lorsque les conditions sanitaires ne permettent pas l'accès à l'eau potable.
Cette maladie provoque une déshydratation extrême chez la personne atteinte
et peut causer la mort en moins de 24 heures si elle n'est pas traitée. De
graves épidémies ont décimé des populations au Rwanda en 1995 et plus
récemment au Mozambique en 2006.
Que ce soit pour lutter contre les épidémies causées par
C. difficile
en Amérique ou par
Vibrio cholerae en Afrique, les recherches sur les ICE et leur
mode d'action sont peut-être les premiers pas vers la découverte de nouveaux
médicaments. «Ce qui m'anime? J'aimerais que mes recherches permettent de
sauver ne serait-ce que quelques vies», répond humblement Vincent Burrus.
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