Chercher la cause du diabète
André Carpentier est spécialiste en médecine interne et surspécialiste
en endocrinologie. Il est également directeur adjoint du Centre de recherche
clinique du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) et
directeur du Centre de recherche en endocrinologie, métabolisme et
signalisation (CREMS), un centre d'excellence de l'Université de Sherbrooke.
Professeur au Campus de la santé et chercheur passionné, il s'intéresse au
diabète.
KARINE VACHON
C'est en soignant de nombreux patients diabétiques à l'hôpital qu'André
Carpentier a décidé de consacrer ses recherches à cette maladie. «C'est une
maladie très sévère : la première cause de cécité, d'insuffisance rénale et
d'amputation, explique-t-il. Le diabète augmente aussi énormément le risque
de maladie cardiaque. Et il est en constante augmentation.»
Lorsqu'au cours des années 90, André Carpentier se lance dans la
recherche sur le diabète, on ne retrouve alors pas dans le milieu médical
l'engouement actuel pour cette maladie. Convaincu de la pertinence de la
recherche dans ce domaine, le chercheur a rapidement fait son nom.
«Travailler sur le diabète était un défi intéressant, car les impacts de la
maladie sur le métabolisme sont très complexes», affirme-t-il.
Le laboratoire : la crème du CREMS
André Carpentier arrive à l'Université de Sherbrooke à l'été 2001. Une
subvention de recherche de 115 000 $ par année des Instituts de recherche en
santé du Canada, pour une période de quatre ans, lui permet de mettre sur
pied son laboratoire. En deux ans, il réussit à monter toute
l'infrastructure pour la recherche métabolique in vivo. Durant cette
période, il engage une assistante de recherche, Frédérique Frich, et des
infirmières de recherche qui s'occupent aujourd'hui des patients
participants, qui doivent parfois même passer la nuit au Centre de recherche
clinique du CHUS pour certaines études. Les techniques utilisées au
laboratoire sont nouvelles – seulement quatre ou cinq centres au monde les
appliquent – de sorte que le personnel a dû être formé.
Viva les recherches in vivo!
Le médecin et son équipe cherchent à comprendre les mécanismes à
l'origine du développement du diabète chez les personnes ayant un très haut
risque de développer cette maladie. «Les gens dont les deux parents sont
diabétiques ont de 60 à 70 % de risque de développer la maladie»,
précise-t-il.
Grâce à des études ex vivo déjà exécutées par d'autres chercheurs,
André Carpentier savait au départ que l'augmentation des acides gras dans
des cellules du pancréas diminuait les sécrétions d'insuline. Ce qui n'est
pas sans importance puisque la difficulté du pancréas à sécréter de
l'insuline est l'un des défauts provoquant le développement du diabète.
Puis des groupes de recherche d'Italie et des États-Unis ont tenté
l'expérience, cette fois in vivo, mais les conclusions des deux
équipes se sont avérées contradictoires. Le chercheur de Sherbrooke a donc
décidé de s'attaquer au problème en utilisant des méthodes plus poussées.
«Résultat : l'augmentation prolongée des acides gras dans le sang crée une
résistance à l'insuline que les humains n'arrivent pas à compenser»,
conclut-il.
Des articles ont été publiés sur le sujet, lesquels ont été grandement
cités dans la littérature médicale. André Carpentier essaye maintenant de
voir ce qui peut amener les gens qui développent le diabète à acheminer plus
de gras à leurs cellules. Pour ce faire, par des études métaboliques très
complexes où du gras est perfusé dans les veines, le chercheur étudie
précisément la période après les repas, car il y a constaté des anomalies.
Cette approche est différente puisque la période de jeûne est celle qui fut
le plus souvent étudiée lors des études antérieures.
Les chercheuses et chercheurs de l'Université de Sherbrooke ont également
développé en tomographie un traceur de gras chez les animaux, qui pourra
ultimement être utilisé chez les humains lorsque Santé Canada autorisera son
utilisation. Il s'agit d'un projet très innovateur : ils seront les premiers
au Canada à utiliser ce scanner, qui produit des images radiographiques en
trois dimensions très précises, afin d'examiner le métabolisme du gras
organe par organe.
Comprendre les mille facettes du diabète
Une subvention de l'Association canadienne du diabète permet à André
Carpentier de se consacrer à un second projet : celui d'étudier les effets
du gras sur les cellules du système immunitaire.
Il y a quelques années, des chercheurs ont découvert que les gens ayant
un taux d'inflammation dans le sang plus élevé couraient plus de risque de
développer le diabète. Puis les recherches d'André Carpentier ont prouvé que
l'augmentation du gras dans le sang produit effectivement un impact sur le
système immunitaire. Cependant, il s'avère que la modulation est beaucoup
plus complexe qu'il ne le pensait, et le médecin souhaite ultimement en
comprendre les impacts à long terme. À ce sujet, un article a récemment été
accepté dans la revue American Journal of Clinical Nutrition.
Un projet chez l'animal pour aller au cœur du problème
Un troisième projet sur lequel travaille présentement André Carpentier
est financé par la Fondation des maladies du cœur, puisque les maladies
cardiovasculaires emportent 80 % des diabétiques, ceux qui font un infarctus
ayant de deux à trois fois plus de risque de mourir que les personnes non
diabétiques. Une raison possible pour cette augmentation du taux de
mortalité pourrait être que le cœur des diabétiques carbure au gras plutôt
qu'au sucre.
À l'aide d'un modèle animal, le professeur tente de découvrir à quel
point le cœur des diabétiques pige dans le gras plutôt que dans le sucre et
à quel point cette première source altère le métabolisme du sucre. Pour ce
faire, le Centre de recherche clinique du CHUS dispose de l'un des seuls
tomographes par émission de positrons pour les petits animaux en Amérique du
Nord. La source de radiation vient en fait d'un traceur infusé dans le sang.
En 2004, ces recherches ont permis à André Carpentier de remporter le
prix Jonathan-Ballon de la Fondation des maladies du cœur du Québec pour le
meilleur projet par un nouveau chercheur. Le médecin nucléiste François
Bénard, le physicien Roger Lecomte et le radiopharmacologue Johan van Lier
collaborent avec lui.
Après les recherches, la notoriété…
Toujours en 2004, André Carpentier a reçu le Prix d'excellence à la
recherche médicale de la Fondation du CHUS assorti d'une bourse de 20 000 $.
Plus récemment, le 27 avril 2005, il a été nommé chercheur de la semaine par
les Canadiens pour la recherche médicale, un organisme national à but non
lucratif dont l'objectif est entre autres d'aider la population canadienne à
comprendre les problèmes de recherche médicale.
Pour atteindre les connaissances nécessaires à l'excellence de ses
recherches, André Carpentier, qui est diplômé de l'Université de Sherbrooke,
a d'abord complété un baccalauréat en médecine, puis une résidence en
médecine interne et une spécialisation en endocrinologie. Ensuite, à
différents endroits du Québec, il a suivi une formation supplémentaire en
lipidologie. Finalement, des études postdoctorales au Toronto General
Hospital dans le laboratoire de Gary Lewis, spécialiste du métabolisme des
lipides dans le diabète, sont venues clore ses longues années d'études.
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