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Liaison, 15 juin 2006
Salut beauté!
Psychologue invité : GRÉGOIRE LEBEL
Par un joyeux après-midi de printemps où le soleil me frappait le visage
à travers la fenêtre, une soudaine sensation de bien-être m'a envahi. J'ai
tourné la tête vers l'horizon pour admirer le paysage offert, habillé de ses
couleurs renaissantes, presque arrogant avec son mont Orford proéminent. Ces
simples mots se sont échappés de ma bouche : «C'est beau!» Après quelques
secondes de contemplation, curieux, inspiré et bien de mon temps, j'ai tapé
le mot beauté dans Google. Je voulais en savoir plus sur ce savoureux
sentiment que je venais d'éprouver. Brusquement tiré de ma rêverie, j'ai
regardé défiler les sites de crèmes antirides, de soins pour le corps et de
salons de bronzage. Étonné, je ne reconnaissais pas dans ces cosmétiques et
ce soleil artificiel la beauté par laquelle je venais d'être touché. J'avais
ressenti avec certitude l'existence d'une beauté autre que celle des
magazines de mode.
Le laid avant le beau?
Freud avançait que le malheur est bien moins difficile à vivre que les
sentiments élevés. Cette affirmation laisse supposer qu'il est plus facile
pour l'être humain d'être malheureux qu'heureux. Pessimiste me direz-vous?
Peut-être. Néanmoins, j'ai remarqué que plusieurs exemples de mon quotidien,
tel le contenu de mon bulletin de nouvelles, appuyaient avec virulence cette
hypothèse. Puis, juste à côté, j'ai constaté la publicité qui travaillait
d'arrache-pied pour m'offrir des modèles de beauté et de bonheur artificiels
qui tentaient de m'inculquer l'idée que je n'étais qu'à une voiture, à une
crème ou à un shampoing du bonheur. Je n'y croyais pas. J'avais ressenti
autre chose, quelque chose de plus grand, de plus rassasiant. C'est alors
que je suis tombé sur le dernier livre d'Eric-Emmanuel Schmitt, Ma vie
avec Mozart. Au fil des pages, l'auteur partageait son salut par la
beauté à travers la musique de Mozart. Je sentais que je m'approchais, que
son idée de la beauté balisait mon sentiment. En fait, en lisant les mots
qu'il avait choisis pour décrire son état, je revisitais le mien. C'était
beau. C'était touchant. C'était vrai. Vrai comme dans humain. Vrai comme
dans sensible. Vrai comme un enfant. Un enfant! Voilà une bonne idée!
Retrouver en moi l'enfant instinctif et impulsif capable de s'émerveiller.
Concrète réalité
«Retrouver l'enfant, c'est quétaine. Pis ta montagne, c'est juste une
montagne après tout, pourquoi tu t'énerves?» Mon ami Marc. J'avais pensé le
consulter pour me donner un petit coup de pouce dans ma quête. Visiblement,
il n'était pas sur la même longueur d'onde que moi! Dommage. Il me faisait
néanmoins réaliser que la beauté pouvait être partout, là, devant moi, et
que je pouvais ne pas la voir. Qu'est-ce qui me la cachait parfois?
Possiblement ma pensée pratique, pragmatique, organisée, qui me dépeignait
un monde scientifiquement expliqué sans magie et sans surprise. Sinon mes
distractions ponctuelles, mes préoccupations, mes responsabilités, qui
m'amenaient à vivre dans un univers parallèle peuplé de planification et de
résolution de problèmes abstraits. Parfois ma fatigue ou mon stress, qui
anéantissaient ma capacité à être disponible, simplement. Bref, je
comprenais que pour être touché par la beauté, il me fallait être présent,
ici, maintenant, en contact avec la vraie réalité. Pas celle de mes
pensées ou celle de mes angoisses. Celle du mont Orford qui s'érige au
milieu d'une marée de verts ondoyants, des rayons du soleil qui cherchent et
réchauffent mon visage. Celle qui me permet de me sentir vivant au milieu
d'une humanité en quête de sens, qui dérape et glisse parfois vers
l'artifice ou le matérialisme.
L'art et la nature
La nature m'apparaissait donc comme une excellente porte d'accès vers mon
contact privilégié avec la beauté. Également ce livre qui m'avait permis d'y
goûter à nouveau. J'ai compris alors l'essence du travail des artistes :
remâcher, ressasser, revisiter cette réalité grandiose et nous la rendre à
travers leurs lunettes originales, sensibles et humaines. Je pouvais donc me
brancher sur la beauté par le biais de différentes sources telles que la
peinture, la musique ou la littérature. Quel bonheur! Et en bon être humain
incarné, je vous dirais que pour vivre le bonheur, il faut vivre
une bonne heure à la fois. Êtes-vous disponible maintenant? Sur ce, je
vous souhaite un bel été!
En collaboration avec le
Service de psychologie et d'orientation.
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Grégoire Lebel |