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Liaison, 25 mai 2006
Une histoire de pêche au Mali
Jean-Luc Ratté-Boulianne et Véronic Francœur-Castilloux participent à
un placement d'une durée d'un an avec Ingénieurs sans frontières Canada.
Tout récemment diplômés, ils tenaient à prendre part à un tel projet de
coopération avant de se lancer dans une carrière conventionnelle en
ingénierie. Des intérêts communs pour le développement et un goût marqué
pour les voyages les ont amenés vers leur nouveau pays d'accueil, le Mali.
JEAN-LUC RATTÉ-BOULIANNE
Diplômé en génie informatique (2005)
Il est 5 h 30. Le soleil qui se lève me réveille lentement. De la natte
sur laquelle j'ai dormi cette nuit, je peux apercevoir 5 puits. À chacun
d'eux, une femme s'éreinte à extraire l'eau qu'elle utilisera toute la
journée durant : laver les vêtements, préparer la nourriture, sans oublier
l'hydratation. À 45 °C à l'ombre, l'eau que l'on doit ingurgiter pour
compenser les pertes en sueur se compte par litre…
Je suis à Samine, un petit village malien comme il en existe des
milliers. Dans le cadre de mon travail avec le Fonds de développement en
zone sahélienne (FODESA), j'ai décidé de sortir de Bamako un peu et de
passer une semaine loin de la ville. D'une part pour parfaire ma
connaissance de la langue locale, le bambara, mais aussi pour mieux
comprendre le mode de vie des gens que je suis venu aider. Ici, pas
d'électricité, pas d'eau courante. Seulement des puits, des lampes à
l'huile, mais surtout, des gens. Parce que ce sont ses habitants qui font la
richesse du Mali. En une seule semaine, j'ai vu plus de sourires ici que
durant un mois au Québec! J'ai l'impression d'être le Père Noël ici; soit
j'effraie les enfants, soit je les fascine. Il y a quelque chose de
spirituel dans le fait de savoir que l'on est le premier Blanc que beaucoup
de ces enfants aient jamais vu.
J'habite chez le dugutigi, qui est le chef du village. Nous sommes
présentement en plein cœur de la saison sèche, son horaire n'est pas très
chargé : régler les problèmes sur lesquels il a juridiction au village,
réparer sa maison de banco (Le banco est une boue composée de terre, d'eau
et de résidus de céréales avec laquelle sont construites les maisons. À
chaque saison des pluies, l'eau cause des ravages considérables aux
maisons). Aussi, il doit veiller sur son troupeau de chèvres et de moutons.
Mais dans quelques mois, lorsque tombera la pluie de laquelle le Mali dépend
tant, il passera la totalité de ses journées dans ses champs. Le dugutigi
cultive 20 hectares, avec ses 9 enfants et son petit frère. Pendant que ses
2 femmes prépareront les repas et les amèneront aux champs, la troupe
tournera et retournera la terre afin d'y planter mil, sorgho, riz, maïs et
haricots. Le tout avec les 2 seuls bœufs qu'il possède!
On m'avait réveillé à 6 h du matin pour des raisons qui m'étaient alors
encore obscures. Je suis monté sur la charrette sans poser de questions et
l'expédition débuta. À tout moment, d'autres personnes se joignaient au
cortège, au son des salutations si coutumières chez les Maliens. Trente
minutes plus tard, on me fit signe de débarquer.
C'est ainsi que Madou, le frère du chef du village, m'a appris que
j'allais participer à un événement plusieurs fois centenaire. «Il y a très
très longtemps, les ancêtres attrapaient le poisson ici.» Durant l'hiver
malien, une rivière coule ici, mais il n'est rien tombé durant les
9 derniers mois, aussi les poissons se trouvent-ils emprisonnés là. Autour
de la mare boueuse, près de 400 personnes s'entassent et attendent le signal
du jitigi, le chef des eaux, avant de donner l'assaut. D'un même
geste, hommes, femmes et enfants s'élancent avec leurs armes :
filets, paniers, bâtons. J'ai aussi essayé, manœuvrant avec mes bras deux
filets qui me donnaient l'impression de battre des ailes (ou plutôt, dans ce
cas, des nageoires…). Alors que les enfants de 8 ans parvenaient à sortir de
l'eau d'immenses poissons-chats, je suis rentré bredouille. «Pas de chance»,
m'a-t-on dit… Qui sait? Peut-être reviendrai-je tenter ma chance l'an
prochain!
J'allais oublier! Le chef du village m'a chargé de saluer tous les amis
de mon village au Canada. Chose promise, chose due. C'est maintenant chose
faite…
Près de 400 personnes s'entassent et attendent
le signal pour tenter de capturer des poissons.
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À l'aide de ce filet, Jean-Luc tente
sa chance à la pêche saisonnière.
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Lors de cette journée bien particulière,
les pêcheurs n'ont pas tous la main heureuse. |
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Jean-Luc essaye de faire ses preuves comme chauffeur de vélo-taxi! |