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Liaison, 13 avril 2006
Quand le génie soigne l'ostéoporose!
KARINE VACHON
Le professeur Gamal Baroud est titulaire de la Chaire de recherche du
Canada en reconstruction du squelette. En collaboration avec de multiples
chercheurs détenant des expertises en sciences, en ingénierie et en
médecine, il travaille sur un projet de recherche visant à faire progresser
un nouveau traitement pour les vertèbres et les autres parties du squelette
affaiblies par l'ostéoporose.
Des ciments spécifiques pour renforcer les os faibles
D'origine palestinienne, Gamal Baroud a suivi ses études universitaires
en Allemagne. Il a d'abord complété un baccalauréat en génie biomédical,
puis une maîtrise et un doctorat en génie mécanique. Arrivé au Québec
en 2000 comme professeur à l'Université McGill, il commence alors à
s'intéresser à l'ostéoporose. À Sherbrooke depuis septembre 2003, le
professeur Baroud concentre ses recherches sur la vertébroplastie, une
nouvelle procédure de traitement qui consiste à injecter du ciment médical
dans les vertèbres et les os pour les renforcer.
Dans le domaine médical, l'ostéoporose présente actuellement de nombreux
défis. Il s'agit d'une maladie douloureuse qui touche un nombre important de
personnes : dans le monde occidental, on estime qu'une personne sur quatre
de plus de 60 ans pourrait en être affectée. Or, il n'existe aucun
traitement efficace aux problèmes qu'elle cause. La maladie rend les os
poreux, ce qui occasionne souvent des fractures. Près de la moitié des
fractures surviennent dans les vertèbres. Avec le vieillissement de la
population, l'ostéoporose est appelée à se répandre, ce qui risque d'avoir
des impacts importants sur les coûts du régime de santé publique.
Canule et ciment
Comme les patients atteints d'ostéoporose ont besoin de beaucoup de soins
pour voir leur qualité de vie améliorée, les coûts inhérents sont
considérables pour le gouvernement. Gamal Baroud souhaite que la
vertébroplastie, une méthode peu coûteuse qui a fait ses preuves en Europe,
devienne une pratique courante dans les hôpitaux. La chirurgie ne nécessite
qu'une petite incision et une anesthésie locale, afin qu'une canule, un
petit tuyau, pénètre jusqu'à l'os. Le ciment injecté vient alors combler les
cavités osseuses ou même réparer les fractures. Liquide à l'application, il
se solidifie une fois dans l'os.
Si la méthode est très simple, elle présente encore des limites : il peut
y avoir des fuites. Il est possible que le ciment se répande dans les tissus
adjacents, ce qui peut causer de sérieuses complications telles que des
embolies pulmonaires. En raison de ces risques, ce type de traitement n'est
pas une intervention de routine et doit donc être effectué par des experts.
Les travaux de Gamal Baroud visent à rendre la procédure sécuritaire afin
que son usage puisse un jour servir un plus large bassin de patients. Ses
recherches s'effectuent en collaboration avec des spécialistes des génies
mécanique et chimique ainsi que de la chirurgie orthopédique. «À l'aide de
modèles mathématiques, de simulations informatiques et de tests de
laboratoire, nous tentons de mieux comprendre d'une part les propriétés
rhéologiques de nos ciments, et d'autre part les éléments morphologiques de
l'os atteint d'ostéoporose, le tout, en lien avec les traitements», explique
le professeur.
Une question de collaboration
Face à la difficulté d'injecter le ciment dans la vertèbre, le professeur
Baroud a découvert, en collaboration avec François Cabana, du Service
d'orthopédie du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), que
la résistance à absorber le ciment venait principalement de la canule et non
pas de l'os comme ils le croyaient. Ils ont donc redessiné l'outil en deux
sections : le tuyau allant jusqu'à la vertèbre présente un diamètre plus
petit que celui qui traverse les tissus mous. «La solution est très simple,
mais permet d'exercer la pression recherchée», affirme Gamal Baroud. En ce
qui concerne le ciment, le professeur collabore avec des chercheurs du CHUS,
Artur J. De Brum-Fernandes et le professeur François Gitzhofer, pour
développer et tester un ciment très pur. Ils travaillent avec les cellules
de l'os pour qu'un jour le polymère permette la régénération de l'os plutôt
que de n'être qu'un matériau inerte.
Le professeur Gamal Baroud utilise également l'expertise du professeur
Martin Lepage, du Département de médecine nucléaire et radiobiologie. Au
CHUS, ce dernier développe des méthodes nouvelles pour l'imagerie médicale.
Il tente d'obtenir un détail imagé de l'os pour comprendre davantage
l'ostéoporose. Les techniques permettront en plus de mieux saisir
l'interaction entre le ciment et les cavités osseuses de la vertèbre.
Le professeur Baroud essaie de rassembler plusieurs spécialistes autour
de son projet de recherche afin de venir en aide à la communauté et de faire
avancer le savoir scientifique : «Nous avons le savoir, les gens éduqués,
l'instrumentation. C'est comme ça que nous pouvons bâtir une industrie et
faire rouler l'économie du pays.» Et le chercheur est l'un des premiers au
Canada à travailler sur ce projet d'envergure. Il mène ses travaux grâce à
des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, des Fonds québécois
de recherche sur la nature et les technologies, de la Fondation
internationale Robert Matisse, des Chaires de recherche du Canada et du CHUS.
Mille raisons d'être à Sherbrooke
Outre la recherche, l'enseignement à l'Université de Sherbrooke est un
défi pour le professeur Baroud : «Le français est ma quatrième langue après
l'arabe, l'allemand et l'anglais.» Ainsi, il se fait fréquemment demander
pour quelles raisons il a choisi de venir à Sherbrooke.
«Professionnellement, le Département m'a offert une chaire de recherche du
Canada, répond-il. Cela vient avec des subventions et une réduction des
tâches d'enseignement. Moins d'enseignement représente donc plus de temps à
consacrer à la recherche.» Il sentait également que son expertise serait
appréciée : on lui a offert un espace de laboratoire, on lui a donné accès à
différentes ressources dont l'Institut des matériaux et des systèmes
intelligents et, suivant le plan stratégique de l'Université, l'ingénierie
biomédicale est un créneau en développement. Les étudiantes et étudiants
semblaient aussi très enthousiastes aux yeux du professeur : «Une des forces
de l'éducation ici est que la Faculté de génie axe beaucoup sur
l'application pratique, sur les compétences des étudiants, et c'est
certainement une bonne façon de les former.» Enfin, mille bonnes raisons ont
poussé Gamal Baroud à venir s'établir à Sherbrooke. Mais la principale :
jouir d'excellentes conditions pour poursuivre son projet de recherche et
pouvoir un jour réduire les coûts relatifs à l'ostéoporose.
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Le professeur Baroud concentre ses recherches sur la vertébroplastie,
un nouveau procédé de traitement qui consiste à injecter du ciment
médical dans les vertèbres et les os pour les renforcer.
Photo: Jacques Beauchesne |