La gouverneure générale inaugure le site Internet
La torture et la vérité : Angélique et
l'incendie de Montréal
Caroline Dubois
La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, a inauguré le 7 avril
le nouveau site Internet Les Grands Mystères de l'histoire canadienne
qui présente le récit véridique de Marie-Josèphe-Angélique, une esclave
noire accusée par la rumeur publique d'avoir causé l'incendie de Montréal
en 1734. Lancé au Centre d'histoire de Montréal en présence du maire de
Montréal, Gérald Tremblay, dans le cadre d'un hommage à Angélique, ce site
bilingue a été réalisé grâce à la participation de l'Université de
Sherbrooke et du ministère du Patrimoine canadien.
Visant à susciter l'intérêt des élèves ainsi que du grand public pour
l'histoire canadienne, le site pédagogique La torture et la vérité :
Angélique et l'incendie de Montréal examine les circonstances entourant
la condamnation à mort de Marie-Josèphe-Angélique. Les visiteurs sont
invités à jouer le rôle d'historiens-détectives en menant leur propre
enquête et en dégageant leur interprétation des faits, approfondissant aussi
leurs connaissances sur la vie quotidienne des Canadiennes et Canadiens en
Nouvelle-France.
Offert dans les deux langues officielles, le dernier-né de la série
Les Grands Mystères de l'histoire canadienne a été conçu par
l'historienne Denyse Beaugrand-Champagne, auteure du livre Le procès
de Marie-Josèphe-Angélique publié en 2004, et par le professeur Léon
Robichaud, historien à l'Université de Sherbrooke et spécialiste du
multimédia et de l'histoire de la Nouvelle-France.
Une histoire méconnue et fascinante
Basé sur les manuscrits d'époque, le site d'Angélique nous fait découvrir
les pratiques judiciaires françaises, l'interrogation sous la torture,
l'esclavage, les relations interraciales, la vie quotidienne et les tensions
entre voisins au temps de la Nouvelle-France. «Une histoire très puissante,
affirme le professeur Léon Robichaud, car elle nous plonge au cœur de la
société coloniale de l'époque.»
Le 10 avril 1734, un incendie se déclare dans une maison située dans ce
qui est aujourd'hui le Vieux-Montréal. En quelques heures, 46 maisons et
l'hôpital sont détruits par les flammes. On pointe du doigt une esclave
noire, Marie-Josèphe-Angélique. «Deux mois avant l'incendie, elle avait
tenté de s'enfuir vers les colonies anglaises avec son amant, explique
l'historienne Denyse Beaugrand-Champagne. On a donc rapidement conclu
qu'elle avait mis le feu à la maison de sa maîtresse pour couvrir une
nouvelle fuite en compagnie de son amant, libéré de prison deux jours plus
tôt.»
À une époque où la justice se veut expéditive et spectaculaire, le procès
s'enlise pendant deux mois. Aucune preuve ne vient appuyer la rumeur. «Le
4 juin, ajoute Denyse Beaugrand-Champagne, sur la seule déclaration tardive
et mystérieuse d'une fillette de cinq ans, Angélique est condamnée à mort
alors qu'elle a toujours clamé haut et fort son innocence. Ce n'est que sous
la torture qu'elle admettra sa culpabilité.» Angélique est pendue
publiquement, et sa dépouille brûlée. Les autorités ferment le dossier.
Mis en ligne le 1er avril, le site permettra aux visiteurs de
tirer leurs propres conclusions. «Ils pourront consulter eux-mêmes les
témoignages et les interrogatoires, continue le professeur Léon Robichaud.
Les visiteurs découvriront aussi les particularités de la justice française
de l'époque et exploreront différents aspects de la société montréalaise
sous le régime français. Chacun tentera de déterminer si la torture a fait
ressortir la vérité. En somme, Angélique aura-t-elle été rebelle, victime ou
bouc émissaire?»
Un projet pédagogique
Au cours de la cérémonie, la gouverneure générale a exprimé son grand
intérêt à honorer la mémoire d'Angélique en lançant ce nouvel outil
pédagogique qui cherche à stimuler l'imagination des élèves, des enseignants
et de tous les Canadiens et Canadiennes. À travers le destin de
Marie-Josèphe-Angélique, ce projet national et bilingue dévoile une page
mystérieuse de notre histoire tout en enseignant la diversité canadienne
selon les époques.
La série Les Grands Mystères de l'histoire canadienne fait revivre
des événements de l'histoire du Canada dont la cause ou le dénouement sont
équivoques. Ce projet est le fruit d'un partenariat entre une trentaine de
professeurs et d'étudiants provenant des universités de Sherbrooke, de
Victoria et de Toronto. En 2005-2006, ces trois universités ont reçu une
subvention de 457 023 $ du ministère du Patrimoine canadien par l'entremise
du Fonds des partenariats de Culture canadienne en ligne pour concevoir
trois nouveaux mystères multiculturels, dont celui d'Angélique. Les
Grands Mystères sont codirigés par le professeur John Lutz, de
l'Université de Victoria, la professeure Ruth Sandwell, de l'Université de
Toronto, et par le professeur Peter Gossage, du Département d'histoire et de
sciences politiques de l'Université de Sherbrooke, auteur d'un mystère
consacré à Aurore l'enfant martyre.
Bien que ludiques, les sites consacrés aux mystères de l'histoire
canadienne se veulent d'abord et avant tout éducatifs. Ils offrent un outil
pédagogique structuré et convivial aux enseignants des niveaux secondaire et
collégial de partout à travers le Canada. Les mystères sont accompagnés d'un
Guide pédagogique qui aide à bien structurer leur approche de
l'histoire à travers les thématiques abordées. Les élèves développent ainsi
des compétences critiques pour évaluer les preuves et les documents, pour
bâtir des stratégies de recherche et pour développer une pensée historique.
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