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Liaison, 27 janvier 2005
Quand la physique joue au baseball
SOPHIE PAYEUR
Physicien chevronné et spécialiste de la supraconductivité, Patrick
Fournier s'intéresse à un sujet brûlant. Comment les joueurs de baseball
réussissent-ils à fracasser aussi souvent le record des circuits établi
en 1961 par Roger Maris? La question peut sembler anodine. Son explication
physique pourrait néanmoins vous surprendre.
Le baseball est le passe-temps national des Américains; c'est aussi
l'obsession de Patrick Fournier, professeur au Département de physique. Son
expérience en tant que receveur – il a joué pendant 20 ans à tous les
niveaux – lui a permis d'apprécier la grande panoplie de phénomènes
physiques se rattachant à la pratique de ce sport. Dans ses temps libres, le
chercheur a dépouillé de multiples documents et a effectué des simulations
numériques qui l'ont mené à la conclusion suivante : les records de coups de
circuit seraient affaire de hauteur des coutures sur les balles. Rien de
plus scientifique!
Le tout repose sur la friction de l'air, qui affecte grandement le
mouvement de la balle. À une certaine vitesse, l'écoulement de l'air autour
de la balle connaît un changement subtil qui peut transformer les
performances du frappeur. «Entre 50 et 80 km/h – une vitesse faible pour un
lanceur professionnel – le coefficient de friction de l'air sur la balle est
constant, explique le chercheur. Mais si on dépasse ce stade et qu'on
atteint des vitesses entre 80 et 130 km/h, la rugosité de la balle combinée
à sa rotation entraînent une modification substantielle de l'écoulement de
l'air. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la friction de l'air
n'augmente pas, elle diminue. L'effet est contre-intuitif!»
Dans les faits, l'écoulement de l'air autour de la balle passe d'un
régime laminaire à basse vitesse à un régime turbulent à haute vitesse.
C'est la rugosité causée par les coutures qui entraîne la balle dans ce
régime turbulent. Ainsi, dans un certain intervalle de vitesse, plus la
rugosité est importante, plus la friction de l'air est faible. «On peut
faire l'analogie avec la balle de golf. Celle-ci ne volerait pas très loin
si elle n'avait pas tous ces petits trous sur sa surface. L'absence de
rugosité sur la balle de ping-pong a l'effet contraire. Elle peut atteindre
de grandes vitesses, mais elle ralentira rapidement.»
Patrick Fournier pense en fait que si les balles de baseball pleuvent
plus souvent dans les gradins aujourd'hui qu'à l'époque de Roger Maris,
c'est en partie à cause de la façon dont elles sont fabriquées : «Jusqu'à
tout récemment, les balles étaient cousues à la main. Leur qualité pouvait
être sujette à des variations statistiques non négligeables. Maintenant,
elles sont assemblées par machine et statistiquement, elles sont presque
identiques. Par ailleurs, leurs coutures sont différentes et un peu plus
proéminentes. Ajoutons à cela que les joueurs sont «programmés» à frapper la
même balle de la même façon. Toutes ces petites différences peuvent placer
la balle une dizaine de mètres plus loin.»
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Physicien chevronné et spécialiste de la supraconductivité, Patrick
Fournier se demande comment les joueurs de baseball réussissent à
fracasser aussi souvent le record des circuits établi en 1961 par
Roger Maris. |