Liaison, 25 novembre 2004
Famille : Quand la distance nous rapproche
Psychologue invité : ERIC MAHEUX
Le temps des fêtes arrive à grands pas. Les études ou le travail
laissent momentanément place aux incursions familiales, aux retrouvailles
entre amis, aux escapades en plein air, aux voyages (pour les chanceux) et
pourquoi pas, simplement un moment pour lire, rêvasser, se faire «chauffer
la couenne» devant un bon feu de foyer. Cette période de l'année invite à
nous retrouver, à faire le point et à nous ressourcer. Oui, tout ça
devient possible… dans la mesure où nous y faisons de la place.
D'autres personnes préféreraient, si elles en étaient capables,
s'endormir et se réveiller seulement une fois ce moment passé. Des parents
étouffants, un oncle un peu trop collant, un père qui nous ridiculise
chaque fois qu'il a trop bu, des relations froides ou inconfortables avec
certains membres de la famille; nous ne savons pas toujours comment nous
comporter face à de telles situations.
Développer une saine distance
Devant ces difficultés, on est souvent ambivalent : doit-on endurer ces
malaises sans rien dire ou couper les ponts en gardant une distance? Une
chose est certaine, s'il y a un malaise, il ne disparaît pas par magie.
Les années passent, le malaise grandit et creuse graduellement un fossé
dans la relation. Même si la distance nous donne un répit face au malaise,
elle empêche parfois de le dépasser et d'agir au cœur du problème. Cette
distance peut alors nous empêcher de développer des relations plus
significatives avec les membres de notre famille. Pris entre un besoin de
penser à soi et la peur des réactions de l'autre, on prend quelquefois une
distance sans s'être encore demandé ce qu'on aurait pu faire pour mieux
être dans cette relation.
On oublie souvent qu'il existe des positions intermédiaires où il est
possible de garder une saine distance tout en restant en relation. Par
exemple, face à une relation étouffante avec sa mère, une fille pourrait
lui expliquer en quoi ses conseils sont étouffants pour elle et
l'empêchent d'apprécier la relation. Communiquer à l'autre ce qu'on vit,
c'est se donner à soi-même un espace confortable et également offrir à
l'autre la chance d'y réagir. C'est alors que la distance permet de
dépasser le malaise tout en nous rapprochant de l'autre.
Cependant, il arrive que l'autre ne soit pas réceptif à respecter les
besoins qu'on lui exprime. C'est alors que la distance peut devenir saine
et prendre différentes formes. Face à un père qui ridiculise son fils
lorsqu'il est ivre, ce dernier pourrait alors décider de ne pas participer
au party de Noël ou bien partir lorsque son père commence à trop
consommer. D'autres personnes décideront peut-être d'adopter une position
plus ferme en s'éloignant d'une relation insatisfaisante ou tout
simplement en y mettant fin. À chacun sa distance et sa façon de
l'exprimer!
Agir pour que ça change
Prendre des distances dans une relation amène inévitablement un
changement dans celle-ci. Même si cette distance est bonne pour soi, les
proches peuvent avoir des réactions d'incompréhension face à ce changement
déstabilisant. Par exemple, une mère soucieuse de sa fille pourrait avoir
de la difficulté à comprendre que celle-ci lui exprime son impossibilité à
lui parler chaque fois qu'elle téléphone. Lorsqu'on décide de mettre une
distance dans une relation, cette décision peut être perçue par l'autre
comme une menace pour la relation. Le rôle de chacun s'en voit
momentanément changé et du même coup l'utilité qu'il avait. Ainsi, une
mère qui se sentait utile à conseiller sa fille se sentira peut-être
«inutile» de ne plus avoir ce rôle. C'est pourquoi il n'est pas toujours
facile de changer sans créer quelques remous… le temps que les membres de
sa famille s'habituent à ces transformations et qu'on sache également y
trouver sa place. Expliquer franchement à l'autre en quoi cette distance
est bénéfique pour soi peut l'aider à la comprendre et par la suite à s'y
adapter. Dans l'exemple ci-dessus, il serait alors possible que cette
fille explique à sa mère qu'elle préférerait lui parler lorsqu'elle se
sent disponible, et que pour cette raison, elle aimerait qu'elle attende
parfois son appel, le temps qu'elle en ait l'initiative.
Soit, avant la course effrénée aux cadeaux, les partys de
bureau, les soupers de famille, le réveillon, il peut être important de
s'arrêter un moment pour se demander ce qui est réellement important pour
soi. On a parfois à se positionner dans ses relations afin que cette
période de l'année ne se transforme pas en ce qu'on ne souhaitait pas au
tout début. Se ressourcer nécessite qu'on se donne en relation les
conditions favorables à ce que faire se peut.
En collaboration avec le
Service de psychologie et d'orientation.
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