|
Liaison, 10 février 2005
Nouveauté livre
Critique invitée : JULIE MORIN
Étudiante au baccalauréat en communication, rédaction et multimédia
Devant la multitude de nouveautés dans les rayons de ma librairie, mes
pieds me guidèrent vers un étalage, ou plutôt, un livre vint à ma rencontre.
L'ombre du vent capta mon attention. Je lus la quatrième de
couverture et ça y était. Je ne voulais déjà plus me séparer de ce livre
mystérieux qui avait attisé ma curiosité. La première page fut fatale : je
ne pourrais plus lire autre chose avant de l'avoir terminé. Malgré ses
517 pages, ce roman de Carlos Ruiz Zafón, traduit de l'espagnol par François
Maspero, avait fait de moi la nouvelle Daniel Sempere en m'entraînant dans
les mystères que ce roman recelait.
Le narrateur de l'histoire, Daniel Sempere, est le fils d'un libraire de
la région de Barcelone. Il vit seul avec son père depuis le décès de sa mère
six ans plus tôt. Un matin, son père l'amena dans un endroit mystérieux
appelé le Cimetière des livres oubliés. Il expliqua à Daniel que cet endroit
rassemblait tous les livres d'auteurs oubliés et qu'il avait le droit d'en
adopter un afin de sauver le livre de l'oubli. Daniel y choisit L'ombre
du vent, de Julián Carax. Il le lut en une nuit et souhaita par la suite
lire les autres livres de l'auteur. Il découvrit alors le problème :
quelqu'un s'était acharné à brûler la presque entièreté des exemplaires des
livres de Carax. Ce mystère mena Daniel et son ami Fermin sur des avenues
dangereuses où intrigues, romances, poursuites policières et confidences
feront partie de l'aventure du narrateur, de son adolescence jusqu'à la vie
adulte.
Toute l'intrigue se dessine à partir du moment où plusieurs personnes
s'intéressent au livre que Daniel tente de sauver. Elles ont beau lui offrir
une fortune, il tient sa promesse de ne pas se débarrasser du précieux
roman. Même l'incarnation du diable tout droit sorti du livre de Julián
Carax ne parviendra pas à le faire faillir. Daniel vieillira avec cette
détermination tout en apprenant les dures leçons de la vie.
Un amalgame de plusieurs genres
Ce roman de Carlos Ruiz Zafón est un amalgame de plusieurs genres comme
le suspense, le roman policier, la romance, le récit historique, tout en
frôlant le fantastique. Mais cela ne nuit pas aux amateurs de littérature
contemporaine. Le récit de Daniel est ponctué de descriptions appesantissant
l'atmosphère de la guerre civile de Barcelone en 1945 et le danger auquel
Daniel s'expose en s'entêtant à remuer le passé. Au contact de personnages
secondaires exubérants, Daniel, tout comme les lecteurs, aura droit à des
leçons d'apprentissage et à une profusion de proverbes.
La caractéristique de l'engouement des lecteurs pour les aventures de
Daniel mérite ici une attention particulière. La principale raison se trouve
dans le titre du roman : comme il porte le même titre que le livre à sauver
absolument des flammes, le sentiment de rapprochement avec l'histoire est
augmenté, et en le lisant, je souhaitais, moi aussi, sauver ce livre de
l'oubli par ma participation. De plus, et là suivez-moi bien, Daniel, auquel
nous nous identifions, s'identifie quant à lui avec Julián Carax, qui est un
personnage très mystérieux et l'auteur du livre à protéger. Il y a ici une
double identification vis-à-vis du titre du livre et du narrateur. Par ces
circonstances élégamment établies par M. Ruiz Zafón, le lecteur se retrouve
totalement transporté par l'histoire, ne sachant plus pour qui il doit
prendre : Daniel, Carax, son ami Fermin ou le diable qui brûle les livres
pour «le bien des lecteurs». La quête de Daniel représente-t-elle vraiment
une recherche juste ou une curiosité malsaine qui menacera son entourage?
Réussira-t-il à cicatriser son cœur des coups durs de ses passions
adolescentes? Autant de questions maintiennent notre attention au fil du
récit.
L'ombre du vent représente donc à mes yeux un quitte ou double. Soit le
lecteur sera totalement ravi du titre à la quatrième de couverture, soit il
le laissera de côté, jusqu'à ce que le livre le rappelle… Ceux qui, comme
moi, auront le goût de débrancher téléphone, messagerie Internet et horloge
y gagneront en plaisirs.
La littérature barcelonaise contemporaine nous livre ses secrets par cet
auteur nouvellement arrivé sur les tablettes du Québec. À vous de le
découvrir.
En collaboration avec
Retour à la une |
|
|