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Liaison région, 15 septembre 2005

Donald Thomas, professeur en biologie

Celui que l’on appelle Batman

SOPHIE PAYEUR

Plusieurs l’appellent Batman en raison de cette affection particulière qu’il voue aux chauves-souris. Le champ d’étude du biologiste est pourtant plus vaste que le territoire survolé par les bêtes volantes : ses recherches illustrent avec finesse comment les changements climatiques bouleversent le plan de survie de plusieurs espèces animales.

Lancé sur la trace des chauves-souris aux confins de l’Afrique alors qu’il faisait sa maîtrise, Donald Thomas a vite été séduit par la personnalité surprenante de ces animaux. Il décide d’en faire le sujet de son doctorat et de son postdoctorat. Devenu professeur de biologie à l’Université de Washington, à Seattle, il coordonne ensuite un important projet visant à évaluer les impacts des coupes de forêts de sapins Douglas sur la faune, incluant les chauves-souris. Alors que plusieurs les perçoivent comme des bêtes repoussantes, Donald Thomas voit en elles de magnifiques petits soldats ailés travaillant à la pérennité des écosystèmes.

Un fragile équilibre

Donald Thomas a fait son entrée à l’Université de Sherbrooke en 1985. Bien que ses recherches portent maintenant sur les oiseaux et plusieurs autres mammifères, il ne cesse d’être émerveillé par les chauves-souris. Ces «gentils vampires» représentent plus de 1000 des 4500 espèces connues de mammifères sur la planète. Cet imposant bataillon a sa raison d’être : disperser les graines des fruits dont il se nourrit. «Mon espèce préférée pèse 32 grammes, mais mange 100 grammes de fruits par jour!» s’exclame le chercheur. Pourquoi mange-t-elle trois fois son poids? «Les fruits sont bourrés d’eau et de sucre, mais sont très pauvres en protéines. Cette ration excessive répond bien sûr aux besoins protéiniques de la chauve-souris. Mais elle favorise du même coup la dispersion des graines.»

L’écophysiologie : voilà la spécialité de Don Thomas. Chacune de ses recherches nous en apprend un peu plus sur les relations intimes qui lient les fonctions physiologiques des organismes vivants et leur environnement. «Pour illustrer ces relations, on parle souvent d’équilibre ou de contraintes énergétiques des animaux», explique-t-il. En 1997, lors d’une année sabbatique passée en Europe, il compare les dépenses énergétiques de deux populations de mésanges bleues en période de reproduction : une en Corse et l’autre près de Montpellier, dans le sud de la France. «La naissance des petits doit se produire au moment précis où la nourriture est disponible; c’est une question de survie», affirme le professeur. L’étude publiée dans la revue Science a révélé qu’en Corse, l’éclosion des oisillons au printemps est bien synchronisée avec l’émergence des chenilles. Les oisillons du sud de la France, toutefois, n’ont pas cette chance. «Les petits naissent trois semaines avant l’arrivée des chenilles, précise Donald Thomas. Conséquence : les parents dépensent énormément d’énergie pour chercher de la nourriture et plusieurs ne réapparaissent pas l’année suivante.»

Même si ces deux populations de mésanges bleues vivent à des latitudes et à des altitudes semblables, leur bagage génétique distinct influence considérablement leur capacité d’adaptation à l’environnement. Mais depuis quelques années, un autre facteur de taille entre en jeu: le réchauffement climatique. «Le réchauffement entraîne des printemps plus précoces, explique l’écophysiologiste. Les oiseaux sont forcés de s’adapter à un environnement qui déplace la période optimale de reproduction, qui s’en trouve perturbée.»

Hélas, les mésanges bleues ne sont qu’une des espèces bouleversées par le réchauffement du climat. Pour anticiper plus efficacement les effets des changements climatiques, Donald Thomas pense qu’il faut mieux connaître les liens entre le climat et la biogéographie : «La distribution et les déplacements des animaux sont étroitement liés à leurs contraintes énergétiques, leurs besoins de nourriture. La nature de ce lien, toutefois, reste encore mal connue.» Les chauves-souris fournissent néanmoins quelques réponses… et sèment l’inquiétude.

Petit changement, gros impact

La petite chauve-souris brune, qui hiberne au centre des États-Unis (d’Est en Ouest), emmagasine à l’automne de grandes quantités de graisse. Une étude publiée en 2002 dans la revue Nature par Donald Thomas et cie montre toutefois qu’une variation de quelques degrés Celsius seulement peut avoir des effets catastrophiques sur sa capacité de survie. «Une chauve-souris qui passe l’hiver à 2°C doit emmagasiner seulement 1,2 gramme de graisse, explique le professeur. Mais si la température hivernale baisse de 3°C ou s’élève de 10 °C, les besoins énergétiques peuvent atteindre jusqu’à 3,5 grammes!» Cette relation entre la température ambiante et les demandes d’énergie détermine la distribution géographique des mammifères hibernants. Le modèle bioénergétique développé par le biologiste et son équipe prédit que d’ici 2080, l’hibernation de la petite chauve-souris brune ne sera plus possible aux États-Unis. Les températures ayant augmenté de plusieurs degrés, le mammifère volant devra vraisemblablement passer l’hiver au sud du Canada, où les températures plus froides seront davantage propices à son hibernation. Le territoire d’hibernation de la chauve-souris aura alors pénétré l’Arctique de 1000 km.

«Les animaux sont façonnés par leur environnement et leurs réponses physiologiques ne sont que le fruit d’une longue évolution face aux conditions locales, affirme Donald Thomas. Si l’environnement a toujours été stable, les animaux peuvent voir diminuer leur capacité de s’adapter aux conditions changeantes. Si la pollution atmosphérique s’exprime par des changements très rapides, on risque de voir disparaître ces espèces.» Heureusement, la nature réserve des surprises. «On découvre parfois que la flexibilité des animaux, à la base de toute adaptation, est immense, souligne le chercheur. Le tamia rayé en est un bon exemple. Nous avons toujours cru qu’il devait chercher des conditions très précises de température pour survivre aux longs hivers québécois. Nous avons effectué certaines expériences pendant lesquelles nous avons supplémenté les réserves de nourriture de certains individus juste avant l’hibernation. Nous avons découvert qu’en présence de cette nourriture bonus, le tamia évalue l’énergie qui lui est disponible et ajuste en conséquence sa température corporelle et son métabolisme. Le «moteur» du tamia n’a donc pas qu’une seule vitesse pendant l’hiver : il peut rouler rapidement ou au ralenti.» Donald Thomas cherche maintenant à comprendre les raisons qui ont traditionnellement poussé l’animal à accélérer son «moteur» pendant huit mois d’hibernation. «Chose certaine, le tamia peut s’ajuster aux variations climatiques, affirme le professeur. C’est la raison de sa très vaste distribution en Amérique du Nord.»

Au cours des années à venir, Donald Thomas compte poursuivre ses recherches sur la dynamique d’hibernation du tamia rayé, en accordant une attention particulière aux effets des changements climatiques sur l’accessibilité et l’abondance de la nourriture et sur l’impact sur les animaux. Et depuis juillet, l’écophysiologiste a entrepris de relever un autre défi, celui de doyen de la Faculté des sciences de l’Université de Sherbrooke. Ce tout nouveau mandat lui tient grandement à cœur, mandat pendant lequel il veut poursuivre le travail de son prédécesseur et accompagner ses troupes dans des projets novateurs et d’extraordinaires percées.

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Donald Thomas s’intéresse notamment aux chauves-souris.
Donald Thomas s’intéresse notamment aux chauves-souris.

Photo : Roger Lafontaine

 

 

 

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