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Liaison, 8 décembre 2005
Noël n'est pas au magasin
Psychologue invitée : STÉPHANIE LALANNE
Chez mon amie Christine, à Noël, l'an dernier, il y avait 67 cadeaux.
Elle les a comptés. Vous savez ce que c'est : les enfants que mère et
conjoint, père et compagne, tantes, oncles, grands-parents, veulent
choyer; les échanges entre membres de la famille; sans compter Pitou et
Minou qu'il n'est pas question d'oublier : «Maman, ils vont se sentir
rejets!» Bon, d'accord.
La remise de ces précieux cadeaux fut tellement longue que les invités
ont perdu le goût de réveillonner. Les enfants surexcités, les adultes à
bout de nerfs, les hôtes déçus que leurs mets choisis avec attention,
planifiés avec précision et cuisinés avec soin restent à demi en plan…
Quel Noël! Beaucoup de travail, peu de plaisir.
Pourtant, Christine et Paul avaient pensé à tout : le plus bel arbre
vivant qu'on puisse imaginer, six mètres de hauteur – oui, oui, il
traversait l'espace du salon et montait jusqu'au toit cathédrale – choisi
sur leur terre, des décorations magnifiques et, au pied de cette
majestueuse épinette, la montagne de cadeaux. Féérique! Dès l'arrivée,
tout le monde poussait des «oh!» et des «ah!» de ravissement. «Comme dans
un rêve!» a dit la benjamine. «Comme dans un film!» a renchéri l'aînée.
Bref, le coup d'œil, l'atmosphère, c'était… estupendo! Mais peu à
peu, ça s'est alourdi. Fin du flashback.
We want more!
Le temps des fêtes est un moment de l'année où pointe une menace :
vouloir toujours plus. Plus haut, plus beau, plus gros… souvent plus/trop
cher. Plus de nourriture, plus de décorations, plus de luxe, plus de
partys, plus d'alcool, plus d'invités. Plus d'excitants. Du fun!
Plusieurs désirent surtout faire plaisir à ceux qu'ils aiment, les
rendre heureux, voir des petites lumières de Noël dans leurs yeux. Les
combler. Et avec les personnes qui leur sont plutôt… imposées, être
corrects, dans le ton. Les perfectionnistes ont du pain sur la planche!
Hélas, plusieurs se retrouvent essoufflés, fatigués d'avoir couru le
dernier must recommandé par la ressource tendance de l'heure (de
Michel Phaneuf à François Chartier, en passant par Di Stasio et Ricardo),
et donc, peu disponibles quand arrivent leurs invités. Pourtant, c'est
pour eux que toute cette organisation a été mise en branle.
Qu'est-ce qui nous fait courir comme ça? Quelle quête poursuivons-nous?
À quoi tentons-nous d'échapper? Comme si nous craignions que notre
présence ne suffise pas. Aurions-nous peur de ne pas être d'assez bons
parents, d'assez bons amis, d'assez bons frères ou sœurs, d'assez bons
invités? Assez, quoi.
Et si on inversait le rapport?
Comme on l'entend dans les émissions de «consommation avertie»,
pourquoi ne pas aller vers un bon rapport qualité-prix? Ici, ce sera plus
de plaisir et moins de tracas. Ou, du moins, un équilibre entre ce qu'on
investira et ce qu'on récoltera d'agréable.
Et si nous revenions à l'essentiel : profiter d'un moment privilégié
pour nous retrouver avec ceux et celles qu'on aime. Célébrer avec eux.
Plus simplement. Plus présents.
Ressentir, re-sentir, la joie d'être ensemble. Vivre un moment rare :
les regards qui se croisent à table, la gaieté, les rires, les échanges…
et les soupirs de gourmandise : «Que c'est bon!» Oui, comme c'est bon
d'être ensemble. Vivants. Au chaud. Avec nos amours. Goûtons-y : ça
ressemble à du bonheur. Et le bonheur, c'est tout de suite.
En collaboration avec le
Service de psychologie et d'orientation
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