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Liaison, 27 octobre 2005
Vox pop Forum universitaire
Pour ou contre le privé à l'Université?
Le 9 novembre se tiendra un grand forum universitaire sur la place du
privé à l'Université de Sherbrooke. À quelques semaines de l'événement,
Liaison a cherché à prendre le pouls des membres de la communauté
universitaire sur cette question.
L'université doit-elle renforcer ses liens avec l'entreprise privée?
- Elle le fait déjà dans le domaine de la recherche. (Mathieu
Compagnat, étudiant en droit)
- Non, elle doit protéger sa neutralité, son droit de critique.
(Jean–Pierre Marier, technicien de laboratoire et représentant du
personnel de soutien au CA)
- Le privé va jouer un rôle de plus en plus important en recherche
appliquée. Attention à ne pas dénigrer la recherche fondamentale.
(Jocelyn Bouliane, agent de valorisation de la recherche au BLEU)
- C'est très dangereux, au contraire, il faut affirmer son indépendance.
(Héloïse Moysan Lapointe, étudiante au baccalauréat en philosophie)
- La mission universitaire est d'aider la communauté donc l'industrie,
mais on veut maintenir la liberté universitaire. (Hardy Bengt Granberg,
professeur au Département de géomatique)
- Les contrats de recherche, ça va, mais je ne suis pas d'accord pour
que le privé devienne un subventionneur. (Ginette Longpré, adjointe
administrative à la doyenne de la Faculté d'éducation)
- Ces liens sont bons pour rendre nos étudiants employables, mais ça ne
doit pas briser notre liberté de penser. (Marc Bélisle, professeur au
Département de kinanthropologie)
- Oui, car les diplômes auraient plus de valeur. (Audrey Mawn,
étudiante au baccalauréat en enseignement de l'anglais langue seconde)
L'université doit-elle adapter ses formations au marché du travail?
- Oui, l'université doit nous donner une formation très fonctionnelle au
niveau du bac. (M. Compagnat)
- Oui, la formation doit s'adapter, mais pas juste pour l'employeur.
(J.-P. Marier)
- Oui et non. Nos étudiants doivent avoir de solides bases théoriques et
aussi les rendre «vendables» pour les besoins du marché. (J. Bouliane)
- Non, les employeurs ne doivent pas donner leur liste d'épicerie, on
doit nous former en tant que citoyens. (H. Moysan Lapointe)
- Oui pour une formation fonctionnelle, mais on ne doit pas se convertir
en trade school. L'université doit former des penseurs
indépendants. (H.B. Granberg)
- À la Faculté d'éducation, on forme des enseignants pour les besoins du
milieu. J'imagine que ça doit être la même chose ailleurs. (G. Longpré)
- Ça dépend des domaines. (M. Bélisle)
- Oui, on doit être formé pour être sur le marché du travail et suivre
l'innovation. (A. Mawn)
La liberté universitaire est-elle menacée?
- Oui, la liberté est menacée si les conditions de formation sont
dictées par le privé. Il faut garder une certaine vision sociale. (M.
Compagnat)
- Oui, la liberté peut être menacée si les professeurs perdent le
contrôle de la recherche. (J.-P. Marier)
- L'université doit garder son indépendance, ne pas être une succursale
d'une ou plusieurs multinationales. (J. Bouliane)
- L'exemple d'Ubisoft est inquiétant. Si ça ferme, qu'est-ce qui arrive
avec les étudiants formés pour eux? (H. Moysan Lapointe)
- Sémantiquement c'est une question de limite. Pour moi, elle est
dépassée quand on est forcé d'éliminer du contenu des cours. (H.B.
Granberg)
- On ne devrait jamais être débiteur du privé. (G. Longpré)
- La liberté est l'élément clef, mais on ne doit pas rester dans notre
bulle, débranché de la société. (M. Bélisle)
Le financement privé, est-ce un avantage ou un inconvénient?
- Oui, c'est un avantage, on doit garder les brevets pour aider la
communauté étudiante. (M. Compagnat)
- Ça peut servir de roulement à la recherche plus fondamentale. Mais
attention aux accords de confidentialité. (J.-P. Marier)
- Les contrats et bourses permettent aux étudiants de mieux vivre.
(J. Bouliane)
- C'est un très grand danger, c'est jamais neutre. Il arrive que les
rapports soient tablettés et qu'on n'y ait plus accès. (H. Moysan
Lapointe)
- Normalement, le privé demande certains résultats, mais la recherche a
besoin de liberté. Ce n'est pas juste une recette à l'avance. (H.B.
Granberg)
- Pas sûr que le financement de la recherche se fait tant que ça par le
privé. (G. Longpré)
- Ça dépend des critères d'octroi de la recherche. Une entreprise
pharmaceutique pourrait orienter les lignes de recherche. (M. Bélisle)
- Le privé peut à la fois supporter et laisser le choix. Mais attention
aux conflits d'intérêts. (A. Mawn)
L'université peut-elle perdre son indépendance intellectuelle?
- C'est une question de négociation, il ne faut pas lâcher là-dessus.
(M. Compagnat)
- Il faut être jaloux de son indépendance intellectuelle! (J.-P.
Marier)
- Un étudiant bien encadré ne perd pas son indépendance intellectuelle
(J. Bouliane)
- L'indépendance intellectuelle est fragilisée par le privé. (H.
Moysan Lapointe)
- Je préfère la recherche stimulée par la curiosité et financée par un
fonds de recherche qui ne demande pas des résultats dans un temps donné ou
qui demande des résultats qui supportent l'hypothèse initiale. (H.B.
Granberg)
- Oui, il y a un danger, et les chercheurs ne veulent pas qu'on leur
dise quoi chercher. (G. Longpré)
- C'est l'enjeu de fond. Il faut garder l'équilibre, on est redevable au
privé, mais on ne doit pas être comme une grosse compagnie. (M. Bélisle)
Comment pallier le financement déficient du réseau universitaire?
- En droit, les cabinets privés pourraient donner plus de redevances à
l'université pour avoir une formation adaptée à leur demande. (M.
Compagnat)
- L'université ne devrait pas se prononcer là-dessus, sinon le
gouvernement lui en donnera toujours moins! (J.-P. Marier)
- Il faut faire appel au privé, mais je privilégie le modèle européen où
les études sont accessibles plutôt que le modèle américain. (J.
Bouliane)
- Si les riches entreprises doivent payer leur juste part d'impôts.
(H. Moysan Lapointe)
- Les profs ne doivent pas être là pour financer un certain nombre
d'étudiants par le biais de leurs recherches. (H.B. Granberg)
- Ça ne devrait pas être relié à du financement privé car ici on forme
les leaders de demain, qui doivent avoir l'esprit critique. (G. Longpré)
- C'est un choix de société. Si on décide que l'éducation supérieure est
un plus, alors on doit choisir de payer pour cela. (M. Bélisle)
- Les étudiants pourraient payer plus avec un bon support pour les plus
démunis. (A. Mawn)
Propos
recueillis par Pierre Masse
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Mathieu Compagnat
Jean-Pierre Marier
Jocelyn Bouliane
Héloïse Moysan Lapointe
Hardy Bengt Granberg
Ginette Longpré
Marc Bélisle
Audrey Mawn
Photos : Roger Lafontaine |