Liaison, 4 mai 2006
Quand les mathématiques
combattent la pollution
PIERRE MASSE
Problème : Sachant que je possède un porc de 20 kg et qu'en trois mois,
il grossit de 90 kg. Qu'est-ce que je dois lui faire manger pour minimiser
ses rejets dans l'environnement, et ce, sans me ruiner? Voilà un énoncé qui
a de quoi nous rappeler les problèmes écrits de nos cours de mathématiques
du primaire. Même si l'on a surtout affaire ici à un problème
environnemental, c'est vers le mathématicien François Dubeau, de la Faculté
des sciences, que les chercheurs du Centre canadien de recherche et de
développement sur le bovin laitier et le porc à Lennoxville se sont tournés
pour trouver la solution.
Résultat : 30 % de réduction en azote
En utilisant ses modèles mathématiques, le professeur François Dubeau
formule une diète optimisée en tenant compte d'un nouveau critère : l'impact
environnemental. «Nos résultats indiquent qu'on peut réduire les rejets
d'azote de 30 % en augmentant les coûts de seulement 1 à 2 %», ajoute-t-il.
Pour y parvenir, le mathématicien reprend les modèles de digestion du porc
utilisés en zootechnie. Mais contrairement à l'approche classique basée sur
l'établissement d'une diète à moindre coût, il ajoute d'autres paramètres
pour chercher la diète la moins polluante à coût fixe. L'histoire de cette
application étonnante des mathématiques a débuté en 1997 lorsque Candido
Pomar, chercheur à la ferme expérimentale de Lennoxville, a contacté le
mathématicien. «Il voulait savoir s'il y avait des méthodes mathématiques
pour améliorer les modèles habituellement utilisés», raconte François Dubeau.
Pour traiter le problème, le chercheur adapte des outils mathématiques
relativement simples et transforme le modèle linéaire à un seul critère en
un modèle tenant compte du coût de la diète ainsi que des rejets d'azote et
de phosphore.
De meilleures protéines et une enzyme à la rescousse
Le professeur Dubeau vise ces deux produits issus des fumiers
excédentaires, car ce sont les contaminants les plus importants du réseau
hydrographique. Pour réduire la teneur en azote, ses collègues de la ferme
expérimentale agissent sur les mécanismes responsables de ces rejets en
diminuant la quantité totale des protéines présentes dans l'alimentation
tout en maintenant le niveau de la partie assimilée des protéines. Cet
objectif est atteint en augmentant la qualité des protéines. Dans le cas du
phosphore présent dans l'alimentation, ils ont recours à une enzyme qui
favorise sa digestion. Dans les deux cas, la diète doit continuer à répondre
aux besoins nutritionnels et énergétiques du porc durant sa croissance.
Du modèle à la porcherie
D'après François Dubeau, le passage des valeurs optimales des équations
mathématiques à la réalité de la porcherie pourrait se réaliser en utilisant
deux silos de céréales de compositions différentes. En ajustant le volume de
nourriture en provenance de chaque silo, le producteur porcin pourrait alors
facilement suivre les modèles mathématiques et s'adapter à la phase de
croissance du porc. «C'est notre prochaine étape de développement et cette
fois-ci nous utiliserons des modèles encore plus près de la réalité»,
précise le professeur.
Développement durable et intégrales multiples
Même si le problème pose un beau défi de recherche dans la visualisation
des résultats, c'est surtout la possibilité de contribuer à la préservation
de l'environnement qui stimule le professeur François Dubeau : «Je viens
d'une terre près de Saint-Eustache où on avait des poules et des abeilles,
alors je suis resté sensible à l'environnement. Je trouve ça important que
même un mathématicien très conceptuel puisse y apporter sa contribution un
peu comme un artiste des maths, mais des maths appliquées!»
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