|
Liaison, 10 février 2005
Aimez-vous mieux seul ou en groupe?
Psychologue invité : GRÉGOIRE LEBEL
Je m'appelle Jean. Je suis une personne autonome. Je fais les choses à
ma manière et j'arrive toujours à fournir un résultat convenable dans des
délais raisonnables. Je ne me dirais pas perfectionniste, mais presque. En
tout cas, si je ne vise pas la perfection, je vise ma perfection. Il est
important pour moi de créer et de présenter des résultats qui me
ressemblent, donc de qualité.
Voilà qu'aujourd'hui, mes collègues et moi avons un document à produire
ensemble. Je sais très bien comment ça va se passer avant même qu'on se
mette au travail. Ça m'exaspère! François va vouloir qu'on se sépare les
parties pour gagner du temps, Josée va se mettre à tout recorriger et à
changer les structures de phrases de tout le monde, on va attendre après
la partie de Marc qui ne viendra pas… Et moi, moi je vais tenter de mettre
un peu d'ordre dans tout cela en assignant des tâches raisonnables à
chacun, et on va me reprocher de vouloir tout contrôler. C'est toujours
pareil! J'aime tellement mieux travailler seul et m'éviter tous ces
inconforts.
Ça, c'est à peu près le discours que je tenais à pareille date l'année
dernière chaque fois que m'était proposé un travail d'équipe. Je trouvais
les autres embarrassants parce qu'ils m'empêchaient de laisser libre cours
à mon inspiration et à mon style personnel. La situation devenait vite
tendue et mes collègues se transformaient à mes yeux en obstacles à
surmonter. Compte tenu de la nature de mon emploi, je me retrouvais
souvent confronté à ce genre de situation. J'ai donc pris un jour la
décision de tenter de changer les choses.
Changer les choses, facile?
J'avais évidemment certaines connaissances sur le travail d'équipe,
comme par exemple l'importance d'avoir un but commun, une bonne
communication et un esprit de coopération. Je ne m'étais cependant jamais
arrêté à comprendre vraiment ce que cela voulait dire ou à me demander
comment mettre en place ces conditions. Mais par où commencer pour amorcer
un changement? Par les autres, évidemment! Réflexe naturel et surtout
économique en énergie (pour moi), j'ai déballé mon sac d'insatisfactions à
mes collègues en leur demandant de s'ajuster. Étrangement, cette stratégie
n'a pas porté fruit, au contraire. Les tensions ne sont devenues que plus
palpables et je sentais mes consœurs et confrères osciller entre la colère
et l'envie de se retirer du projet. Mais où avais-je donc fait fausse
route? Je n'y comprenais rien et cultivais moi aussi une certaine colère
désabusée devant leur refus d'obtempérer. Je me sentais encore une fois
incompris et victime d'une situation qui m'était imposée.
Et si on commençait ailleurs?
Jean n'est pas seul dans sa situation et son réflexe en est un tout à
fait normal. On a souvent l'impression que les autres ne comprennent pas
notre position ou nos idées alors que pour nous, elles représentent
l'évidence même. Heureusement, après cette première tentative, Jean n'a
pas baissé les bras et a fini par comprendre quelque chose d'important :
le vrai changement part de soi. Quand Jean investit de l'énergie à changer
les autres, il n'est plus responsable du résultat, même s'il en a
l'impression. En fait, il se place ainsi, à son insu, dans une position
d'impuissance face à eux. Si, au contraire, il travaillait à changer son
attitude face au travail d'équipe, il pourrait alors avoir une emprise
directe sur son inconfort. En ce sens, Jean pourrait commencer par se
questionner sur son ouverture réelle à recevoir les idées des autres et à
accepter leurs styles de travail, possiblement différents du sien. Il
réaliserait qu'il laisse très peu de marge de manœuvre à ses collègues,
malgré sa bonne volonté.
Mais alors, comment créer de la place aux autres sans s'oublier? Il est
important pour Jean d'énoncer clairement ses attentes, besoins et forces
afin de les présenter au groupe. Il ne sert à rien de les imposer, mais
tout le monde gagne fort à les connaître. Encourager les autres à faire de
même lui permettra de clarifier attentes, besoins et forces de chacun et
ainsi, de négocier une méthode de travail dans laquelle chacun trouvera
son compte. Il vaut mieux «perdre du temps» à créer un climat facilitant
que de tenter d'en sauver en se précipitant sur la tâche. Cette méthode
sera plus payante pour tous au bout du compte! Bien entendu, cette façon
de procéder n'est pas magique et il y aura encore parfois des frictions,
mais l'idée de travailler en équipe risque de révéler une toute nouvelle
saveur : une saveur d'échange riche et agréable! Et vous, êtes-vous
ouverts au travail d'équipe?
En collaboration avec : Le Service de psychologie et d'orientation
Retour à la une
|