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Liaison région, 19 janvier 2006
Raviver l'intérêt des jeunes
du secondaire pour les sciences
KARINE VACHON
Professeur à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke,
Abdelkrim Hasni estime que chaque personne devrait être outillée pour penser
le monde et le saisir dans sa complexité. Pour ce faire, il est d'avis que
tous les citoyens devraient détenir une culture et des acquisitions
scientifiques minimales. Pourquoi? Pour comprendre comment les sciences et
les technologies sont produites et quels sont les liens qu'elles
entretiennent entre elles et avec la société. Pour mobiliser les acquis
scientifiques et technologiques afin de prendre des décisions éclairées dans
la vie quotidienne, d'adopter des positions réfléchies quant à l'usage des
sciences et des technologies dans la société et, ainsi, de participer
pleinement à l'exercice de la citoyenneté au sein d'une société dans
laquelle les savoirs scientifiques et technologiques occupent une place
centrale.
Alors qu'il considère que cette culture peut être développée
par différentes instances (musées, télévision, etc.), Abdelkrim Hasni
souligne que celle-ci doit d'abord s'acquérir à l'école, seule institution
qui détient un mandat éducatif formel et qui rejoint l'ensemble des élèves.
Il rappelle aussi qu'au Québec, comme ailleurs en Occident, les jeunes
désertent de plus en plus les sciences. En tant que directeur d'un tout
nouveau centre de recherche, le Centre de recherche d'enseignement et
d'apprentissage des sciences, le professeur s'intéresse, avec son équipe,
aux pratiques des enseignants de sciences, de technologie et de
mathématiques de manière à comprendre comment ces matières sont enseignées
et de proposer des approches aptes à stimuler l'intérêt des élèves.
La création du Centre de recherche sur l'enseignement et
l'apprentissage des sciences (CREAS) résulte d'un concours lancé par le
Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). Pour
pallier la situation de désertion des sciences par les jeunes, le CRSNG
souhaitait la mise sur pied de cinq centres de recherche sur l'apprentissage
des sciences. À travers le Canada, une quarantaine d'équipes ont soumis une
lettre d'intention. À la suite de l'évaluation de ces dernières, 16 équipes
ont été invitées à présenter un projet complet. Finalement, les cinq
lauréates provenaient d'universités d'Alberta, du Manitoba, de la
Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et du Québec (l'équipe d'Abdelkrim
Hasni). Une subvention d'un million de dollars (sur cinq ans) a été accordée
à chacune d'elles.
Sous la direction du professeur Hasni, le CREAS, actif depuis
mai 2005, est composé de 23 chercheuses et chercheurs issus de six facultés
de l'Université de Sherbrooke ainsi que de deux autres en provenance de
l'Université de l'Ontario et de l'Université du Québec à Montréal.
Les orientations de recherche du CREAS
Diverses raisons justifient le manque d'intérêt des élèves pour
les sciences, les technologies et les mathématiques, de sorte que le
problème peut être considéré sous différents angles. Abdelkrim Hasni et les
chercheurs du CREAS ont choisi de centrer leurs recherches sur les pratiques
enseignantes en classe afin de mettre de l'avant un enseignement qui peut
donner sens au savoir et intéresser les jeunes. En effet, plusieurs travaux
démontrent que le facteur le plus déterminant dans la réalisation du
parcours d'étude en sciences est l'expérience scolaire des élèves.
En lien avec les pratiques d'enseignement, le professeur et son
équipe s'intéressent aux approches intégratives – les approches
interdisciplinaires, par projet et par problème – qui permettent à l'élève
de prendre en charge son apprentissage et même de partir de problèmes du
quotidien pour contextualiser les savoirs scientifiques. «L'enseignement
complètement théorique et magistral n'intéresse plus les élèves», affirme le
chercheur.
Afin de mettre les approches en pratique, le CREAS a établi un
partenariat avec cinq commissions scolaires environnantes – des Sommets, de
la Région-de-Sherbrooke, des Hauts-Cantons, des Grandes-Seigneuries, de la
Rivale – ainsi qu'avec deux écoles de l'Ontario. En tout, une soixantaine
d'enseignantes et d'enseignants de sciences, technologies et mathématiques
(STM) participeront sur la base du volontariat à ce projet. Ils
rencontreront les chercheurs en moyenne six jours par année, d'une part,
pour discuter des manières d'aborder les STM avec les élèves, et d'autre
part pour analyser leurs pratiques en classe. Pour ce faire, les périodes
d'enseignement seront parfois filmées sur vidéo.
