La réussite, un pas à la fois
ISABELLE HUARD
Avec l'intégration scolaire grandissante des élèves en difficulté
d'apprentissage et d'adaptation, le rôle des différents acteurs scolaires
gravitant autour de cette clientèle est appelé à se transformer. Bien que la
tâche des enseignants soit de plus en plus complexe, les tendances actuelles
en enseignement et en adaptation scolaire suggèrent une collaboration de
tous les instants pour aider les enseignants à intervenir adéquatement
auprès des élèves en difficulté et ainsi, prévenir l'échec scolaire.
L'organisation des services pour les élèves présentant des troubles
sévères de la communication a récemment été modifiée afin de répondre aux
besoins grandissants dans les écoles de la Commission scolaire de la
Région-de-Sherbrooke. Ainsi, l'école Sainte-Famille est devenue un lieu
favorable pour l'implantation d'un point de service afin de répondre à ce
modèle privilégié par le ministère de l'Éducation.
Un projet novateur
Financé par le ministère de l'Éducation et la Direction de l'adaptation
scolaire et sociale, le projet Pour une meilleure préparation à
l'intégration se veut novateur dans la mesure où la préparation à
l'intégration a été peu étudiée et que cette préoccupation est soulevée par
les enseignants en adaptation scolaire qui sont titulaires de classes
spéciales et qui doivent préparer l'intégration de leurs élèves. De plus,
l'intégration étant préparée, les chances qu'elle soit réussie augmentent.
C'est ainsi que dans un projet de collaboration, des élèves scolarisés en
classe spéciale ont, pendant la première année du projet, intégré la classe
ordinaire pour tous les apprentissages en mathématiques. Cette intégration
partielle, dans laquelle les élèves étaient accompagnés de leur titulaire de
la classe spéciale, a eu des retombées très positives.
Ce bel exemple de collaboration entre l'Université et le milieu scolaire
vise le renouvellement des pratiques éducatives quant à l'intégration
scolaire et au soutien à l'enseignement et suscite le développement de
nouvelles approches et interventions auprès d'élèves handicapés ou en
difficulté.
La professeure Myre-Bisaillon, responsable du projet, s'est entourée de
personnes fort dynamiques de façon à former une équipe multidisciplinaire en
adaptation scolaire et sociale. En plus de Claudine Mary et de Guadalupé
Puentes-Neuman, toutes deux professeures en adaptation scolaire et sociale,
elle s'est adjoint deux étudiantes à la maîtrise en adaptation scolaire et
sociale, soit Émilie Fontaine et Danielle Rod à titre d'assistantes de
recherche, chargées du suivi du projet dans le milieu scolaire, du soutien
aux enseignants et de l'analyse des données.
Le présent projet présente déjà des retombées positives, et ce, à
plusieurs niveaux. Pour l'école, une réelle collaboration s'est installée
entre les enseignants des classes d'adaptation scolaire et des classes
ordinaires, qui vivent l'intégration au quotidien. Pour les élèves
handicapés et en difficulté, toutes les conditions favorables pour une
intégration réussie ont été mises en place. Enfin, pour l'Université, la
formation des étudiantes et étudiants, en partenariat avec le milieu
scolaire, s'est avérée constructive au niveau de l'intégration scolaire
d'élèves présentant des troubles sévères de la communication et du soutien à
l'enseignement auprès de ces élèves.
Le cas d'Anthony
Anthony est un enfant très dynamique qui aime apprendre et qui a un bon
support de ses parents. Il sait qu'il présente un trouble du langage et il
en est conscient. L'an dernier, alors qu'il était scolarisé en classe
spéciale, les amis du programme régulier se sont moqués de lui. Cette
situation lui a fait de la peine, mais il a passé par-dessus et a recommencé
à lever la main en classe. Aujourd'hui, grâce à la collaboration de
différents acteurs (professeures et étudiantes à la maîtrise en adaptation
scolaire et sociale de l'UdeS, directeur d'école, spécialistes, enseignantes
des classes de communication et des classes d'intégration), de ses parents
et surtout grâce à sa force de caractère, Anthony a intégré la classe
régulière de 3e année à temps plein.
Une expérience d'intégration enrichissante
Pierrette Gendron, l'enseignante de la classe spéciale qui a vécu
l'intégration partielle avec Anthony, considère que cette expérience a été
extrêmement positive : «Le premier impact sur ma pratique enseignante a été
de voir évoluer un groupe du régulier et la façon dont les élèves cheminent
dans ce programme. J'ai apprécié de voir que les parents étaient «partie
prenante» de la décision, en sachant qu'ils allaient avoir à mettre beaucoup
d'efforts pour soutenir et encadrer Anthony.»
Elle poursuit : «Ce n'est pas le fait de s'intégrer socialement qui aide
l'élève, c'est vraiment le fait de faire partie d'une unité. Quand il s'agit
de s'intégrer socialement, les enfants ont le réflexe de se regrouper avec
ceux qu'ils connaissent le plus. Selon mon expérience, il faut vraiment
vivre des choses dans la même classe pour fraterniser. Le fait que le
titulaire suive l'élève dans la classe d'intégration a grandement favorisé
l'intégration d'Anthony, mais cela aurait également pu être une éducatrice
ou un autre membre du personnel qui le connaît bien.»
Selon Pierrette Gendron, comprendre les principes favorables pour
l'intégration d'un enfant comme Anthony est primordial. Faire preuve
d'ouverture, avoir une attitude d'accueil et créer un environnement
sécurisant pour l'enfant sont autant d'éléments favorisant son intégration.
Nathalie Fortier, enseignante de la classe ordinaire dans laquelle
Anthony est maintenant intégré, est également très fière des résultats
obtenus : «Anthony a pris la routine comme tous les autres élèves. Le
travail à la maison est bien encadré par les parents et il n'a donc pas eu
besoin de mesures spécifiques depuis son intégration dans ma classe. Cette
année, il a été nominé au gala des Bravos, je l'ai beaucoup valorisé et nous
l'avons applaudi dans la classe. Il était très fier et les élèves le
trouvaient chanceux de vivre cette expérience. Le reste de la classe lui a
donc vraiment accordé son crédit. Je n'ai jamais eu conscience de
discrimination par rapport à l'intégration d'un élève. Le milieu de l'école
contribue beaucoup à cette situation, il y a des Afghans dans la classe et
des élèves en difficulté d'apprentissage.»
Elle poursuit : «Anthony est l'un des élèves les plus forts en
mathématiques, et cette force permet de balancer les faiblesses qu'il peut
avoir dans d'autres matières. Également, il a une excellente mémoire, ce qui
lui permet de se rappeler tout ce qui se dit en géographie et en histoire.
Je ne m'inquiète aucunement pour lui.»
Anthony est lui aussi très content d'avoir intégré sa classe régulière :
«J'aime ça travailler avec mes amis et avec Nathalie parce qu'elle est
gentille. Je trouve difficile la géographie, l'histoire, l'anglais, le
français, mais pas les mathématiques! Dans la classe de Nathalie, c'est
vraiment les mathématiques que j'aime le plus parce que je suis bon. Je sais
toutes les réponses tout de suite, des fois il y a juste deux ou trois
élèves qui peuvent dire la réponse avant moi. Je ne fais pas beaucoup
d'erreurs, j'ai même des A dans mon bulletin. J'aime aussi quand
l'école se termine parce que je peux jouer avec mes chats.»
Parce qu'après tout, il n'y a pas que l'école dans la vie, n'est-ce pas
Anthony?
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