Année polaire internationale
La pollution arctique dans la mire du professeur Norman
O'Neill
STÉPHANIE RAYMOND
La pollution n'est plus seulement l'affaire des centres urbains. Les
régions polaires, qui constituaient jusqu'à récemment les derniers témoins
de la pureté première de la Terre, sont maintenant touchées. Mais à quel
point? Et avec quelles conséquences? C'est ce que le professeur du
Département de géomatique appliquée Norman O'Neill et des centaines d'autres
chercheurs du monde entier tenteront de découvrir dans le cadre de la 4e Année
polaire internationale de l'histoire fixée pour 2007-2008.
Norman O'Neill est prêt. Le chercheur du Centre d'applications et de
recherches en télédétection (CARTEL), affilié au Canadian Network for the
Detection of Atmospheric Change (CANDAC), revient tout juste d'une campagne
à Spitzbergen en Norvège afin de régler la justesse des appareils
photométriques qui serviront à recueillir des données sur la pollution
atmosphérique des régions polaires pendant l'Année polaire internationale.
L'objectif du CANDAC (dont le directeur du CARTEL, Alain Royer, est aussi
membre) est d'implanter un nouvel observatoire atmosphérique à la base d'Eureka
sur l'île Ellesmere au Nunavut.
«L'Arctique et l'Antarctique sont censés être des milieux exempts de
pollution, explique le professeur. Mais ce n'est plus le cas, et c'est
dramatique. Car cela signifie que la pollution est devenue un problème
présent sur toute la surface du globe. Nous savons par exemple que
l'Arctique se couvre au printemps d'une brume légère (arctic haze);
nous voulons mieux comprendre d'où vient ce phénomène, et déterminer s'il
est stable ou tend à augmenter.»
Outre la pollution due aux activités humaines, le professeur O'Neill et
ses collègues étudieront les phénomènes naturels tels que les poussières
atmosphériques et le transport des aérosols (particules solides ou liquides
en suspension dans l'atmosphère) provenant de la fumée des feux de forêts.
«Il est de plus en plus évident que les aérosols peuvent avoir un impact à
un endroit très éloigné de leur source, explique-t-il. Nous avons par
exemple détecté à Vancouver des poussières provenant du désert du Sahara. Et
le rôle des aérosols au niveau des changements climatiques est très
important. Si on ne s'attarde qu'aux gaz à effet de serre, on n'arrive pas à
bien comprendre le réchauffement de la planète.»
Des appareils mesurant l'atténuation de la lumière due à la pollution
Les appareils intercalibrés par Norman O'Neill et ses collègues pendant
la campagne à Spitzbergen et qui seront bientôt installés à Eureka sont
appelés photomètres solaires. Ils recueilleront notamment pendant le jour
des données sur l'atténuation de la lumière du soleil parvenant à la Terre.
Car plus il y a d'aérosols polluants et naturels, moins la lumière du soleil
arrive à la Terre. Des données seront aussi recueillies la nuit sur
l'atténuation de la lumière provenant des étoiles. «Ces photomètres
stellaires présentent une technologie novatrice; ils seront très utiles
compte tenu du fait que la nuit polaire dure tout l'hiver», souligne le
professeur.
D'autres appareils, notamment les lidars atmosphériques, feront partie de
l'ensemble d'appareils à Eureka. «Ces lasers à pulsation donnent de
l'information détaillée sur la structure verticale des aérosols et seront
donc très complémentaires à nos mesures», poursuit-il.
Un moment parfait pour étudier les aérosols
Le professeur O'Neill ne cache pas son enthousiasme face au lancement
imminent par la NASA et le CNES du satellite CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar
and Infrared Pathfinder Satellite Observation), qui sera équipé d'un lidar.
L'appareil recueillera des données sur le profil vertical des aérosols mais
avec vue d'en haut. CALIPSO fait partie de la constellation de capteurs
atmosphériques A-train, tous situés dans la même orbite et séparés en temps
de quelques minutes. Ce recueil synchronisé de données sur les aérosols, les
nuages et la composition chimique de l'atmosphère représente une approche
révolutionnaire dans le monde de la télédétection. «De plus, cette
constellation de capteurs va passer toujours très près de notre observatoire
d'Eureka, indique le chercheur. Nous allons donc pouvoir comparer nos
mesures atmosphériques prises au sol avec les mesures atmosphériques prises
par l'A-train. Cela constitue une première. Nous aurons pour une même région
arctique des données complémentaires que nous pourrons comparer avec les
prévisions des modèles dynamiques de comportement des aérosols dans
l'atmosphère arctique.»
Le professeur Norman O'Neill assure que toutes ces recherches
se poursuivront au-delà de l'Année polaire internationale.
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