Liaison, 1er septembre 2005
Découvertes disques
Critique invité : JEAN-SÉBASTIEN DUBÉ
Coordonnateur de l'animation au Carrefour de l'information (SSF)
Bleu/Blanc/Rouge
2005
En général, j'aime bien les compilations. Elles permettent des
découvertes intéressantes qu'on n'aurait pas nécessairement faites en
allant flâner chez le disquaire. Les meilleures me font l'effet d'un feu
d'artifice, alors qu'on attend la prochaine pièce avec impatience pour
voir si elle sera plus flamboyante que la précédente. Quelle ne fut pas ma
déception devant l'homogénéité plate de cette «carte de visite» de la
relève française...
Quelques prix de consolation tout de même : les pièces signées M avec
Qui de nous deux et La bonne étoile en duo avec Arianne
Moffatt; Camille et l'excellent Ta douleur, un blues swing
brillant; et Doc Gyneco avec Donne-moi un smic, un sympathique
reggae.
Pour les autres pistes, voici la recette : une voix éthérée plutôt
planante, des percussions électroniques et le tour est joué. Pas vraiment
plus de substance au niveau des textes. Cela amène sérieusement à se
demander où est l'imagination musicale de cette «nouvelle chanson
française». Je pense que je vais attendre la prochaine vague.
Ode à l'Acadie
Spectacle conçu dans le cadre des célébrations du 400e de
l'Acadie, Ode est devenu un véritable phénomène, présenté au
Nouveau-Brunswick bien sûr, mais également en Afrique, en France et en
tournée au Québec dès 2006. Les sept jeunes et talentueux interprètes et
multi-instrumentistes savent moderniser et rendre justice à ces très
belles pièces d'auteurs-compositeurs acadiens. S'il se dégage de la
plupart des interprétations une énergie communicative qui doit se refléter
sur scène, l'enregistrement sur disque trahit parfois une certaine
préciosité, le caractère trop léché d'arrangements qui nous font perdre
l'émotion.
Mes préférées? Une version atmosphérique de Marie Caissie très
bien rendue par Patricia Richard (voix et bodhran), qui excelle aussi sur
Le monde de par chez nous d'Angèle Arsenault, ainsi que de belles
reprises par Monique Poirier du Moncton de Marie-Jo Thério et des
Aboiteaux de Calixte Duguay. Je suis moins convaincu par
l'interprétation en duo du Lac Bijou de Zachary Richard, trop
lyrique, mais Christian «Kit» Goguen nous donne un Petit Codiac
efficace. Également digne de mention, Easy Rose, un hymne à la
période hippie où les interprètes s'en donnent à cœur joie sans trop se
prendre au sérieux.
Jaune 2005
Mon coup de cœur! On a offert à des artistes de la scène électronique
de «revisiter» les pistes de l'album Jaune, réalisé en 1970 par
Jean-Pierre Ferland et André Perry. Je ne connais rien à l'électro-jazz ou
au trip-hop, mais j'ai craqué. De quoi convaincre tous les sceptiques –
dont j'étais – de la valeur artistique de l'échantillonnage et du remixage.
Ce qui frappe dans la démarche des D.J. qui ont contribué à ce disque,
c'est l'immense respect qu'ils semblent tous accorder à cette œuvre-phare.
Ce respect les amène à utiliser l'arsenal numérique à leur disposition,
non pas pour plaquer bêtement des rythmes dance sur les pistes,
mais plutôt pour les colorer par petites touches. Cela ne signifie pas non
plus que le traitement soit timide. Certaines pièces sont méconnaissables,
mais le travail a été fait honnêtement, avec goût.
Si toutes les pistes sont excellentes, j'ai un faible pour la version
de Quand on aime on a toujours vingt ans par Freeworm. Collant à la
pièce originale, on y a pourtant ajouté des chœurs et des effets sonores
qui soulignent habilement l'énergie et l'humour de cette chanson. Choix
diamétralement opposé, Plaster et Arianne Moffatt offrent plutôt une toute
nouvelle interprétation de Y'a des jours. Et ça fonctionne aussi
bien.
Comme Jaune, j'ai 35 ans. Ces chansons m'ont accompagné toute ma
vie, pourtant je n'avais jamais écouté le disque. Or, la version 2005,
jouissive et cohérente en elle-même, m'a pourtant donné envie de retourner
à l'original. Pour comparer, bien sûr, mais également pour redécouvrir.
Quel plus bel hommage peuvent offrir des interprètes à une œuvre?
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