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Liaison, 4 mai 2006
L'apologie du rêve à bord du Médiatis
Étudiant à la maîtrise en génie mécanique et passionné de voile,
Mathieu Chagnon est stagiaire chez Océa, une entreprise française qui
dessine des voiliers de course en haute mer et axe ses recherches sur le
développement de matériaux et de technologies de pointe.
MATHIEU CHAGNON
J'ai troqué mes logiciels pour une combinaison de survie et un harnais.
Je suis à bord du Médiatis, l'incroyable catamaran de 18,3 m destiné
à briser le record de distance parcourue en mer sur 24 heures. La journée
est splendide, le voilier file «du feu de Dieu», j'ai les muscles tétanisés
par les efforts à mettre sur les colonnes et je reçois des paquets d'eau en
plein visage. À la barre, sur ma droite, Lalou Roucayrol, skipper du
Médiatis, parle manœuvre avec Romaric :
«Borde encore un peu.
– Risée!
– Oh là, on est bien calé…
– 23 nœuds!
– Risée là-devant!
– À 12 h, tu l'as vu?»
Un point apparaît sur la ligne d'horizon, c'est un bateau de pêche
commerciale. «Oui!» Trois minutes plus tard, le chalutier défile à toute
allure sur tribord. Lalou salue les pêcheurs qui nous renvoient aussitôt la
main.
«Sont sympas ces mecs.
– Ouais, y bossent dur!» répond Romaric.
Si je suis à bord aujourd'hui, c'est que je profite d'une permission
spéciale. D'ordinaire je travaille au bureau d'étude où je participe à la
conception d'un prochain bateau. C'est un travail plutôt intense parce qu'on
se déplace partout en France pour consulter toutes sortes d'experts et que
les journées commencent toujours à une heure fixe mais ne finissent pas
vraiment! Nous sommes une petite équipe de gens assez motivés sauf que le
manque d'équipement, de temps et d'argent nous complique la vie. Au bout du
compte, ce qu'il faut surtout dire, c'est que j'adore ce boulot d'ingénieur
et cette vie de marin. Je ne peux pas dire que ce soit le plus grand
confort, ni l'horaire le moins prenant, mais c'est l'aventure tous les
jours. C'est un projet, et comme dans tous les projets, il y a des hauts et
des bas, il y a plusieurs défis à relever et l'apprentissage est autant
technique qu'humain et même parfois physique – si vous parvenez à trouver le
sommeil!
J'aime bien les projets, j'en prendrais des comme celui-ci toute ma vie
durant… et de temps en temps je me pince : est-ce que tout ça est bien réel?
J'ai de la difficulté à le croire : je me demande souvent jusqu'où vont les
rêves, quand doit commencer la réalité. Certains disent qu'on choisit ce
qu'on fait dans la vie, d'autres disent qu'on ne décide pas de grand-chose
et qu'on subit plutôt ce qui nous arrive. Qui a raison? Sans doute un peu
les deux… Ma courte vie, mon expérience et celle des gens autour de moi me
porte à penser qu'on a toujours le choix d'y croire. Ça ne garantit pas que
ça va se réaliser en bout de ligne, mais ça permet de conditionner ses
actions au quotidien. En tout cas, le fait d'être ici et de côtoyer des gens
qui ont tout tenté me rend vraiment optimiste devant l'avenir. Le futur est
aujourd'hui, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de l'imaginer et qu'il
faut y travailler!
Quand je prends mes courriels de l'Université et que je lis toutes les
initiatives pour le Campus durable et toutes les initiatives des étudiants
et des professeurs pour aller au-devant des événements, je trouve ça
vraiment encourageant. Certaines valeurs se recoupent entre celles des
marins et celles des universitaires, ils aiment apprendre et voyager, ils
vivent pour la plupart avec des moyens modestes. Ils sont tous prêts à
fêter! Du rhum, des femmes et de la bière, nom de…? Hum, il me semble avoir
déjà entendu des chansons semblables au début de ma première année
d'université!
En tout cas, il y a plus de projets qu'on peut en prendre et ça me donne
le sourire. Pour ma part, j'en suis accro, il est trop tard pour espérer me
rendre normal à nouveau. J'espère qu'il y en aura beaucoup d'autres et
j'espère qu'on trouvera toujours à l'Université de Sherbrooke la plus grande
concentration d'aventuriers de la science, de professeurs visionnaires et
d'étudiants passionnés!
L'hydraplaneur se déplace à pleine
vitesse sur le golfe de Gascogne.
Les formes de l'hydraplaneur lui permettent de planer
sur l'eau comme un galet qui fait des rebonds.
L'hydraplaneur a été imaginé pour vaincre les records
de distance parcourue sur 24 h.
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Mon patron Yves Parlier et moi, au lever du jour devant la grande
voile du bateau. |