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Liaison, 10 mars 2005
Baccalauréat en adaptation scolaire et sociale
Des enseignants de 8 ans à l'Université
ETIENNE SAMSON
Croyez-vous possible que des élèves du primaire puissent enseigner à des
étudiants au baccalauréat? Si vous avez répondu non, détrompez-vous. Anne
Lessard, professeure au Département d'études sur l'adaptation scolaire et
sociale, ainsi que ses collègues Hélène Makdissi et Claudine Mary, ont
prouvé que c'est tout à fait réalisable, et même avantageux. À la suite de
leurs démarches, des élèves de 3e année de l'école primaire La
Maisonnée sont venus enseigner comment réaliser un projet d'apprentissage
aux étudiantes et étudiants du cours ASI 321 Approches éducatives au
primaire.
C'est au mois de décembre, pour conclure un projet de recherche de
plusieurs semaines, que les 27 élèves de la classe de Christine Lessard sont
venus présenter les résultats d'une recherche portant sur les animaux. Ce
qui importait pour les étudiantes et étudiants d'Anne Lessard, c'est
d'arriver à comprendre de quelle manière l'enseignante a amené les enfants à
réaliser de tels travaux, puisqu'ils devront eux-mêmes implanter un projet
similaire dans le cadre de leur prochain stage.
«La pédagogie par projet s'éloigne de la version magistrale où
l'enseignant possède toutes les connaissances et ne fait que déverser son
savoir, explique Anne Lessard. Au contraire, le pédagogue sert plutôt de
guide pour faire avancer les jeunes dans le développement de leurs
compétences.» Plutôt que de consacrer une période à l'enseignement d'une
seule matière, on passe beaucoup de temps à la réalisation d'un projet qui
implique, dans un contexte signifiant, le français, les mathématiques, les
sciences, etc. Et on valorise le travail d'équipe, qui développe du même
coup le caractère social des jeunes. «Quand les enfants sont actifs, ils
sont engagés dans leur apprentissage, poursuit la professeure. Au bout du
compte, l'enseignant fait beaucoup moins de discipline.»
Une vidéo
Mais une simple rencontre avec les enfants n'aurait pas suffi pour cerner
toutes les subtilités de la démarche. Anne Lessard s'est rendue dans la
classe de l'enseignante au primaire durant les semaines précédant la
rencontre afin de suivre et filmer l'évolution du projet. La vidéo produite
par l'équipe des professeures permet à leurs étudiantes et étudiants de se
familiariser avec les méthodes d'une enseignante expérimentée tout en
suivant l'évolution de l'apprentissage des jeunes. «Nous avons espoir que
les étudiants arrivent à comprendre comment les enfants raisonnent», précise
Anne Lessard. Ils pourront ainsi optimiser leur façon d'enseigner.
Un stage
Il s'agit d'ailleurs d'une excellente préparation en vue du prochain
stage des étudiantes et étudiants. «C'est un stage de 24 jours et les
étudiants doivent investir 30 heures dans leur projet d'apprentissage»,
explique la professeure. À la différence de Christine Lessard, qui enseigne
à des élèves en classe régulière, les étudiants d'Anne Lessard et de ses
collègues enseigneront à des enfants en classes d'adaptation scolaire. Ces
classes regroupent par exemple des jeunes aux prises avec des troubles de
comportement, de développement, d'apprentissage et de communication.
Pour mieux préparer les étudiantes et étudiants à cette réalité, les
trois professeures souhaitent suivre l'an prochain l'évolution de la
pédagogie par projet dans une classe où les élèves éprouvent des difficultés
d'apprentissage; à titre d'exemple, une classe accueillant des enfants
autistes. «On sait que cette méthode fonctionne bien avec les enfants qui
ont soif d'apprendre, explique Anne Lessard. Mettez-les dans n'importe quel
contexte, ils vont s'adapter. Il s'agit maintenant de démontrer comment on
peut améliorer l'apprentissage des élèves en difficulté grâce à cette même
pédagogie.» Les professeures pourront certainement noter des différences
entre le cheminement des élèves d'une classe spéciale et ceux de la classe
qu'elles ont déjà observée.
En somme, cette expérience aura profité tant aux étudiants de
l'Université qu'aux élèves du primaire. «Je crois que cette activité
innovatrice valorise l'apprentissage chez ces enfants, confie Anne Lessard.
Ils sont extrêmement motivés et ils ont hâte de parler de leurs
apprentissages. La motivation d'aller présenter les résultats de leurs
travaux à l'université les stimulait incroyablement. Ils ont préparé des
quiz, des jeux et des présentations orales. Ils étaient tellement fiers de
leur accomplissement et voulaient à tout prix présenter leurs travaux qu'ils
allaient au devant des étudiants.» Pendant ce temps, ces derniers notaient
les comportements et posaient des questions. «Je n'aurais jamais été capable
de faire ça à leur âge», pouvait-on entendre. Comme quoi les temps changent…
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Anne Lessard est professeure au Département d'études sur
l'adaptation scolaire et sociale.
Photo SSF : Roger Lafontaine |