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Liaison, 29 septembre 2005
Les yeux grands et des
fourmis dans les jambes
Depuis 1996, Écologie sans frontières (ESF) offre aux
étudiantes et étudiants en écologie l'occasion d'appliquer leurs
connaissances sur le monde en participant à des stages d'une durée de
trois à quatre mois dans un pays de l'hémisphère sud. Le 29 août,
quatre étudiantes et étudiants se rendaient en Argentine, prenant en
quelque sorte le relais des groupes des années précédentes. Ils
travaillent en collaboration avec le Programa Social Agropecuario
(PSA) et la Facultad de Ciencias Agropecuarias de l'Universidad
Nacional d'Entre Rios.
Le PSA, organisme qui vient en aide aux petits
producteurs en difficulté, intervient par le biais de formations, de
soutien technique et social, et ce, sur l'ensemble du territoire
argentin. L'université, quant à elle, cherche à obtenir de meilleures
conditions environnementales par l'application de techniques de
développement agricole durable et rentable. |
JEAN-PHILIPPE LANDRY,
MARIE-PIERRE RAYMOND
ET PIERRE-OLIVIER CÔTÉ
Jean-Philippe
Pas besoin d'avoir des yeux tout le tour de la tête pour
remarquer les déchets dans les rues. Qu'est-ce qu'on peut faire en tant
qu'écologiste dans ce beau pays, possédant tant de ressources qui semblent
parfois oubliées? Question à laquelle j'ai tenté de répondre avec un
entrepreneur d'une scierie lors d'une visite avec un groupe d'étudiants
argentins. La première chose qu'il m'a demandée fut mon impression générale
du pays. Je lui ai répondu la vérité, l'omniprésence de détritus dans les
rues. Je me sentais mal de lui répondre ça. Vous voyez-vous dire à quelqu'un
que son pays est sale (surtout en face de 30 autres personnes)? «Ce ne sont
pas les poubelles dans les lieux publics qui manquent, mais bien la
sensibilisation», m'a-t-il répondu. Par contre, ce n'est pas tout le monde
qui agit de la sorte. Les universitaires présents m'ont mentionné qu'ils
n'ont pas la même conscience écologique que la majorité des gens.
En essayant de comprendre ce problème, j'ai été un peu troublé
par la nature humaine, qui peut être parfois paradoxale. Par exemple, les
trottoirs en face des maisons appartiennent aux propriétaires et ceux-ci
sont souvent en train de les nettoyer, car tout le monde aime ça un beau
trottoir propre! Cependant, les gens continuent de jeter par terre leurs
vieux paquets de cigarettes, leurs factures, leurs bouteilles de plastique
vides, etc. Il est donc étrange qu'ils ne préviennent pas au lieu de guérir.
Ce n'est pas quatre mois ici qui vont me permettre de révolutionner cette
mentalité, mais au moins je pourrai tenter de comprendre un peu plus le
pourquoi.
Marie-Pierre
Il est important de connaître les contextes économique et
politique du pays dans lequel on s'aventure avant d'y porter un regard
critique. L'Argentine a subi à répétition des coups durs depuis les années
soixante-dix, et la situation n'a fait qu'empirer jusqu'en 2001, lors de
l'importante crise économique. Celle-ci fut principalement causée par la
dette exorbitante qui pesait sur le pays (plus de 130 milliards $US),
l'inflation très importante et la parité du peso avec le dollar américain
qui a mené directement les Argentins vers la pauvreté. Aujourd'hui, quatre
ans plus tard, le pays est en progression. Mais il reste que 62 % de la
population vit encore avec moins de l'équivalent de cinq dollars canadiens
par jour. Ceci étant dit, les choses qui m'ont frappée sont la présence
d'infrastructures plutôt récentes, mais laissées pour compte depuis les
dernières années, ainsi que le nombre de voitures délabrées. Ces tacos sont
complètement désuets selon nos standards canadiens, mais ici, ils roulent
encore. J'ai été aussi surprise de voir que malgré les hivers frais et
humides de la province, la majorité des bâtiments aux murs de béton ne sont
ni isolés ni chauffés. Les Argentins se contentent du peu qui leur reste,
malgré leurs souvenirs de ce qu'ils ont eu, de ce qu'ils ont perdu. C'est
pour moi une leçon d'humilité que d'apprendre à apprécier ce que la vie de
Québécois nous offre.»
Pierre-Olivier
Ma première vision en sortant de l'aéroport : les bidonvilles
en banlieue de Buenos Aires et le premier sentiment d'impuissance qui en
découle. On se dit toujours prêt à vivre ces expériences, mais on reste
toujours avec la surprise du réel et un certain malaise. Et puis, l'arrivée
en ville… La surprise est moins grande qu'anticipée. Une grande ville comme
il y en a partout. Des gratte-ciel, des rues bondées et des gens qui nous
ressemblent! Eh oui, 95 % de la population argentine est de descendance
européenne. On se fond donc dans le paysage urbain. On nous demande même des
directions! Mais voilà que la réponse nous démasque. Malgré les cours
d'espagnol… il reste une grande hésitation.
En plus, on mange des repas typiques : de la pizza! C'est le
côté européen qui ressort. Étonnamment, la pizza se consomme autant ici
qu'au Québec. On mange aussi beaucoup de parrilladas (grillades, BBQ),
ce qui consiste en de la viande et encore de la viande, au grand bonheur des
carnivores et… au malheur des végétariens! Nous sommes quand même au pays
des gauchos (l'équivalent argentin du cow-boy), et l'élevage bovin est très
important économiquement!
Au même titre que le Québec se situe culturellement entre les
États-Unis et l'Europe, l'Argentine pour sa part peut être perçue comme
étant un mélange de l'Europe et du reste de l'Amérique du Sud. On y vénère
autant les équipes de fútbol, River ou Boca (et c'est du sérieux!)
qu'on y boit du yerba mate. On y trouve une «certaine
désorganisation» typique des pays environnants, et les lumières de
circulation y sont aussi accessoires que les silencieux!
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Jean-Philippe, Marie-Pierre et Pierre-Olivier à Iguazu. |