Liaison, 23 mars 2006
Table ronde sur la qualité de la langue française
dans les médias
Le français dans les médias : malmené ou pas?
Marie Claude Dussault
Les médias tirent-ils la langue au français? C'est la question sur
laquelle se sont penchés sept spécialistes des médias provenant de
différents horizons (journalisme radio et écrit, publicité, enseignement,
recherche), le 7 mars au Carrefour de l'information. Cette table ronde,
animée par la journaliste Françoise Guénette, se tenait dans le cadre des
activités de la 10e Francofête.
Les panélistes ont partagé leurs réflexions sur la responsabilité
qu'ont les médias à l'égard du français, sur les outils langagiers dont
les journalistes disposent ainsi que sur la qualité de la formation en
langue française à l'université. De façon globale, il s'est dégagé un
constat positif de la table ronde.
Responsabilité des médias
La discussion a débuté par la présentation de l'extrait d'un reportage
sur la qualité du français dans les médias, diffusé à l'émission Zone
libre en octobre 2004. Dans ce reportage, des animateurs de radio
expliquent pourquoi ils considèrent qu'ils n'ont pas à bien parler en
ondes, l'important étant avant tout de se faire comprendre. Cet extrait a
suscité de vives réactions chez les conférenciers. Ceux-ci étaient
globalement en désaccord avec les propos du reportage. Comme l'a affirmé
Pierre Tousignant, journaliste à la radio de Radio-Canada en Estrie : «Il
n'est pas nécessaire de mal parler pour se faire comprendre.» Pour Armande
Saint-Jean, directrice du Département des lettres et communications (DLC),
l'extrait présenté reflète une partie de la réalité – certains artisans
des médias se soucient peu de leur langue – mais ne fait pas état de
l'amélioration globale du français dans les médias remarquée depuis
quelques années au Québec. Les panélistes considèrent que les médias et la
publicité ont une responsabilité face à la langue au Québec, notamment
parce qu'ils servent de modèles à plusieurs gens. Jacques Dufresne,
philosophe et observateur des médias, a même avancé que les médias
auraient contribué à améliorer la qualité de la langue parlée au Québec.
Les journalistes sont-ils outillés?
Les panélistes se sont ensuite penchés sur les outils mis à la
disposition des journalistes. Hélène Cajolet-Laganière, linguiste,
professeure et chercheuse au DLC, a présenté la démarche du livre La
qualité de la langue au Québec, qui découle du désir d'analyser le
français dans les médias de façon objective en recensant les erreurs de
langue dans un échantillon déterminé. Les auteurs ont ensuite pu
développer un didacticiel destiné aux journalistes en se concentrant sur
des problèmes réels.
Pierre Tousignant a expliqué des méthodes mises en œuvre depuis peu à
Radio-Canada pour aider les journalistes à améliorer leur langue : guide
de difficultés sur le réseau interne, courriels quotidiens relevant les
erreurs entendues sur les ondes… La qualité du français fait partie de la
mission de la chaîne publique.
Steve Bergeron, journaliste à La Tribune, a quant à lui fait
part d'une autre réalité : le manque d'initiative prise par son employeur
pour assurer un français de qualité. Il a toutefois souligné un récent
projet de l'Office québécois de la langue française et de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, lequel jumelle un journaliste
à un linguiste, qui envoie des courriels hebdomadaires au journaliste en
commentant la qualité de son français.
Le baccalauréat prépare-t-il bien les étudiants?
Amenés à se prononcer sur l'enseignement du français à l'Université de
Sherbrooke, les panélistes étaient unanimes : la réputation du programme
de communication, rédaction et multimédia, qu'on dit à cheval sur le
français, est justifiée. Ce programme outille les futurs professionnels de
la communication à plusieurs égards : d'abord la langue, mais aussi la
pensée et la rigueur.
Selon Hélène Cajolet-Laganière, les étudiantes et étudiants sont
craintifs face aux nombreux cours de grammaire et de rédaction qui font
partie du programme. «C'est un défi de leur donner le goût de la langue»,
s'est-elle exclamée. Dans de nombreux cas, ce défi est relevé : les
étudiantes et étudiants sortent de l'Université passionnés de leur langue.
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