Pour évaluer l'impact éventuel des approches intégratives sur
les élèves, le professeur Hasni et son équipe suivront, à l'aide de tests,
l'intérêt des élèves et leurs acquisitions sur cinq ans. Un premier test est
prévu en début de chaque année scolaire et un deuxième à la fin.
Les retombées visées sont multiples. D'une part, la recherche
permettra de documenter scientifiquement la problématique de l'enseignement
des STM. En rapport avec cette attente, le professeur aimerait que plusieurs
étudiantes et étudiants aux études supérieures s'intéressent à ce sujet. Il
accueillera également des étudiants étrangers afin de développer une
expertise non seulement à l'échelle nationale, mais aussi internationale.
D'autre part, le projet aura certes des répercussions sur les
politiques éducatives, la formation à l'enseignement et la pratique
enseignante. D'ailleurs, au cours du déroulement du projet, les écoles
n'agissant pas à titre de partenaires pourront aussi bénéficier de la
recherche, puisque le CREAS diffusera des documents écrits, vidéo et
numériques dans l'ensemble des commissions scolaires.
En somme, dans le cadre du projet, le CREAS jouit de plusieurs
partenariats incluant des chercheurs (et des centres de recherches), des
représentants des milieux scolaires et du ministère de l'Éducation ainsi que
des acteurs de la promotion de la culture scientifique : le Centre de
recherche sur l'intervention éducative, le Centre de recherche
interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, l'Unité
mixte de recherche sciences-techniques-éducation-formation (Paris), le Musée
des sciences de Sherbrooke, le Conseil du loisir scientifique, la Société
pour la promotion des sciences et de la technologie, le ministère de
l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec…
La vie universitaire avant le CREAS
En plus du CREAS, Abdelkrim Hasni dirige d'autres projets de recherche
financés par des organismes subventionnaires, et qui portent, entre autres,
sur la place des savoirs scientifiques à l'école, sur l'interdisciplinarité,
sur le matériel scolaire (manuels scolaires, ressources informatiques, etc.)
et sur la formation à l'enseignement. À titre d'exemple, le projet intitulé
Conceptualisation et modélisation en sciences : représentations et
pratiques d'enseignantes et d'enseignants du primaire et du 1er cycle
du secondaire au Québec est financé par le Conseil de recherche en
sciences humaines du Canada; le projet intitulé Interdisciplinarité et
enseignement des sciences et des technologies au secondaire : place,
modalités de mise en œuvre, contraintes disciplinaires et institutionnelles
est financé par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la
culture.
En plus d'assurer la direction du CREAS, le professeur Hasni
est également secrétaire général de l'Association mondiale des sciences de
l'éducation (AMSE-AMCE-WEAR) depuis 2004. Jusqu'en mai 2005, il était
directeur du Centre de recherche sur l'intervention éducative et codirecteur
du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession
enseignante.
Avant d'arriver à Sherbrooke en 1996, le chercheur a étudié au
Maroc et y a enseigné la didactique des sciences dans une école de formation
professionnelle des enseignants. Il choisit de s'inscrire au doctorat à
Sherbrooke pour l'étude de l'interdisciplinarité en enseignement des
sciences. Il a occupé un poste de professeur de didactique des sciences à
l'Université du Québec à Chicoutimi de 2000 à 2002, avant de retourner à
l'Université de Sherbrooke (en 2002), pour un poste dans la même discipline.
Des collaborations à l'échelle internationale
En plus des collaborations établies avec des chercheurs au
Québec et au Canada anglophone, le professeur Hasni a établi des liens de
collaboration importants au niveau européen. C'est dans ce contexte qu'il a
été accueilli à titre de professeur invité à l'Institut universitaire de
formation des maîtres et à l'Université de Montpellier 2 en 2005 et à
l'École normale supérieure de Cachan (Paris) en 2004. Durant ces séjours, le
professeur a eu des rencontres de travail avec des chercheurs et des
étudiants aux études supérieures et il a présenté des conférences.
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Le professeur Abdelkrim Hasni et ses collègues chercheurs centrent
leurs recherches sur les pratiques enseignantes en classe afin de
mettre de l'avant un enseignement qui peut donner sens au savoir et
intéresser les jeunes.
Photo : Roger Lafontaine |