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Liaison, 23 février 2006
Encenser le sens
Psychologue invité : GRÉGOIRE LEBEL
Ce matin, ma voiture émet un son étrange. Mauvais signe. Mauvaise
humeur. Moi qui pensais passer une petite journée tranquille et souriante,
voilà que les ennuis commencent. Je me rends au garage, bougon. Pas la
destination détente que j'entrevoyais en ce jour de congé. Je tente sans
entrain de reproduire le son que génère ma voiture au garagiste qui me
regarde en souriant. Il peut bien rire : je suis nul en interprétation de
sons de voitures, et c'est lui qui va profiter de mon malheur pour se
remplir les poches. Je sais, je suis de mauvaise foi. Ça m'arrive. Mais
lui ne se démonte pas pour autant. Sourire complice en coin et sourcils
froncés en signe de réflexion, il semble m'écouter avec une réelle
attention. Il m'envoie une petite tape sur l'épaule et me propose
d'introduire mon bolide dans le garage par la porte numéro trois. Je
m'exécute, grognon. Il se met alors à inspecter mon véhicule sous tous ses
angles, m'expliquant ce qu'il fait et dans quelle intention. Troublé, je
regarde cet homme énergique qui danse autour de mon carrosse, stimulé par
je ne sais trop quelle motivation cachée. En fait, sa recherche semble si
passionnante que je me surprends à m'approcher et à tenter moi-même de
mettre la main à la pâte. Je scrute, j'observe, j'émets des hypothèses, mû
par l'énergie de cet homme qui paraît sincèrement prendre plaisir à
chercher le bobo. Depuis quand suis-je intéressé par la mécanique? Euh…
Depuis six minutes environ!
Énergie contagieuse?
En fait, ce n'est pas nécessairement la mécanique qui m'intéresse, mais
surtout l'élan de cette personne qui me donne accès à ce qui la fait
vibrer. On a tous rencontré un jour ou l'autre un professeur d'histoire
qui nous a fait vivre des épopées mémorables, des batailles décisives, des
moments grandioses, ou un artiste qui nous a transporté sans résistance
dans son univers imaginaire et tordu. Mais d'où vient cette énergie
contagieuse qui nous transporte lors de situations à prime abord banales?
Une première partie de réponse nous mène du côté du sens. Le sens à
titre de source de motivation, d'assise sur laquelle s'échafaude une
action. Je sais pourquoi j'agis, mon action a un sens pour moi. Pas de
sens, pas de motivation. Bon, nous avons un point de départ. Maintenant,
si nous reprenons l'exemple de notre garagiste, quel sens peut-il bien
donner à son action pour être aussi motivé? Peut-être travaille-t-il pour
l'argent? pour se sentir valorisé? pour passer le temps? Je me risque à
lui poser la question. «En fait, me répond-il, j'aime ce que je fais, je
suis fier de le faire et surtout, j'ai le sentiment de mettre à profit mon
potentiel et mes compétences pour aider les autres. C'est très agréable!»
Visiblement!
Ce qui est si attirant chez une personne qui prend plaisir à se mettre
en action, c'est justement le plaisir et la satisfaction qu'elle semble en
retirer. Dans notre définition populaire du bonheur, le plaisir et la
satisfaction sont deux ingrédients importants et donc leur recherche nous
semble tout à fait indiquée. Malheureusement, nous ne pouvons calquer
l'activité qui provoque un élan chez l'autre car elle n'aura
vraisemblablement pas le même effet chez nous. En effet, si je me mets à
la mécanique, faibles sont les chances que je m'y trouve aussi épanoui que
cet homme. Mais alors, comment trouver mon élan? J'y ai droit moi aussi,
au bien-être!
Ressentir le sens
La deuxième partie de la réponse passe par la connaissance de soi. Pour
trouver notre sens, il faut chercher au bon endroit. Souvent, nous
confondons être bien et avoir tout ce qu'il faut pour
dire qu'on est bien. Des éléments extrinsèques tels un emploi prestigieux
ou un salaire intéressant constituent des aboutissements qui nous semblent
gagnants. Mais est-ce vraiment cela qui nous fait vibrer, qui nous
énergise, qui donne du sens à notre action? Socialement, peut-être.
Néanmoins, dans le vécu quotidien, dans l'ici et maintenant, ces
conceptions externes et artificielles ne sont pas très nourrissantes. Il
s'agit donc pour moi de cesser de chercher la clé avec ma tête uniquement
et de me laisser guider par quelque chose qui tient compte de ce que je
suis vraiment, une réponse qui n'oublie certes pas mon intellect, mais qui
contente également mon ressenti, qui met à profit mes compétences tout en
respectant mes valeurs.
Somme toute, si je pars de ce que je suis pour trouver une occupation
qui me ressemble et qui met en valeur mon potentiel, alors la
satisfaction, la vraie, sera à ma portée. Ça a bien du bon sens!
En collaboration avec le Service de psychologie et d'orientation.
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