Tout ça sur la même planète
En décembre dernier, Sébastien Labbé terminait son
baccalauréat en mathématiques. Il vient d'effectuer un voyage qui l'a
d'abord conduit au Mali dans le cadre d'un stage d'initiation à la
coopération internationale avec le Carrefour de solidarité internationale
(CSI) de Sherbrooke. À la suite de ce stage, Sébastien a visité le Kenya où
il a vécu des moments inoubliables en fréquentant autant les lieux
touristiques que les bidonvilles.
SÉBASTIEN LABBÉ
Déjà, mon séjour au Kenya se termine. Ici, j'ai séjourné chez
des Québécois dans le nord de Nairobi. Je n'ai appris que quelques mots de
la langue swahili, mais ça ne m'a pas empêché de faire plein d'activités
captivantes et diversifiées et de rencontrer des Kényans par-ci par-là...
Eh oui, j'ai fait un safari dans le parc Amboseli juste au nord
du mont Kilimandjaro. C'était nuageux, alors je n'ai vu le sommet enneigé de
la grosse montagne que sur les cartes postales. La faune est
exceptionnelle : c'est drôle d'écouter des hippopotames brouter. Quand ça
pique, un éléphant se trouve un ami éléphant et ils se frottent l'un sur
l'autre. J'ai vu des Alakazou courir. J'ai vu des lions avachis dans la
savane à ne rien faire. Des gazelles. Des gnous. Des buffles. Des girafes
(mais pas de girafe albinos…). C'est drôle à dire, mais en regardant tous
ces animaux de mes propres yeux, je réalise que ce que je voyais a la télé,
ça ne provenait pas d'une autre planète. La même planète. Une seule planète.
La Terre.
J'ai fait un tour dans la Cliff Valley. Celle où l'être humain
aurait été inventé. Dans cette vallée, j'ai grimpé deux cratères de volcans.
Un petit avec un lac au centre, un gros avec une forêt au centre, 2700 m
d'altitude au sommet. Une très belle vue du haut. Il parait même que les
girafes sont capables d'y grimper.
La deuxième semaine, j'ai fait un court séjour a Malindi, sur
la côte est africaine. Là ou Vasco de Gama avait installé sa croix il y a
plus de 400 ans. C'était vraiment bon de marcher sur la plage de l'océan
Indien. J'avais l'impression d'avoir atteint l'autre bout du monde. Sur un
petit bateau de pêcheurs, je suis allé au large. Avec masque et tuba, j'ai
nagé au-dessus des récifs de coraux et parmi les petits poissons de toutes
les couleurs. Encore mieux qu'à la télé, car tu es plongé dedans!
À Malindi, il y avait 300 boutiques d'artisans, 300 vendeurs –
ou plutôt vendeuses – pour un seul acheteur! La saison touristique venait de
terminer. J'ai jasé avec plusieurs. L'une d'entre elles connaissait le
Québec où elle a séjourné. Elle a un diplôme en finance, mais elle ne peut
trouver d'emploi dans ce domaine, alors elle est devenue vendeuse. Je lui ai
demandé pourquoi. Elle m'a expliqué que ceux qui dénichent un poste sont
ceux qui ont un contact (souvent familial) au gouvernement sans
nécessairement avoir les connaissances requises. Au Mali, on me racontait la
même histoire. «Le contact compte plus que le diplôme.»
Puis, j'ai visité Kibera. Je savais que j'allais le regretter
si je quittais Nairobi sans y aller. Kibera, c'est le deuxième plus gros
bidonville de l'Afrique. On évalue le nombre d'habitants à un million... sur
deux kilomètres carrés. Ici, on s'arrange comme on peut. On n'est pas
propriétaire de son terrain alors les autorités peuvent détruire notre
maison n'importe quand. Mais on les laisse tranquille. Mon guide me
racontait que la solidarité est très forte entre les gens. On ne volera pas
son voisin. Et malgré toute la misère, jamais on entend parler de quelqu'un
qui se suicide. On lutte pour la survie. Alors, on ne peut pas abandonner.
J'ai marché sur la voie ferrée que l'on voit dans le film La
constance du jardinier. À Bamako, c'était pauvre, mais pauvre égal. Pas
de gratte-ciel. Des maisons plutôt semblables partout. Ici, c'est fou comme
les inégalités sont frappantes. Au centre-ville de Nairobi, il y a des
gratte-ciel. À 10 minutes, on trouve Kibera. Et à côté même de Kibera, on
trouve une clôture derrière laquelle la pelouse chimique verte pousse
allégrement.
Au bas mot, 50 % des habitants de Kibera ont le VIH/sida. Ça,
c'est un vrai problème. J'y ai rencontré une travailleuse sociale. Elle m'a
dit qu'elle s'occupe de 200 sidéens. Elle travaille dans le «domaine» depuis
20 ans... donc depuis les débuts du SIDA. Selon elle, la principale cause,
c'est la pauvreté. Par exemple, sans la pauvreté, l'adolescente
n'accepterait peut-être pas les 300 shillings pour la soirée...
Et quand les signes apparaissent, les médicaments sont bien sûr
hors de prix. Quand ça s'aggrave, les chaises roulantes sont inutiles avec
l'état des chemins. Alors, on reste à la maison... J'aurais aimé jaser avec
un sidéen, mais le temps manquait.
Avec cette visite et aussi avec le livre Un dimanche à la
piscine à Kigali de Gil Courtemanche que je viens de lire, autrement
dit, au cours de ce séjour en Afrique que je termine aujourd'hui, je me suis
vraiment sensibilisé à cette maladie. C'est un peu comme les lions. Tout ça
se passe sur la même planète.
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