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Liaison, 15 juin 2006
Embarquement pour la lévitation
PIERRE MASSE
Bienvenue à bord du train à lévitation Montréal-Sherbrooke! Notre voyage
durera 21 minutes à la vitesse de 550 km/h. La température extérieure est de
-196 °C. Notez que l'accumulation de précipitations n'affectera en rien
notre flottaison.»
C'est le message que pourrait entendre un passager de la dimension d'une
souris, à bord de la maquette du train à lévitation du Département de
physique de l'Université de Sherbrooke.
Déclencher des passions
L'idée de cette maquette vient du professeur Louis Taillefer, chercheur
au Département de physique. L'objectif est de proposer une activité
scientifique à des jeunes afin de capter leur attention et leur faire
découvrir la science de façon originale. Le résultat est réussi puisque ce
train, dont la lévitation est assurée par des éléments supraconducteurs,
permet de mettre en évidence de manière spectaculaire des phénomènes
associés à la supraconductivité.
«Lorsqu'on visite une école avec le train, les élèves ont les yeux grand
ouverts et n'en reviennent pas, indique l'opérateur du train, Guy Bernier.
Pour eux, la lévitation, c'est juste dans les films, alors lorsqu'ils voient
le train flotter à quelques centimètres au-dessus des rails, les questions
fusent de toute part : Comment fonctionne-t-il? Est-ce possible d'en
construire un plus grand? Et surtout, quand est-ce qu'on pourra monter
dedans?
Les «suprapatenteux»
Guy Bernier et Stéphane Pelletier ont construit le train en modifiant un
prototype rudimentaire de l'Université de Toronto. Le principe de base
consiste à fixer quelques pastilles composées d'un matériau supraconducteur
sur le train, à les refroidir à l'aide d'azote liquide et à placer le train
au-dessus de rails constitués d'aimants. Lorsque les pastilles sont
suffisamment refroidies, leurs électrons se mettent à changer de
comportement et induisent un contre-champ magnétique exactement opposé au
champ magnétique produit par les aimants des rails. Le résultat de ces deux
champs opposés permet de soulever le train au-dessus des rails. Ensuite, il
ne reste plus que le problème de la stabilité à résoudre pour empêcher que
le train ne soit repoussé à l'extérieur des rails. «On a eu l'idée
d'utiliser plusieurs rails juxtaposés afin de donner au champ magnétique une
forme de V au centre duquel le train reste prisonnier», réplique Guy
Bernier. De plus, pour propulser le train, les concepteurs ont choisi
d'ajouter de petits électroaimants répartis sur le trajet. Au passage du
train, ceux-ci transmettent de petites impulsions électromagnétiques
suffisantes pour entretenir le mouvement ou l'accélérer.
La question ambiante…
«Est-ce qu'on va pouvoir se rendre à la température ambiante? C'est l'une
des questions que nous nous posons sur ces matériaux», indique le professeur
Patrick Fournier, spécialiste de la supraconductivité au Département de
physique. Au fil des années, les chercheurs ont mis au point des matériaux
dont les propriétés supraconductrices sont accessibles à des températures de
plus en plus élevées. À ce jour, la plus haute température atteinte en
utilisant du mercure hautement pressurisé est -109 °C.
Résister aux modes en recherche
En quelques années, les applications en développement pour ces matériaux
sont de plus en plus nombreuses : emmagasinage d'énergie; imagerie
magnétique dans le domaine médical. Pourtant de l'aveu même de Patrick
Fournier, personne ne comprend encore véritablement les mécanismes
fondamentaux de la supraconductivité : «Aux États-Unis, les chercheurs ont
un peu abandonné ces matériaux, car ils jugent avoir atteint une sorte de
plateau dans leur compréhension. Au Québec, on est peut-être moins sujet aux
modes.» D'après le spécialiste, ces matériaux pourraient revenir à
l'avant-scène à travers des applications comme la détection ultrasensible
des champs magnétiques ou les besoins de micros amplificateurs de haute
puissance pour la téléphonie cellulaire.
La solution passera peut-être par les monocristaux supraconducteurs à
haute température que Patrick Fournier et son équipe développent. En effet,
ces monocristaux possèdent un atout dont ne jouissent pas les
supraconducteurs traditionnels sous forme de poudre agglomérée. La forme
cristalline permet d'étirer le matériau pour former un fil facilement
manipulable, ce qui permettrait d'accroître les possibilités d'applications.
En attendant d'embarquer dans un train à lévitation, une vidéo de la
maquette est visible sur la page d'accueil du site du Département de
physique :
www.USherbrooke.ca/physique.
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Le professeur Patrick Fournier, spécialiste de la supraconductivité,
présente le train à lévitation magnétique développé au Département
de physique.
Photo : Roger Lafontaine |