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Liaison région, 18 mai 2006
Travailler avec la réalité
pour mieux la transformer
JOSEE BEAUDOIN
En juin dernier, cinq petites minutes après que Bernard Landry eut
annoncé sa démission comme chef du Parti québécois, le téléphone commençait
à sonner chez Jean-Herman Guay. Et il n'a pas dérougi de la soirée. Pour bon
nombre de journalistes, tous médias confondus, le politologue fait figure de
référence depuis plusieurs années. On veut connaître sa lecture des
événements, sa vision des choses. Chez lui, ce samedi-là, quelques amis
étaient réunis pour célébrer son anniversaire. Pas question d'ignorer les
appels et les demandes d'entrevue pour autant. «Ça se passait là, ce
soir-là, alors j'ai fait avec», dit-il simplement. Cette anecdote démontre
sa grande disponibilité, mais elle traduit surtout sa capacité à composer
avec la réalité.
Un réel leader
Lors de son entrevue d'embauche à l'Université, il y a exactement 16 ans,
on lui a dit : «C'est toi qui vas créer les sciences politiques à
l'Université de Sherbrooke.» Le défi, il l'a brillamment relevé en
développant des programmes concrets et différents, en s'inspirant toujours
des forces en présence. «Un vrai leader, ce n'est pas quelqu'un qui arrive
avec son idée et qui l'impose à son environnement. C'est quelqu'un qui est
capable de saisir les différentes possibilités de cet environnement et qui
réussit à combiner sa propre passion avec la réalité», affirme Jean-Herman
Guay. Sa philosophie du «faire avec», elle trouve aussi écho dans sa façon
d'enseigner : «Les étudiants arrivent souvent en politique en voulant casser
le système, casser la baraque, tout casser. Ils ont une certaine rage. Tout
au long du bacc, on essaie de les amener à canaliser cette rage pour en
faire une volonté réfléchie de changer les choses.» Aussi, lorsqu'il voit
ses étudiantes et étudiants performer à Ottawa, à Québec, au niveau
municipal, il est très fier.
Malgré tout le cynisme qui entoure actuellement la politique, Jean-Herman
Guay demeure d'un positivisme inébranlable et inspirant : «Si je croyais que
la politique est une chose sale, je ne l'enseignerais pas. Je retiens
toujours cette très belle phrase de Max Weber qui dit : La politique,
c'est le goût de l'avenir. Lorsqu'on est habité par cette conviction, ce
désir de transformer le réel de façon positive, on agit.»
Un réel rassembleur
Depuis janvier, Jean-Herman Guay est en année sabbatique, ou plutôt en
congé de perfectionnement. En termes clairs, il ne donne pas de cours, mais
il continue d'en mener très large. L'instigateur et directeur du site
Internet Bilan du siècle travaille toujours avec son équipe à étoffer sa
base intégrée d'information sur le Québec du XXe siècle. En
visitant le site, on se dit que c'est un vrai travail de moine. En visitant
le Département d'histoire et de sciences politiques, on se ravise; c'est un
vrai travail de passionné. Mis en ligne en 2003, le Bilan accueille chaque
jour environ 7000 visiteurs. Comme quoi la concision et la simplicité, c'est
toujours invitant.
Un succès venant rarement seul, le directeur et ses collaborateurs ont
lancé récemment Perspective Monde, un outil pédagogique interactif
permettant de trouver facilement de l'information sur la situation mondiale
depuis 1945 et de créer des liens entre les données. Innovateur et unique,
ce site évite bien des détours et des notes de cours! «L'Internet permet de
résoudre le problème de la transmission brute des informations. Pour les
dates, les chiffres, les cartes, je trouve que le multimédia fait mieux que
le prof encore. Dans le fond, ça libère du temps pour davantage réfléchir en
classe, analyser, comprendre et décortiquer», dit-il. Sensible à cette
logique, je vais maximiser l'espace qui m'est alloué et m'abstenir de lister
tous les avantages que présente Perspective Monde. Cette seule adresse vaut
mille mots :
http://perspective.USherbrooke.ca.
Une réelle vocation
Le matin de notre rencontre, intrigué par la séance photos à laquelle se
livrait son ancien professeur, un étudiant lui a demandé à la blague s'il
fondait son propre parti politique. C'est une très bonne question, mais la
réponse est non. Jean-Herman Guay a énormément d'admiration pour les
politiciens, quel que soit le parti; il les trouve très courageux, très
endurants, mais être constamment exposé à la critique, très peu pour lui. Et
l'autre raison fondamentale, c'est qu'il aime trop l'enseignement et les
échanges avec les étudiants. Juste à penser qu'il n'enseignera pas
l'histoire des idées politiques en septembre en raison de son congé, il
ressent un petit pincement, voire un sentiment de vide. «C'est comme si une
partie de moi n'allait pas jouer son rôle.»
L'étudiant a continué sa route en lançant que, avec ou sans parti,
Jean-Herman Guay aurait toujours son vote.
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