Liaison, 27 janvier 2005
Des chimistes dans la
lutte aux mauvais gras
SOPHIE PAYEUR
Cet automne, le Canada devenait le deuxième pays au monde à s'attaquer
aux gras trans. Le remplacement de ces gras indésirables pose un important
défi technologique à l'industrie alimentaire. Des chercheurs et des
industriels mettent la main à la pâte pour concevoir une technologie qui
générera de bons gras.
Les gras trans se retrouvent naturellement dans certaines viandes et
produits laitiers. Mais la majeure partie de ces gras que nous consommons
sont obtenus par hydrogénation, processus par lequel on injecte de
l'hydrogène dans des gras insaturés. Ces huiles liquides sont ainsi
transformées en graisses semi-solides. Bon marché, ces substances allongent
la durée de vie des aliments et leur donnent une texture attrayante. Ces
huiles transformées sont largement utilisées pour fabriquer des produits de
boulangerie et des aliments frits.
Certaines entreprises substituent déjà les gras trans par des gras
saturés. Moins nocifs que les gras trans, les gras saturés contribuent
cependant à augmenter le risque de maladies cardiovasculaires en haussant le
taux de mauvais cholestérol. Selon les nutritionnistes, un régime
alimentaire sain implique l'élimination des gras trans et une diminution des
gras saturés. Pour éviter les complications de santé, il faut plutôt choisir
une alimentation riche en acides gras monoinsaturés et polyinsaturés, des
gras parmi lesquels on trouve les acides gras essentiels. Mais le hic, c'est
que ces «bons gras» se retrouvent généralement dans les huiles végétales
sous forme liquide, une forme plus difficile à manipuler par l'industrie
alimentaire.
C'est dans la perspective de dénicher des solutions à ce problème que des
chimistes de l'Université de Sherbrooke et des industriels ont choisi de
s'unir. Leur but : mettre au point une méthode permettant d'hydrogéner
partiellement certains bons gras de manière à les rendre semi-solides tout
en évitant la formation de gras trans. Leurs travaux portent sur l'acide
linolénique, un acide gras essentiel polyinsaturé de la famille des oméga-3
et oméga-6.
«Notre objectif est de diminuer «l'insaturation» de ces acides gras sans
les saturer complètement, explique le chimiste Hugues Ménard, du Centre de
recherche en électrochimie et électrocatalyse. Le procédé consiste à
hydrogéner par électrocatalyse l'une des doubles liaisons de la chaîne
d'acides gras polyinsaturés sans toucher aux autres et sans générer de
liaisons trans.»
Les recherches reçoivent l'appui financier du CRSNG et impliquent
l'Institut de recherche d'Hydro-Québec ainsi que INOTEL et Naturia, des
entreprises de la région estrienne spécialisées en recherche et
développement de procédés chimiques. «Le procédé d'hydrogénation des acides
gras essentiels existe déjà, signale Hugues Ménard, mais le contrôle n'est
pas parfait. Le produit qui en résulte contient une certaine portion de gras
trans.»
Pour Hugues Ménard et son équipe, la clef du problème se trouve dans les
catalyseurs utilisés. Le groupe reconnu mondialement travaille à concevoir
des catalyseurs sélectifs, c'est-à-dire des catalyseurs qui n'hydrogènent
que les liaisons doubles désirées.
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