La CALSiFrit dans le béton
Un moyen solide et durable pour diminuer la pollution
Et si vous pouviez à la fois vous débarrasser de déchets toxiques,
réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver une
ressource naturelle tout en améliorant la qualité et la durabilité du béton?
Les travaux du professeur Arezki Tagnit-Hamou visant l'optimisation de la
CALSiFrit, un matériau cimentaire, apporteront tous ces avantages. De quoi
se réjouir dans le contexte de l'implantation du Protocole de Kyoto.
ETIENNE SAMSON
La tâche du professeur en génie civil et de son équipe consiste à mesurer
les propriétés et les avantages du produit dans le béton. «On travaille à
corriger et à améliorer le procédé de transformation afin d'obtenir des
performances optimales du produit une fois mélangé au ciment dans le béton»,
précise celui qui s'intéresse à la valorisation de sous-produits industriels
depuis dix ans.
«Nous constatons actuellement que les ajouts cimentaires dans le béton
prolongent la durée de vie moyenne d'un pont de 50 à 100 ans, cite en
exemple le professeur. La structure devient tellement dense qu'elle n'est
que très peu perméable aux agents extérieurs qui pourraient la détériorer.»
Ces éléments qui détériorent le béton sont entre autres l'eau et les
chlorures provenant des sels de déglaçage.
D'où vient la CALSiFrit?
La CALSiFrit est produite en recyclant les brasques usées de l'industrie
de l'aluminium, ces grosses cuves dans lesquelles on chauffe le métal à des
températures atteignant 1100°C. Il faut les remplacer régulièrement
puisqu'elles sont contaminées par du cyanure et du fluor lors du processus
de chauffage. À l'heure actuelle, la production de 100 tonnes d'aluminium
génère environ deux tonnes de brasques usées. La production d'aluminium au
Canada est d'environ 2,6 millions de tonnes par année. Quand ces cuves
périmées sont entreposées à l'extérieur des alumineries, elles risquent de
laisser les matières toxiques qu'elles contiennent se répandre dans la nappe
phréatique avec l'eau de pluie.
NovaFrit se charge de récupérer ces cuves pour produire la CALSiFrit dans
son usine de Sainte-Catherine. «Dans les brasques, on retrouve de la brique,
qui contient de la silice et du calcium, vulgarise le professeur. NovaFrit
broie cette brique, y ajoute d'autres matériaux, chauffe le mélange à haute
température, élimine le cyanure et les autres déchets toxiques, puis
vitrifie le tout pour en retirer un matériau cimentaire, la CALSiFrit.» Ces
opérations se déroulent en contrôlant les émanations toxiques générées par
le processus.
Avantages pour l'environnement
La composition actuelle de la CALSiFrit permet de remplacer jusqu'à 25 %
du ciment dans le béton, ce qui contribue grandement à réduire les émissions
de GES. «Produire une tonne de ciment, c'est produire du même coup presque
une tonne de gaz carbonique, illustre le professeur. En remplaçant le ciment
dans le béton, on évite de produire autant de CO2.»
Il existe par ailleurs d'autres matériaux pouvant remplacer le ciment
dans le béton tout en améliorant ses propriétés, mais pour les utiliser, il
faut avant tout les transporter de l'Ontario ou des États-Unis. Le rejet de
CO2 par les camions lors du transport ne fait que s'ajouter à
la somme des GES libérés. En plus, toujours lors du transport, ces produits
volatils se dissipent dans l'air, ce qui contribue également à polluer
l'environnement. Dans le contexte de Kyoto, il faut calculer les émissions
de GES dans l'ensemble du processus, y compris lors du transport des
matières.
La CALSiFrit, produite au Québec à partir des cuves usées, représente
donc pour nous un sérieux avantage sur les autres options. Éventuellement,
une usine de transformation pourrait être construite près des alumineries.
Pour mesurer les améliorations qu'apporte la CALSiFrit à la composition
et à la durabilité du béton, l'équipe d'Arezki Tagnit-Hamou a réalisé un
large programme de recherche qui inclut trois essais sur chantiers dont la
coordination est assumée par Said Laldji, assistant de recherche. Grâce aux
instruments de mesure placés dans les structures de béton de ces chantiers,
l'équipe reçoit par modem des données concernant les propriétés in situ
du béton telles que la déformation volumétrique et la température.
Et ça se poursuit
Dans un contexte de développement durable et de valorisation des
sous-produits industriels dans le développement de nouveaux matériaux
cimentaires, Arezki Tagnit-Hamou et l'équipe Béton travaillent également sur
un projet avec la compagnie Kruger pour récupérer les cendres provenant de
la calcination des boues de désencrage. Ces boues, qui seront utilisées par
Kruger pour produire de l'électricité, généreront des cendres volantes qui
seront éventuellement ajoutées au béton en remplacement d'une quantité de
ciment, apportant ainsi d'autres avantages pour l'environnement. «L'équipe
travaille très fort, souligne le professeur. Nous avons la chance de former
une équipe pluridisciplinaire où règne une bonne ambiance. L'échange de
connaissances et les discussions dans le groupe de recherche sur le ciment
et le béton sont très profitables à nos travaux», conclut-il.
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