Liaison, 10 février 2005
Centres jeunesse
Des solutions pour les familles
en détresse sociale
ÉTIENNE SAMSON
Robert Pauzé et le Groupe de recherche sur les inadaptations sociales de
l'enfance (GRISE) viennent de publier les résultats de la plus vaste étude
jamais réalisée auparavant portant sur les jeunes desservis par les Centres
jeunesse du Québec et leur famille.
Cette étude cerne les caractéristiques sociofamiliales et personnelles
des jeunes âgés de 0 à 17 ans référés à l'application des mesures dans les
Centres jeunesse du Québec et décrit leur évolution 12, 24 et 48 mois après
leur entrée dans les services. Elle vise, d'une part, à faire le point sur
la situation de ces jeunes et de ces familles et à identifier différentes
avenues de solutions pour mieux répondre à leurs nombreux besoins et,
d'autre part, à décrire la réalité des interventions qui leur sont
actuellement proposées.
L'échantillon de l'étude compte 756 jeunes, dont 374 qui ont pu être
suivis durant les quatre années. Parmi ceux-ci se trouvent à la fois les
jeunes qui profitaient des mesures de protection de la jeunesse et ceux qui
devaient recevoir des services dans le cadre de la loi sur les jeunes
contrevenants.
La situation
Selon les données de cette recherche, les familles des enfants âgés de 0
à 11 ans qui reçoivent des services des Centres jeunesse se caractérisent
par une pauvreté importante et de l'instabilité environnementale. Les
parents, quant à eux, présentent des problèmes de santé mentale et ont des
pratiques éducatives et disciplinaires inadéquates. Ces nombreuses
conditions adverses auraient une influence négative sur le développement
intellectuel et langagier de nombreux enfants et sur le fait que plusieurs
d'entre eux présentent des problèmes de comportement graves.
Par ailleurs, on remarque chez les jeunes un peu plus âgés plusieurs
problèmes graves d'adaptation et une confrontation à un cumul de conditions
familiales adverses et à de la violence familiale.
Les adolescents contrevenants, reconnus coupables de délits criminels,
manifestent quant à eux des conduites délinquantes et plusieurs consomment
des psychotropes. Leur famille ne présente toutefois pas de profil de
difficultés majeures, bien que certains parents consomment alcool et
drogues.
Évolution dans le temps
Après quatre années de suivi, les chercheuses et chercheurs n'ont
constaté qu'une faible amélioration de la situation des familles des enfants
de 0 à 5 ans. Les mères sont moins dépressives et les enfants démontrent
moins de retard cognitif. Par contre, l'état de santé général des mères se
détériore et les conditions socioéconomiques de ces familles sont toujours
aussi défavorables, ce qui représente une mauvaise nouvelle compte tenu de
l'âge des enfants.
Chez les familles des enfants de 6 à 11 ans, on remarque une diminution
des problèmes liés à la consommation de drogues et d'alcool chez les parents
ainsi qu'une réduction des comportements violents des parents à l'égard des
enfants. Ces familles continuent à être confrontées à une grande pauvreté et
à une forte prévalence de la monoparentalité.
Bonne nouvelle du côté des adolescents. On remarque une amélioration de
leur situation après seulement deux ans de suivi. On note en effet une
diminution des critères témoignant de déficit d'attention avec hyperactivité
et de troubles oppositionnels. On observe aussi que le nombre de jeunes qui
présentent des idées suicidaires a diminué.
Les résultats sont toutefois partagés du côté des jeunes contrevenants.
L'anxiété et la détresse psychologique des parents s'atténue, les relations
parents-enfant s'améliorent, mais de plus en plus d'adolescents s'adonnent à
la consommation de psychotropes.
Solutions
Les solutions diffèrent selon les types de clientèles. Pour les jeunes
placés sous la protection de la jeunesse, on suggère le développement d'une
stratégie d'aide soutenue par les réseaux d'éducation et les organismes de
loisirs. Il faudrait également faire preuve de plus de tolérance face au
rythme de progression et prolonger la durée de l'intervention.
Dans le cas des jeunes coupables de délits criminels, on conseille de
tenir davantage compte de leur type de personnalité. Leurs parents devraient
aussi être supportés et outillés pour affronter les problèmes de
comportements délinquants, de consommation de psychotropes et de
fréquentation de pairs déviants. Enfin, on souhaite que les milieux du
travail, de l'éducation et des loisirs soient mis à contribution pour
encadrer et soutenir le retour à des comportements plus intégrés socialement
chez ces jeunes.
Peu d'espoir de changement
Malheureusement, la mise en application de telles solutions n'est pas à
prévoir à court terme. Robert Pauzé, qui connaît bien la réalité des Centres
jeunesse pour y avoir agi comme consultant depuis plus de 20 ans, observe
que ces milieux d'intervention sont relativement dépourvus en termes de
ressources économiques et professionnelles, un peu à l'image de leur
clientèle, et qu'ils n'ont pas les moyens nécessaires pour répondre aux
multiples besoins présentés par ces clientèles. De plus, la structure
organisationnelle même de ces centres et la judiciarisation accrue de
l'intervention nuisent, à son avis, à la mise sur pied de programmes
d'intervention spécialisés adaptés aux caractéristiques des différents
sous-groupes cliniques identifiés dans la recherche.
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