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Station : Collique… Débarquement : 4 mois!
Étudiantes à la maîtrise en environnement, Maryève Charland-Lallier et
Caroline Morin Savoie effectuent un stage de quatre mois à Collique, une
municipalité en banlieue de Lima, capitale du Pérou. Le projet principal
auquel elles prennent part vise l'implantation de latrines afin d'améliorer
la salubrité dans une zone où l'accès au réseau d'aqueduc ne va pas de soi.
Voici un aperçu de leur premier contact avec leur terre d'accueil.
MARYÈVE CHARLAND-LALLIER
4 juin, jour d'élections présidentielles… petites notes en aparté
Il y a aujourd'hui un mois que nous nous trouvons en sol péruvien.
L'animation caractéristique des dernières semaines est décuplée en ce jour
important pour les cinq années à venir : les élections présidentielles.
Entre les slogans scandés par les deux «bunkers» des clans opposés situés à
moins de 500 m les uns des autres dans la troisième zone de Collique, le
peuple péruvien fait aujourd'hui son choix entre Amor por el Perú ou
El cambio responsable. Ollanta ou Alan, la lutte est forte, même si
le second l'emportera. Ollanta a l'appui des régions, mais dans un pays où
la grande région de Lima comprend plus du tiers de la population, les voix
n'ont pas le même poids!
Ici, il n'est pas question d'opinion politique ou de dépliant que je
cherche à distribuer, la politique est complexe et c'est encore plus vrai en
terre étrangère! Il s'agit seulement d'exposer que les slogans politiques et
les noms des politiciens se côtoient, s'affrontent et sont omniprésents sur
les maisons, dans les collines et sur les bordures élevées de la Tupac Amaru
que nous parcourons toutes les semaines en combi, ces petites
fourgonnettes servant d'autobus. Mais revenons en arrière…
Quand le luxe flirte avec la misère
Débarquer de l'avion un matin où le smog est en basse altitude, sentir
l'odeur caractéristique de l'essence qui s'échappe des nombreuses voitures
qui nous entourent, même au petit matin, se retrouver dans une circulation
plutôt digne d'être nommée bordel organisé, voir les maisons et commerces
colorés qui défilent sur le chemin et entendre le fourmillement incessant
des acteurs du trafic, des chiens et des Péruviens souvent expressifs devant
les gringas (étrangères), ça, c'est de la stimulation sensorielle!
Notre arrivée s'est toutefois déroulée en douceur, sur des routes où la loi
du fort règne. Dans ma tête rebondissaient ces quelques mots : «Nous sommes
au Pérou!»
Nous avons eu droit à une acclimatation d'usage, dans un hôtel très bien
où il y avait l'eau chaude et qui nous permettait de sentir, vers 20 h, la
délicieuse odeur du pollo a la brasa (poulet à la braise) qui émanait
du restaurant d'à côté. Nos petites escapades touristiques dans Lima et ses
alentours nous ont rapidement mis en contact avec l'absence presque totale
de zones tampons entre les quartiers atrocement riches et les ghettos
défavorisés. Du palais présidentiel et la Place d'armes de Lima (ici, on
dirait bien que chaque petite zone ou région habitée a sa place d'armes) aux
quartiers les plus défavorisés, du Marriott Hotel de Miraflores au village
de pêcheurs de Chorillos, les frontières sont bien minces.
Collique, terre d'accueil
Collique, c'est notre terre d'accueil, l'endroit où l'on vit, où l'on
travaille. Une petite ville de 100 000 habitants comptant parmi les peuples
les plus défavorisés de Lima. Les plus chanceux ont droit à l'alimentation
en eau du réseau municipal trois heures par jour et complètent leurs besoins
à l'aide d'un réservoir sur le toit. Dans la maison où j'habite, nous nous
contentons des trois heures quotidiennes… au moins, nous sommes desservis!
Quand les heures d'accès changent sans préavis, eh bien, on remet la douche
(d'eau froide) au lendemain! De petites considérations qui, bien que
répondant à un besoin essentiel d'étanche-soif, deviennent secondaires, font
partie de la vie.
Collique, ce sont des collines brunes qui nous entourent, difficiles à
gravir de par leur constitution de terre où les pierres ont une bien mince
emprise. Sur les pentes, les petites maisons de briques ou de bois
continuent toutefois à se construire. C'est l'une des régions les plus
polluées du grand Lima, victime des vents dominants provenant de la capitale
et des montagnes qui y font stagner l'air contaminé.
Collique, c'est surtout les gens que nous côtoyons dans les rues, au
travail, dans nos familles. Ces personnes toujours souriantes, intéressées
et qui souhaitent tant nous enseigner à danser! Ce sont ces enfants qui nous
demandent comment est le Canada et ceux, plus rares, qui voudraient que nous
les ramenions dans nos bagages. C'est une population où les hommes
travaillent de longues heures, six jours par semaine. Ce sont des femmes qui
se démènent avec les enfants et leurs devoirs, la maison et toutes les
tâches que cela implique, les assemblées et les corvées des écoles ainsi que
les ateliers et les réunions de leurs organisations respectives, oeuvrant
majoritairement en santé. Et puis, ce sont des quantités de nourriture
astronomiques pour nos appétits d'oiseaux, selon leurs dires. Une nourriture
délicieuse dont les arômes ouvrent l'appétit, comme dans toute bonne «maison
de parents», et ce, malgré le petit nombre d'ingrédients principaux : riz,
poulet, patates!
Collique, ce sont des fêtes jusqu'au petit matin sans que les voisins en
fassent tout un plat. Ce sont des maisons où, toutes lumières allumées, il
n'est pas rare de voir ses occupants y danser. C'est le reggaeton
(mélange de rap et reggae en espagnol) des mototaxis qui se mêle aux
aboiements des chiens faisant trop souvent pitié à voir – mon chien du
Québec serait ici considéré comme une princesse trop grasse aux muscles
développés d'un haltérophile et au pelage reluisant à en faire mal aux yeux!
Ce sont aussi les coqs qui chantent à toute heure du jour et de la nuit et
non pas seulement à cinq heures du matin.
Collique, c'est une rue tranquille à l'heure du coucher de soleil que
j'emprunte avant d'arriver chez moi, les rayons du soleil transperçant le
brouillard et reflétant sur la colline surplombée d'une croix blanche.
Collique, dans le district municipal Comas, de Lima, au Pérou, c'est
notre chez-nous depuis plus d'un mois jusqu'à la mi-août et il y a tant à
dire déjà! C'est qu'on s'y plaît…
Hector l'artiste fait étalage de ses talents au foot.
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Collique et ses maisons.
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Des oiseaux se reposent sur un bateau de pêcheurs à Chorrillos. |
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