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Liaison, 9 décembre  2004

Une révolution pour la fusion nucléaire?

SOPHIE PAYEUR

Depuis des décennies, les scientifiques tentent de mettre au point des méthodes initiant des réactions entre les noyaux atomiques. Imitant le fonctionnement du soleil et des étoiles, la fusion nucléaire dégage en effet une énergie d'une très forte densité et pourrait répondre au besoin grandissant de diversifier les sources d'énergie. Générée par des accélérateurs de particules extrêmement complexes et coûteux, l'énergie obtenue par fusion nucléaire n'est cependant pas pour demain. Selon les experts, elle pourra être utilisée seulement dans une cinquantaine d'années. Or, le chimiste théoricien André Bandrauk pense avoir trouvé une façon plus facile et plus prometteuse d'y parvenir.

Son idée : faire fusionner les noyaux grâce à la puissance des impulsions laser. Directeur de la Chaire de recherche du Canada en chimie computationnelle et photonique, André Bandrauk est largement reconnu pour ses travaux originaux avec les champs laser super intenses. Par des calculs mathématiques réalisés à l'aide d'ordinateurs parmi les plus puissants, il arrive à visualiser le mouvement des protons et des électrons. Mais il faut être d'une rapidité titanesque pour y parvenir : à titre d'exemple, un électron a besoin de seulement quelques attosecondes (10-18 sec) pour se déplacer autour de la molécule. André Bandrauk simule des façons d'y parvenir avec des impulsions laser encore plus rapides. «Soumis à un laser intense, la molécule se brise, les électrons sont arrachés. Les noyaux étant ainsi mis à nus, il est alors possible d'étudier le mouvement des électrons et des noyaux à l'intérieur de la molécule», explique le professeur. Ceux-ci sont responsables de l'architecture des molécules, comme celle de l'ADN. Mais leurs mouvements à l'intérieur de cette architecture sont peu connus. Ainsi, les simulations numériques d'André Bandrauk calculent la possibilité théorique de visualiser avec les lasers des protons et des électrons et d'étudier les propriétés des molécules biologiques, sans expérience en laboratoire.

De fait, c'est avec le laser que le chimiste croit pouvoir induire la fusion des noyaux. L'idée a mûri lorsque son collègue Paul Corkum, du Conseil national de recherches du Canada, démontra, en 1993, qu'une fois l'atome ionisé, l'électron qui l'a quitté entrera à nouveau en collision avec ce même atome, une collision induite par le champ laser. En 2002, dans un article publié dans la revue Nature, André Bandrauk et son collègue Corkum démontrent que cette nouvelle collision d'électron se produit également dans les molécules. «Cette collision peut être créée avec les noyaux des molécules brisées, explique le chimiste. Mais pour faire se cogner et fusionner deux noyaux, il faut un laser d'une intensité encore plus grande : les noyaux sont au moins 2000 fois plus lourds que les électrons!» Selon leurs travaux théoriques, la chose serait possible avec un laser d'une intensité de l'ordre de 1022 watts par centimètre carré. Cette idée de Bandrauk et Corkum a été publiée tout récemment dans les Physical Review Letters. François Légaré, qui étudie avec André Bandrauk, participa également aux travaux. En septembre 2003, le jeune homme était identifié par le magazine Maclean's comme l'un des jeunes Canadiens à surveiller.

Spécialiste de la chimie des surfaces, Patrick Ayotte pense que son collègue ouvre ici une voie difficile à pratiquer mais qui vaut la peine d'être approfondie. «L'applicabilité de ces phénomènes requiert des faisceaux laser peu communs. Et de l'aveux même des auteurs, l'efficacité absolue du procédé est plutôt faible dans les conditions étudiées. Cependant, l'originalité de cette proposition lancera probablement un débat intéressant à deux niveaux. Sur l'utilisation, d'une part, des lasers pour sonder la structure et la dynamique nucléaire et, d'autre part, sur le contrôle des réactions de fusion avec une précision spectroscopique et sur une échelle temporelle inaccessible jusqu'à très récemment. Cette proposition pourrait-elle être prophétique? L'avenir nous le dira!»

Au moment de soumettre l'article aux Physical Review Letters, un laser d'une telle intensité n'existait pas encore. Mais cet été, des chercheurs du Centre des sciences optiques ultrarapides de l'Université du Michigan annonçaient avoir créé le laser le plus intense jamais construit, soit un laser d'une intensité de l'ordre de… 1022 watts par centimètre carré. «Cette réalisation est considérée comme un record mondial dans la communauté de la science laser», dit André Bandrauk.

Les travaux de l'équipe d'André Bandrauk pourraient bien figurer parmi les 10 découvertes de l'année du magazine Québec Science. Le Laboratoire international de source de rayonnement laser ultrarapide de l'Institut national de la recherche scientifique permettra d'ici peu aux chercheurs de faire des expérimentations. Actuellement en construction à Varennes, ce laboratoire mettra bientôt au monde un laser de très haute énergie aux impulsions ultrabrèves. «Je suis convaincu qu'une nouvelle science naîtra bientôt : celle du contrôle des réactions nucléaires par des lasers puissants.» La recherche théorique d'André Bandrauk pourrait orienter les expérimentateurs vers de nouveaux défis. Une histoire à suivre!

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André Bandrauk est
chimiste théoricien.

Photo SSF : Roger Lafontaine

 

 

 

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