Comment les parents éducateurs
voient-ils la citoyenneté responsable?
ROBIN RENAUD
Qu'est-ce qui motive certains parents à choisir de garder les enfants à
la maison pour leur éducation plutôt que de les confier au réseau scolaire?
Il y a deux ans, Christine Brabant déposait un mémoire de maîtrise donnant
un éclairage sur ce sujet méconnu. Le projet avait suscité un grand intérêt
et a conduit son initiatrice à entreprendre un doctorat. Cette fois,
l'étudiante veut cerner la vision de l'éducation à la citoyenneté chez les
parents éducateurs. Pour ce faire, Christine Brabant vient de recevoir un
appui exceptionnel : elle compte parmi les 15 boursiers de la Fondation
Trudeau, et s'est vu décerner une bourse de 200 000 $.
L'éducation comme projet familial
L'école à domicile serait le lot d'environ 1500 à 2500 enfants québécois,
mais il n'existe pas de chiffres précis sur le sujet. Dans son mémoire de
maîtrise, Christine Brabant a toutefois pu identifier ce qui stimule les
parents éducateurs. «Leur premier facteur de motivation est la réalisation
d'un projet familial. Ils sont très attachés à l'idée de vivre ensemble une
expérience d'apprentissage pour renforcer les liens familiaux. Cette
démarche s'accompagne souvent de préoccupations pédagogiques quant au
développement socioaffectif de l'enfant et d'une volonté d'enrichissement
des programmes», explique la chercheuse.
Non seulement la notion de projet familial se révèle cruciale, mais elle
sous-tend une autre vision de la socialisation ou de la citoyenneté
responsable. La participation des parents et de la famille dans le
développement de l'éducation et de la société apparaît comme une valeur
chère aux parents éducateurs. Christine Brabant a donc décidé de poursuivre
ses recherches doctorales dans cette veine.
La place des parents en éducation
Ce projet s'inscrit aussi dans une nouvelle tendance qui pointe dans
certaines recherches récentes en éducation. «Actuellement notre vision de
l'éducation se passe entre l'enfant et l'État, explique la chercheuse. On
confie nos enfants à un programme national. Or, des parents semblent
suggérer qu'il y ait un intermédiaire utile entre l'école et l'enfant. Cet
intermédiaire serait la mère en premier lieu, la famille ensuite et
finalement la communauté. Il s'agit là de pistes de réflexion trouvées dans
différentes études récentes canadiennes, américaines et européennes. Mon
projet de doctorat sera de mener une recherche collaborative avec des
parents éducateurs du Québec pour leur donner une voix. Ils pourront
expliquer comment ils voient la socialisation et l'éducation à la
citoyenneté de leurs enfants et quel est leur projet social en éduquant
leurs enfants à la maison.»
Définir l'éducation à la citoyenneté
Le concept d'éducation à la citoyenneté a fait son apparition dans le
paysage québécois ces dernières années et plusieurs sociétés cherchent à
intégrer cette notion dans leurs programmes éducatifs. Or, des enseignants
constatent que les fondements théoriques de ce concept ne sont pas très
clairs et restent à définir. En ce sens, un autre projet sur l'éducation à
la citoyenneté est mené par des chercheurs du Centre interuniversitaire de
recherche en éthique appliquée (CIREA) afin de mieux outiller les
enseignantes et enseignants au secondaire qui rencontrent des lacunes liées
au manque de matériel didactique et à une connaissance insuffisante des
stratégies d'enseignement en éducation à la citoyenneté.
En parallèle des travaux du CIREA, Christine Brabant estime que le point
de vue de parents éducateurs pourrait contribuer à mieux définir cette
notion : «Ultimement, l'objectif de mes recherches pourrait conduire à
proposer une autre forme de gouvernance en éducation en général, et en
éducation à domicile en particulier. Très engagés dans l'éducation de leurs
enfants, les parents éducateurs auront sûrement des suggestions
intéressantes à proposer, et des pistes de solutions à prendre en compte.»
Le double avantage de la bourse Trudeau
En obtenant la bourse de doctorat Trudeau, Christine Brabant
reçoit un appui de taille. Elle est admissible au versement annuel de frais
de subsistance de 35 000 $, en plus d'allocations de déplacement de
15 000 $, pour une durée de quatre ans. «Cette bourse me permettra de
pousser plus loin mes recherches en profitant de deux avantages majeurs.
D'abord, grâce aux allocations de déplacement, je pourrai côtoyer des
spécialistes d'autres pays et travailler auprès de mes codirecteurs de
thèse. L'un se trouve en Belgique et l'autre à New York. Deuxièmement, cette
bourse me permettra d'intégrer la communauté Trudeau, qui comprend des
chercheurs, lauréats et mentors. Ce sera l'occasion de travailler ensemble
sur différentes problématiques sociales actuelles, me donnant accès à une
formation complémentaire très riche et à une grande ouverture sur le monde»,
conclut Christine Brabant.
Retour à la une |