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Liaison, 27 janvier 2005
Les réflexions d’un célibataire
Psychologue invitée : Mélanie Thibault
Quand je vois mon grand ami, nous parlons de nos vies pendant des
heures. Lors de notre dernière rencontre, il m’a partagé la difficulté
d’être «encore» célibataire après quatre années. Non pas qu’il n’ait
rencontré aucune femme durant cette période, mais ce furent souvent des
rencontres brèves d’un soir ou de quelques jours qui ne débouchaient sur
aucune relation durable. «Avant, j’aimais vraiment cette liberté de
pouvoir rencontrer qui je voulais sans vraiment avoir à me poser de
question, m’a-t-il expliqué. Mais maintenant que je me sens prêt à plus,
je ne rencontre personne qui puisse vraiment m’intéresser et avec qui ça
marche.» Nous avons donc exploré ce qui pouvait bien être la cause de
cette difficulté qui le rendait triste.
Première prise de conscience
En parlant ensemble, nous avons constaté que mon ami a certaines
craintes face à l’engagement sérieux avec quelqu’un. Au début, il me
disait : «J’ai peur de me tromper, si jamais il y avait mieux ailleurs.»
En creusant un peu plus loin, il a convenu que paradoxalement, il a
justement peur de trouver la bonne personne. Cette réponse m’a d’abord
étonnée. Puis mon ami m’a expliqué qu’au fond, s’il trouve la bonne
personne, une personne qu’il aime beaucoup, il s’attachera à elle et
prendra alors le risque de la perdre. «Perdre un grand amour, m’a-t-il
dit, serait tellement dur à traverser!»
En fait, nous avons constaté que plus l’amour est grand, plus le risque
de souffrir de la perte de cet amour est grand aussi. Alors je comprends
pourquoi mon ami a peur de perdre quelqu’un d’important et de souffrir. Il
a d’ailleurs perdu un proche ces dernières années, et cette perte lui a
fait tellement mal qu’il ne veut pas revivre cette douleur. Depuis, il a
développé plusieurs stratégies pour se protéger d’un véritable attachement
à une femme et la laisser devenir importante pour lui : il choisit des
femmes non disponibles ou déjà en couple. Quand ces dernières manifestent
de l’intérêt pour lui, il devient tout à coup très occupé et distant.
Bref, tout pour éviter d’être vraiment en relation.
Ça se confirme…
«Mais j’aime aussi ma liberté même si je veux une blonde! a ajouté mon
ami. Il me semble que ce serait dur d’y renoncer après toutes ces années.
C’est vraiment agréable de sentir que je peux charmer plusieurs femmes,
vivre les moments pleins de frissons de la première rencontre sans jamais
devoir quelque chose à l’autre.» J’étais un peu surprise, lui qui venait
de me dire qu’il voulait vraiment s’engager. Je lui ai alors demandé : «Tu
as l’impression que vivre en couple, c’est devoir quelque chose à
l’autre?» Il m’a expliqué que la dernière fois qu’il s’était attaché à une
femme, il s’est senti responsable de ses besoins et a cherché à lui faire
constamment plaisir. Il n’arrivait plus à dire non et se sentait coupable
de prendre du temps seul. Il ne se donnait pas le droit de répondre à ses
besoins car il était trop occupé à répondre à ceux de sa copine. Toute sa
vie tournait autour d’elle. À la fin, il a trouvé la relation lourde et
s’est senti pris et étouffé. «Mais pourquoi faisais-tu autant de choses
pour elle?» lui ai-je alors demandé. «Je voulais qu’elle reste. Je croyais
que si je faisais tout pour elle, elle m’aimerait encore plus et ne me
quitterait pas.» On revient encore à cette peur de perdre, d’être laissé.
Mon ami se trouve donc devant deux options insatisfaisantes : éviter
l’engagement pour être certain de ne rien perdre ou être en relation et se
perdre lui-même pour ne pas perdre l’autre. Alors, rencontrer des femmes
différentes de temps en temps sans pour autant aller plus loin est une
sorte de bon compromis : mon ami comble ses besoins relationnels un
minimum sans prendre le risque de s’attacher.
Et maintenant…
Je ne sais pas ce que mon ami fera de ces prises de conscience.
Peut-être que le seul fait d’avoir démasqué sa peur de perdre un être cher
l’aidera à faire le choix d’affronter cette peur plutôt que de développer
toutes sortes de stratégies inconscientes d’évitement. Peut-être aussi
découvrira-t-il qu’il porte en lui des blessures liées à des expériences
d’abandon dans son enfance, et que sa peur d’être abandonné revit en lui
lorsqu’il est en couple. Peut-être craint-il de souffrir autant que dans
le passé. J’aurais alors envie de lui dire justement qu’il n’est plus un
enfant et qu’il pourra survivre à une rupture. Il a davantage de
ressources en tant qu’adulte, alors on ne peut plus vraiment l’abandonner.
Fais-toi confiance, mon ami, et prends le risque d’aimer, ça vaut la
peine!
En collaboration avec : Le Service de psychologie et d’orientation
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