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Héloïse et Abélard : une histoire
d'amour singulière au Moyen-Âge
ROBIN RENAUD
«À son étoile la plus claire dont les rayons m'ont charmé naguère :
qu'elle brille d'un éclat perpétuel tel qu'aucun nuage ne puisse
l'assombrir. Puisque c'est toi, ma très douce dame, qui me l'a enseigné ou,
pour mieux dire, puisque la flamme très brûlante de l'amour m'y oblige, ton
bien-aimé n'a pu s'empêcher, à défaut de sa présence, de te saluer comme il
peut, par le truchement d'une lettre.» Ainsi s'exprime au XIIe siècle
le grand rhéteur Pierre Abélard (1079-1142), lorsqu'il s'éprend de sa plus
brillante élève : Héloïse (1101-1164). D'amour charnel au départ, leur
relation se tissera finement et se transformera pour adopter une dimension
spirituelle. Le professeur Patrick Snyder ainsi que Martine Pelletier, qui
enseignent tous deux à la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie
(FATEP), préparent une soirée qui sera consacrée à présenter ce que
plusieurs considèrent comme le plus grand amour spirituel de l'histoire de
l'Occident.
S'appuyant sur une correspondance riche et éclairante qui permet de bien
saisir la relation singulière entre les deux amoureux, quelques membres de
la communauté universitaire seront appelés à faire lecture des lettres du
célèbre couple, le 21 mars, dans les murs de la Belle Chapelle de
Sherbrooke, située au 500 rue Murray.
Une passion charnelle et spirituelle
«Abélard et Héloïse, c'est une histoire d'amour intime devenue publique
avec la parution de certaines de leurs lettres, indique Patrick Snyder. Ce
qui est nouveau, c'est que l'an dernier, certaines lettres dont l'origine
était contestée ont été attribuées au couple, un homme et une femme qui se
sont aimés et qui se sont engagés dans la vie spirituelle et religieuse en
fin de parcours. D'une certaine manière, ils ont sublimé l'amour physique
dans l'amour spirituel. Abélard se destinait à la vie religieuse et trônait
à son époque au sommet de l'intelligentsia parisienne. Héloïse, jeune
étudiante, possédait une grande culture et une intelligence hors du commun,
qui sera reconnue par le milieu intellectuel de l'époque, surtout composé
d'hommes», poursuit-il.
Abélard a 39 ans lorsqu'il rencontre Héloïse, alors âgée de 16 ans. Il
est embauché par l'oncle de cette dernière, Fulbert, pour parfaire son
éducation. Voulant s'assurer d'être en contact intime avec la jeune fille,
Abélard prétexte un emploi du temps très chargé, et obtient de s'installer
dans la maison familiale, Fulbert laissant au professeur toute autorité sur
sa nièce.
«On assiste au départ à un subterfuge d'Abélard qui souhaite vivre un
amour physique avec son élève, ajoute Martine Pelletier. Il l'avoue même à
un ami dans une lettre. Au début, Héloïse reproche à son maître d'être trop
porté sur la chose, de ne pas l'aimer comme elle le souhaite. Elle désire
échanger davantage sur des réflexions philosophiques et spirituelles.
Pourtant les circonstances de la vie vont faire en sorte qu'Abélard devienne
amoureux fou d'Héloïse, séduit par sa vivacité intellectuelle.»
Un clin d'œil aux Correspondances d'Eastman
La soirée du 21 mars est une activité-bénéfice qui vise à supporter
l'organisation des Correspondances d'Eastman. Quatre couples de lecteurs
vont se succéder en présentant des échanges tirés de lettres choisies. Les
Abélard seront interprétés par le professeur Louis Vaillancourt, de la FATEP,
Claude Boucher, professeur retraité, Jean-Marc Chaput, du Bureau de la
registraire, et André Poulin, des Correspondances, tandis que les Héloïse
seront campées par Isabelle Provencher, la professeure Nathalie Watteyne, du
Département des lettres et communications, Marie Gratton, professeure
retraitée, ainsi que Nicole Fontaine, de la Société des nuits d'Eastman.
Pour leur part, Martine Pelletier et Patrick Snyder agiront comme guides
historiques en illustrant le contexte des passages lus. «Nous avons eu
l'idée de proposer cette activité à la communauté universitaire car nous y
voyons un événement positif qui parle d'amour et qui rejoint nos thèmes de
recherche», signale le professeur Snyder. «Le concept de l'amour auquel
Abélard et Héloïse ont réfléchi ensemble correspond bien à la quête d'absolu
qui marque le XIIe siècle. La réflexion qu'ils ont initiée exerce
une influence encore aujourd'hui. On y parle d'estime entre des êtres
humains égaux, de respect, de réciprocité et de dialogue. Abélard a trouvé
dans le regard d'Héloïse quelqu'un qui l'encourage à aspirer à plus que ce
qu'il est lui-même. Il s'agit d'une idée qui aujourd'hui nous paraît très
contemporaine, mais qui est tout à fait nouvelle au Moyen-Âge», conclut
Martine Pelletier. Cette activité-bénéfice est parrainée par Jean Desclos,
vice-recteur à la communauté universitaire.
Les idéateurs de la soirée espèrent créer une ambiance agréable et
propice à la réflexion, à l'occasion de l'arrivée du printemps. Les billets
au coût de 1 $ peuvent être réservés en composant le 450 297-2265.
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