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Liaison, 24 novembre 2005
Nos gènes sont dans la bière!
SOPHIE PAYEUR
Grâce à la levure présente dans la bière, Luc Gaudreau et ses
collaborateurs ont percé l'un des innombrables mystères du génome humain.
Une variante minoritaire d'une protéine de notre génome pourrait avoir un
rôle insoupçonné en santé humaine…
C'est la levure Saccharomyces cerevisiae, qui transforme le moût
en alcool dans la bière, qui a permis à l'équipe de Luc Gaudreau et à celle
de son collègue François Robert, de l'Institut de recherches cliniques de
Montréal, de faire leur découverte. «Plusieurs protéines de cette levure se
retrouvent chez l'humain, précise Luc Gaudreau. Notre équipe a déjà démontré
que la protéine H2A.Z est un acteur très important dans la régulation de
l'expression des gènes chez la levure. Nous voulions maintenant savoir par
quel mécanisme cette protéine exerce son action.»
L'ADN qui transporte notre bagage génétique est compacté dans le noyau de
nos cellules au sein d'une structure qu'on appelle chromatine. La chromatine
est composée notamment de huit protéines spécifiques (les histones), autour
desquelles s'enroulent 146 paires de bases d'ADN. Quatre histones, présentes
en deux copies, constituent la chromatine : H2A, H2B, H3 et H4. Ce sont-là
les histones principales, mais il existe aussi certaines variantes. C'est
l'une de ces variantes, H2A.Z, qui intéresse Luc Gaudreau et ses
collaborateurs.
À l'aide d'une technologie de très haut niveau, Luc Gaudreau et cie ont
pu déterminer l'endroit précis sur l'ADN où se situe H2A.Z. À sa grande
surprise, l'équipe a découvert que cette protéine est présente dans plus de
60 % des zones responsables de la régulation de l'expression des gènes. Or,
considérée dans l'ensemble du génome, H2A.Z représente seulement 10 % des
histones de type H2A. «Curieusement, sa présence est concentrée dans des
zones spécifiques et délimitées, des zones reconnues pour leur implication
dans la régulation de l'expression des gènes. Il est très surprenant qu'une
protéine structurelle de la chromatine puisse se retrouver dans des régions
aussi bien définies!» Cela suggère fortement que la présence de H2A.Z sur
ces régions faciliterait le déclenchement de l'expression des gènes.
Cette percée, qui fera l'objet d'une publication libre d'accès
dans la Public Library of Science Biology, pourrait un jour avoir des
retombées considérables en santé humaine. «Le gène codant pour H2A.Z chez
les humains apparaît fortement dérégulé dans plusieurs types de cancers,
indique Luc Gaudreau. Il est aussi connu que son absence entraîne la mort
embryonnaire chez la souris. Il est donc plausible que l'activité de H2A.Z
ait une importance cruciale dans certaines situations biologiques ou à des
moments précis de la vie ou du développement.» Ces recherches ainsi que
celles qui suivront pourraient guider d'autres chercheurs vers
l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques.
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Luc Gaudreau et ses collaborateurs ont percé l'un des innombrables
mystères du génome humain. |